« Allo c’est le Maroc ? – Non c’est Vivendi ! ». Cette boutade qui circule au Maroc illustre la position dominante qu’occupe l’opérateur français de télécoms dans le paysage marocain via sa filiale Maroc Telecom ou IAM (Itissalat AI-Maghrib). Avec une marge bénéficiaire de 46 % en 2009, l’opérateur marocain, acquis par Vivendi lors de sa privatisation début 2001, est deux fois plus rentable que SFR, la principale société du groupe français. Il fournit plus de 20 % de son bénéfice alors qu’il ne représente que 10 % de son chiffre d’affaires global. Traditionnellement, la totalité des bénéfices de Maroc Telecom sont distribués aux actionnaires qui sont, à côté de Vivendi (53 %), l’État marocain (30 %) et le public (17 %). Cette performance hors du commun n’échappe pas à la Bourse de Paris où le cours de l’action de la société marocaine a grimpé de plus de 12 % entre janvier et décembre 2010 alors que le CAC 40 plongeait de 7,6 %.
Qu’est ce qui fait la prospérité de Maroc Telecom ? Essentiellement sa position dominante sur le marché marocain et la forte rentabilité de ses filiales africaines. Le groupe occupe une position largement dominante sur le marché marocain des télécoms, toujours en forte croissance. Autrefois opérateur unique contrôlé par l’État, Maroc Telecom, ex-Office des postes et télécommunications, a défendu depuis sa privatisation sa position face à une concurrence restée timide jusqu’à récemment. De loin le premier opérateur global des télécommunications dans le Royaume, sa part de marché se situe aujourd’hui à 55 % pour le mobile et à quasiment 100 % pour le fixe et l’ADSL. «Il est assez inédit pour un opérateur historique de conserver une telle part de marché», reconnaît avec satisfaction l’ex-ministre marocain des Télécommunications, Abdeslam Ahizoune, aujourd’hui aux commandes de Maroc Telecom.
La conjoncture s’avère moins favorable que par le passé. Dès 2009 en effet, Maroc Telecom affichait un résultat opérationnel en baisse de 3,5 % par rapport à 2008, « une baisse liée notamment aux efforts commerciaux entrepris pour stimuler le marché et maintenir le leadership » commente le groupe. Durant l’année 2010, le paysage marocain des télécommunications a connu d’importants changements, non sans conséquences pour Maroc Télécom. Le nouvel opérateur Inwi, lancé en février 2010 par le groupe Wana Telecom, a réussi une rapide percée en captant 57 % des nouveaux abonnés au téléphone mobile durant les neuf premiers mois de 2010 grâce à une campagne de promotion très agressive, essentiellement tournée vers les jeunes. Sa montée en puissance lui a permis de quasiment doubler sa part de marché (de 5,7 % à 10,1 %) au cours du deuxième trimestre 2010, faisant reculer celle de Maroc Telecom de 2 points (voir tableau ci-dessus). Maroc Telecom n’a pas tardé à réagir en lançant, en décembre 2010, une offre ciblée 100 % jeunesse incluant un accès illimité à des clips d’Universal Music (filiale de Vivendi) et quatre chaînes musicales de télévision MTV, le tout inclus pour 99 DH (8,90 €) par mois avec une heure de communication et 300 SMS.
Pour mieux asseoir son développement au sud du Sahara, Maroc Telecom a commencé à installer un câble à fibre optique qui doit relier la Maroc et la Mauritanie, l’objectif étant, selon Maroc Telecom, de « raccorder le Maroc aux pays où l’opérateur est implanté en Afrique de l’Ouest ».
Dans ce contexte, Vivendi a tout intérêt à continuer à utiliser sa filiale marocaine comme relais vers le continent africain, puisque celle-ci lui fait remonter les dividendes de ses activités. « Maroc Telecom nous sert de tête de pont vers l’Afrique noire », confirme-t-on aujourd’hui chez Vivendi. Si Maroc Telecom verse chaque année 30 % de ses dividendes à l’État marocain au prorata de sa participation au capital, Vivendi bénéficie, avec cette alliance, d’une précieuse porte d’entrée sur les marchés africains et arabes.
Président de Maroc Telecom : Abdeslam Ahizoune.
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