Pingouin Linux sur une plage

© Crédits photo : "Santorini" / CC BY-SA 2.0

Linux, un système libre

Issues du mouvement des logiciels libres, créées en grande partie par des bénévoles, les distributions Linux sont une alternative à Windows ou Mac OS. Offrant de nombreux outils pour les particuliers ou professionnels, elles ne sont pourtant que très peu connues du grand public, malgré différents efforts.

Temps de lecture : 8 min

Introduction

Linux n'est pas un nom très connu du grand public, surtout à côté de géants comme Microsoft ou Apple. Pourtant ce système et ses distributions jouent un grand rôle dans la structure et le développement d'Internet, et le mouvement dans lequel il s'inscrit a des répercussions dans de nombreux domaines.

Historique de Linux

En 1983, Richard Stallman lança le projet GNU (acronyme récursif de « GNU's Not UNIX »), avec pour but de créer un système d'exploitation entièrement libre (1) compatible avec UNIX. Différents outils comme des compilateurs (2) et des librairies (3) de base furent conçus, et le travail commença sur le noyau HURD, qui devait être le cœur du système.

Le 26 août 1991, Linus Torvalds, étudiant finlandais, posta sur un groupe de discussion Usenet la toute première version d'un système ressemblant à MINIX (4) et capable d'utiliser le compilateur GNU. Il avait alors travaillé sur ce projet par simple plaisir, et sans ambition particulière.

/*-->*/ /*-->*/ Le noyau HURD prenant du retard (5), Linus Torvalds et de nombreux autres contributeurs améliorèrent cette première version du noyau Linux, ajoutant du support pour des composants matériels, des fonctionnalités, et s'assurant que les outils GNU notamment fonctionnaient correctement sur ce noyau.

Rapidement des volontaires constituèrent des distributions Linux (6), ensemble de logiciels formant un système cohérent et prêt à l'emploi, afin de ne plus avoir à récupérer des logiciels de différentes sources disparates sur Internet.
 

Aspects économiques

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La plupart des logiciels d'une distribution Linux sont des logiciels libres, pouvant être modifiés à volonté et distribués gratuitement ou contre rémunération.

Une écrasante majorité de contributeurs sont des bénévoles, non rémunérés (7). Ceci n'empêche pas certains contributeurs d'être employés par des sociétés commerciales. Ainsi Linus Torvalds lui-même est employé par la Linux Foundation pour travailler sur le noyau (8).

Des grands noms de l'informatique comme IBM, Intel, Oracle, Novell apportent également un soutien au noyau Linux, et ainsi à ses distributions. Ce soutien, outre l'utilisation qui est en elle-même une forme de reconnaissance, se traduit parfois par la mise à disposition de ressources pour améliorer ce noyau, qui par conséquent est maintenant écrit en grande partie par des employés (9).

Les distributions elles-mêmes sont très largement gérées par des bénévoles. Il existe plusieurs centaines de distributions, visant des publics très variés : distribution la plus petite possible, pour serveurs spécifiques, pour le grand public, la plus vulnérable pour s'entraîner à l'audit des systèmes, etc.

Il existe tout de même des distributions gérées par des entités commerciales, comme Mandriva et RedHat. Ils vendent ainsi des DVDs, ou d’autres supports comme des clés USB, contenant une distribution Linux (dont les composants eux-mêmes sont libres et peuvent être redistribués à volonté) et font du service autour de cette distribution, notamment du support commercial. Canonical, fondée par Mark Shuttleworth, édite la distribution Ubuntu, qui vise à promouvoir Linux auprès du grand public. Le chiffre d'affaires de Mandriva est d'environ 4 millions d'euros pour 2007, de presque 750 millions de dollars pour RedHat sur 2009 et celui de Canonical de 30 millions de dollars d'après Mark Shuttleworth.

La part de marché des distributions Linux est difficile à estimer. En effet, il n'y a pas de chiffres de ventes globaux (puisque pas de vente dans la majeure partie des cas). Le nombre de téléchargements est un critère, mais avec ses propres limites : une distribution téléchargée peut parfaitement être installée sur plusieurs ordinateurs.

Sur le marché des serveurs, Steve Ballmer, CEO de Microsoft, reconnaissait en septembre 2008 que Linux faisait fonctionner environ 60 % des serveurs.

Sur le marché des ordinateurs personnels, Linux n'a qu'un faible pourcentage de pénétration, estimé entre 1 et 5 %. À titre d'exemple, en juin 2010, les internautes lisant Wikipédia et ses projets sœurs utilisaient à 86 % Windows, contre presque 7 % des Mac et 2 % Linux.

