Rencontre aux capucins

Rencontres aux Capucins, à Brest, dans le cadre du festival, vendredi 3 février 2023.

Le festival Longueur d'ondes, à Brest, fidèle rendez-vous des amoureux du son

La dix-neuvième édition du festival Longueur d’ondes s’est tenu à Brest du 1er au 5 février. Réparti dans plusieurs lieux de la ville, l’évènement a, cette année encore, plébiscité la création.

Temps de lecture : 4 min

« Tu connais Le Cœur et Les Couilles sur la table ? Chaque épisode me fout une claque », confie une jeune femme à une copine, dans la cabine du téléphérique urbain survolant l’arsenal. Dans la lueur rougeoyante du soir, elles racontent n’avoir pas tout compris à la performance sonore qui vient d’inaugurer le festival Longueur d’ondes, ce 1er février, dans l’auditorium des Capucins.

Cette anecdote résume à elle seule tout le projet de longueur d’ondes, dont l’ambition est de « donner à entendre tout ce que la création radiophonique a de plus exaltant », nous rappelle Laurent Le Gall, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Bretagne occidentale, et surtout co-créateur, en 2002, de l’association Longueur d’Ondes. Une fine barbe poivre et sel, il nous reçoit pour un thé dans l’espace des Capucins dédié aux invités. Le festival a bien grandi : 20 000 personnes étaient attendues pour ces cinq jours, contre un millier lors du tout premier festival en 2003.

Autre changement : Longueur d’ondes accorde désormais « un bon tiers de sa programmation au podcast » d’après son co-créateur. Une évidence aujourd’hui, qui ne l’était pas tant que ça il y a encore quelques années. Lors de l’édition 2020, « plus de cent-soixante artisan·es de la radio, de l’écoute, de la critique et de la création sonore » publiaient un manifeste (consultable ici) inquiet face à l’arrivée du « podcast industriel », porté par les studios privés et les radios publiques, accusées de « [se saisir] du son de façon comptable, pour en détruire tout ce qu’il fabrique de commun. »

« Tout le monde est à égalité »

« Ça te dérange si on discute pendant que je fume ? Il faut savoir gérer son temps à Longueur d’Ondes… » Cela fait quatre ans que Matilde Meslin, journaliste à Slate.fr et productrice du podcast Super Green me, se rend au festival. Et pour elle, « on revient ici à l’objet son, à ce que l’on raconte, comment on le raconte, et tout le monde est sur un pied d’égalité. » Tout le monde, c’est-à-dire les radios (associatives, publiques, privées), les studios de podcast, les auteurs indépendants. Et en définitive, il est peu question de gros chiffres et d’audience. Cette année, elle menait notamment un entretien avec Erwann Gaucher, de Radio France. L’occasion pour lui d’expliquer la stratégie numérique du groupe, sur les différentes plateformes ainsi que sur sa propre application. Cette dernière est au centre des réflexions éditoriales et bénéficie d’une curation des contenus, pour laquelle est notamment mis à contribution un algorithme développé en interne.

C’est également au détour d’une pause clope que l’on aborde Xavier Miliner, coordinateur à la CORLAB (coordination des radios locales et associatives de Bretagne). Il vient d’animer un atelier dédié aux actions d’éducation aux médias et à l’information conduites par les radios associatives de la région. Pour lui, « le festival donne un espace à de nombreux acteurs et métiers de la radio», pas juste les présentateurs stars, et plus seulement des grandes figures du service public.

Direction l’Océanopolis (trois quart d’heures de trajet). Le musée aquatique accueille des discussions sur l’écologie et la nature. S’y tient notamment une table ronde animée par Élise Raque, journaliste radio à Télérama. Ses invités : Nabil Wakim du Monde, animateur du podcast Chaleur humaine, Delphine Saltel, autrice de Vivons heureux avant la fin du monde, et Lucas Saltritti, derrière le podcast Super Green Me. L’auditorium est plein. On reconnaît des visages rencontrés plus tôt aux Capucins. Durant un peu plus d’une heure, ils ont tous les trois confronté leur manière de parler du changement climatique. Entre comédie, interview d’experts, et pratique d’un journalisme gonzo, les échanges sont riches et les rires nombreux, malgré la gravité du sujet.

En sortant, on rencontre une petite troupe d’Arte Radio. L’apéro s’improvise. « Le festival, c’est les festivaliers avant tout ! », souligne Emma Bouvier du studio. La soirée se poursuit au Vauban, cabaret-bar-restaurant-hôtel emblématique de longueurs d’ondes, lieu de rencontre et de fête après les journées de conférence. Des voix connues du podcast apparaissent, des patrons et des grands noms aussi : on serre des mains, avant de commander un verre. Les habitués brestois ne semblent pas troublés par les festivaliers.

« Chaîne de valeur » ?

Le lendemain, on choisit de rester au chaud  dans l’auditorium des Capucins. Durant l’après-midi, plusieurs conférences s’y déroulent. Tout d’abord, un « point d’étape »  du tout jeune observatoire du podcast. La structure, créée en février 2022 par l’Arcom et la DGMIC (Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la Culture), a pour but d’évaluer et d’accompagner le secteur, en pleine évolution. Pendant une heure, Hervé Godechot et Anouk Rigeade (représentant respectivement la DGMIC et l’ARCOM) ont déployé leurs observations et leurs recommandations. Certaines ont fait grincer des dents, aussi bien sur Twitter (où plusieurs personnes ont relayé la conférence) que dans les rangées de l’auditorium. En choisissant de focaliser leurs analyses sur les acteurs « participant à la chaîne de valeur », l’observatoire fait l’impasse sur tout le versant amateur du podcast.

L’après-midi se poursuit autour d’un autre enjeu du secteur : l’encadrement de la création des œuvres sonores et les relations entre commanditaires et autrices et auteurs. Pendant une heure, Nicolas Mazars (SCAM), Lorenzo Benedetti (président du studio Paradiso), Jean-Michel Orion (Radio France) et Caroline Nogueras (autrice indépendante) ont ainsi abordé les différentes questions à se poser lors de la production de contenu : Quel statut déclarer ? Quel organisme contacter ? Quelles closes vérifier dans les contrats ? Quid des droits à l’adaptation ? Des questions cruciales dans un milieu en pleine structuration.

Il est 18h15 lorsque l’on sort, un peu en avance, de la nuit de la radio, montage d’archives audio de l’INA. Devant l’auditorium des Capucins, une longue file s’étire. Des jeunes femmes surtout, mais pas seulement.  « On attend l’enregistrement des Couilles sur la table. C'est dans une heure ! »

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