Plusieurs grandes sociétés d'informatique, pour réduire le coût final des ordinateurs ou séduire la communauté de contributeurs, fournissent ou ont fourni des ordinateurs pré-équipés de distributions Linux plutôt que Microsoft Windows. Ainsi Dell supporte officiellement certaines distributions. L'enseigne de grande distribution Wal-Mart a également durant plusieurs mois mis en avant des ordinateurs avec Linux pré-installé. On peut aussi noter que, durant de nombreuses années, les distributeurs d'ordinateurs ont subi des pressions de Microsoft pour ne pas proposer autre chose que Windows.

Même si les sources sont libres, en général les logos ou marques de logiciels sont protégés, afin d'éviter toute utilisation abusive. Aux États-Unis, Linux est une marque déposée par Linus Thorvalds, Debian est une marque déposée par Software in the Public Interest, Inc., et Ubuntu est une marque déposée de Canonical.
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Qu'est qu'une distribution Linux ?

Une distribution Linux est un ensemble de logiciels, la plupart du temps libres (10), formant un système complet. À savoir un serveur, un système bureautique avec une interface graphique et des logiciels de bureautique, ou toute autre combinaison. Une des forces des distributions est qu'il en existe pour de nombreux besoins spécifiques, de l'équivalent Microsoft Windows au totalement exotique.

Un avantage majeur est qu'une distribution à destination du grand public fournit en standard tous les outils nécessaires lors de son installation, ne forçant pas ensuite l'utilisateur à installer lui-même les logiciels dont il a besoin.

Les distributions ont en général un système de paquets (11). Un logiciel appelé « gestionnaire de paquets » (12) est le point central permettant à l'utilisateur d'installer et de mettre à jour par Internet les logiciels disponibles dans sa distribution. Ceci permet une centralisation et un outil unique (13), par opposition à des systèmes comme Microsoft Windows ou Apple Mac OS où les logiciels ont chacun leur système de mise à jour (14).

Les distributions utilisent les sources fournies par les bénévoles des différents logiciels, comme Firefox ou OpenOffice.org, les adaptent pour leur usage (15), et en font un paquet standardisé pour leur propre gestionnaire de paquets. Ce paquet est ensuite redistribué aux utilisateurs de la distribution.

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La numérotation des versions et les stratégies de mises à jour varient énormément selon les distributions. Certaines ont par exemple des numéros selon la date de création (2010.05 pour la distribution Arch Linux par exemple).


Une stratégie utilisée par Debian (et d'autres distributions), une des plus anciennes distributions encore actives, est d'avoir différentes versions : la version stable (l'actuelle est nommée « Lenny » (16)) utilise des versions stables mais souvent vieilles de quelques mois ou années des logiciels, qui ont été longuement testés et dont les bugs majeurs ont été corrigés avant leur mise à disposition ; d'autre part il existe une version « unstable » (l'actuelle est nommée « Sid »), qui contient des paquets plus récents, en cours de test pour une future version stable.

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Lorsqu'un bug est signalé, la distribution peut le transmettre au projet d'origine, ou corriger l'anomalie elle-même quitte à faire ensuite suivre cette correction à ce projet d'origine.

 

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Chaque distribution a son propre site Internet, avec sa documentation, ses forums, ses listes de discussion, et bien sûr sa communauté d'utilisateurs et de développeurs. Il y a parfois recouvrement et synergies entre contributeurs, surtout au niveau de la documentation.


Un des points faibles des distributions Linux, qui est également une force, est leur extrême variété. Même s'il existe différents standards pour rendre cohérents certains aspects (17) (organisation des répertoires, etc.), la grande diversité des combinaisons possibles (librairies, gestionnaires de paquets, versions utilisées, etc.) rendent difficile un support universel de logiciels, surtout pour des logiciels propriétaires qui devraient être testés sur des milliers de combinaisons possibles. Ces tests constituent un coût non négligeable, qui combiné avec la faible proportion d'utilisateurs de Linux dissuade de nombreuses sociétés de fournir des versions pour ce système.

La communauté autour de Linux

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Linux, aussi bien le noyau que les distributions, s'inscrit dans la mouvance du logiciel libre. La philosophie défendue est celle de l'accès au code source des logiciels, avec des droits de lecture, de modification et de redistribution.

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Ceci s'oppose aux logiciels dits propriétaires (comme la plupart de ceux de Microsoft ou Apple), que les utilisateurs ne peuvent pas redistribuer gracieusement à volonté, ou dont ils ne peuvent inspecter les sources.

 

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Les motivations des tenants du logiciel libre sont diverses. Certains sont partisans par pragmatisme, estimant que des sources distribuables et réutilisables permettent au final de développer de meilleurs logiciels (pas besoin de réinventer la roue, si un composant logiciel fonctionne autant l'utiliser), d'autres en font une question de philosophie avant tout.


Cette communauté du logiciel libre s'est étendue à d'autres domaines comme l'art ou le savoir – Wikipédia est le meilleur exemple de communauté visant le partage libre du savoir. Les licences Creative Commons proposent des licences d'utilisation basées sur le droit d'auteur et permettant la modification et la redistribution des œuvres artistiques, de façon équivalente aux logiciels libres. Ces mouvements ont des répercussions sur le domaine juridique, en participant par exemple à différents débats autour du droit d'auteur et de la propriété intellectuelle.

Un autre point parfois de friction entre les tenants du logiciel libre est une finalité différente de la liberté liée aux sources. Pour les partisans de licences « à la BSD », les sources libres peuvent être réutilisées y compris dans des logiciels propriétaires, perdant ainsi leur caractère libre. Pour les partisans de licences « à la GNU », les sources doivent rester libres y compris pour l'utilisateur final, ce qui interdit toute réutilisation dans les logiciels propriétaires. Certains parlent de caractère viral pour décrire ces dernières licences, car elles « contaminent » le code qu'elles touchent. Ceci a parfois des effets de frein pour les entités commerciales, qui ne souhaitent pas prendre le risque de « mal » réutiliser du code GPL (18) et de se retrouver au cœur de problèmes juridiques.

Conclusion

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Les distributions Linux sont aujourd'hui une alternative valable à des systèmes comme Windows ou Mac OS X. Sur le domaine des serveurs, elles ont une grande part de marché. Dans le domaine de l'informatique grand public, elles peinent à percer, en partie par simple inertie des utilisateurs qui sont habitués à leur système Windows ou plus rarement Max OS et par le manque de communication, et de publicité, autour de Linux et de ses distributions.

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Cependant tous les partisans de Linux ne souhaitent pas nécessairement une percée vers le grand public ; certains estiment en effet que cela signifierait un abaissement du niveau des distributions, ou de manière plus critique, d'autres sont satisfaits d'avoir un système qui fonctionne pour eux sans s'occuper des autres utilisateurs.

Exemples de distributions Linux

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  • Debian, basée sur un système de paquets précompilés

  • Gentoo, basée sur l'idée que chaque utilisateur compile les logiciels avec ses propres options d'optimisation

  • Slackware, une des premières distributions et la plus ancienne encore en activité

  • Damn Small Linux, distribution prenant le moins de place possible

  • Damn Vulnerable Linux, distribution très vulnérable pour les étudiants en sécurité informatique

Exemples de logiciels libres

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  • Firefox, navigateur Internet

  • KDE et Gnome, environnements graphiques

  • OpenOffice.org, ensemble bureautique avec traitement de texte, tableur, outil de présentation

  • The GIMP, outil d'édition d'images

  • Blender, outil de création 3D

  • Apache, serveur Internet

Lexique

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  • Compilateur : logiciel transformant du code lisible par un humain en un code utilisable par un ordinateur

  • Librairie : ensemble de fonctions partagées entre des logiciels

  • Noyau : cœur du système d'exploitation, responsable de la communication avec les composants matériels

  • GPL : GNU General Public Licence, licence de distribution de logiciels très utilisée dans le monde du logiciel libre

  • Paquet : logiciel mis en forme pour être utilisé sur une distribution spécifique, ainsi que des meta-données associées (dépendance envers d'autres paquets, incompatibilité avec d'autres paquets, mots-clés, etc.)

  • Gestionnaire de paquets : logiciel spécifique à une distribution permettant à l'utilisateur d'installer, mettre à jour et supprimer les paquets de cette distribution sur son système.

Références sélectives

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  • The GNU Manifesto, par Richard Stallman, dans lequel il décrit pourquoi il a créé le projet GNU et ses objectifs. 

  • The Cathedral and the Bazaar, essai de Eric Steven Raymond comparant différentes méthodes de développement, en simplifié celle des logiciels propriétaires et celle des logiciels libres. Version en anglais.

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