Medium : quelles perspectives pour les médias ?

La plateforme de distribution veut s’imposer comme un nouveau canal de distribution et d’hébergement de contenus pour les médias.
Temps de lecture : 3 min

Great stories deserve a great audience. L’adage de Medium a définitivement de quoi séduire les éditeurs de presse. De bonnes histoires, ils en ont plein. Et de l’audience, un peu moins. Or, la plateforme de publication fondée il y a cinq ans par Ev Williams, anecdotique créateur de Blogger et Twitter, se rêve en agora du web. Un lieu de réflexion, d’échanges et de débats. Un lieu où chaque essai, analyse, point de vue et quelconque autre forme d’expression aurait un auditoire : son auditoire.

Car, comme YouTube, démocratiser la publication - cette fois-ci d’écrits - sur le web n’est pas son seul objectif. Medium ambitionne d’acheminer à son utilisateur tout contenu susceptible de l’intéresser, en fonction de ses centres d’intérêts et des personnes suivies. C’est un réseau social d’influenceurs, où l’on navigue au gré des tags et des recommandations. 

Un réseau en pleine expansion

Réservée à ses débuts à une élite technophile, la plateforme a été depuis investie par une large communauté, appâtée par la profondeur et la qualité des articles. Impatiente aussi de découvrir, lire, écrire, partager et réagir grâce à toute une batterie d’outils sociaux : commentaires, réponses, surlignages des passages les plus intéressants… Des politiques, des avocats, des journalistes, des entrepreneurs et des écrivains y ont notamment élu domicile. 

Guère étonnant, donc, que de grands médias (The Washington Post, Fortune, The Economist) comme de plus petits (The Ringer, The Awl, Pacific Standard) aient succombé à ses charmes. Et à ses 25 millions de visiteurs uniques par mois. Depuis avril, le réseau social de publication ne cesse de leur faire les yeux doux. Medium a développé de nombreuses fonctionnalités pour les producteurs de contenus professionnels : noms de domaines, personnalisation graphique, newsletters, outils de monétisation… Les accueillir sur sa plateforme lui garantit des contenus de qualité et donc, de visibilité. 
 
Peu de chance cependant de voir Le Monde ou Le Figaro s’installer dans l’immédiat sur la plateforme, encore méconnue dans l’Hexagone. Seulement 6 000 lecteurs sont abonnés à la publication officielle de Medium en France, qui expose plus de 700 auteurs. Des éditeurs français moins dotés en capital pourraient par contre franchir le pas pour abandonner leurs sites web traditionnels, moins intéressés par la capacité de distribution que d’hébergement de la plateforme. 

Une plateforme « publisher-friendly »

Si les grandes entreprises possèdent les moyens d’entretenir un site web, ce n’est pas forcément le cas des PME de l’information ou des indépendants. Dans une interview au Nieman Lab, Nicholas Jackson, qui a fait migrer le magazine Pacific Standard sur Medium en début d’année, explique qu’il préfère dépenser son argent dans du contenu éditorial plutôt que dans le développement d’un site ou application pour l’héberger.

Quel intérêt à le faire quand une plateforme le propose, en mieux et gratuitement ? La ligne graphique de Medium, belle et ergonomique, a été pensée pour l’écriture multimédia. La plateforme offre de plus la possibilité aux éditeurs de publication d’avoir leur propre interface, navigation et nom de domaine. En bref, elle promet de préserver leur marque. Elle garantit aussi un temps d’affichage des articles en-dessous de deux secondes et une comptabilité avec Instant Articles de Facebook et Google AMP. Oubliés les problèmes techniques, « Medium s’occupe de tout ». 
 
 La plateforme n’a pas encore trouvé de modèle économique viable 
Même de la monétisation. Malgré une valorisation à 600 millions de dollars, la plateforme n’a pas encore trouvé de modèle économique viable. Deux options de rétribution pour les producteurs de contenus professionnels ont donc été développées où, dans les deux cas, Medium touche un pourcentage. La première est un système de donation, un paywall où l’éditeur débloque l’accès d’une partie de son contenu en échange d’une participation financière. La seconde est la désormais classique mise en place d’articles sponsorisés. 
 
Le Boston Institute for Journalism a été l’une des premières publications à monétiser une partie de ses contenus (capture d’écran)

Pour quels contenus ?

Le Washington Post n’a cependant pas embrassé Medium pour y migrer son site web mais bien pour la promesse de la plateforme de mettre en relation les contenus et les utilisateurs. Mais la communauté est exigeante. Pas question par exemple de lui servir de l’actualité chaude, comme l’a noté le journal américain

Le Post a donc choisi avec soin les articles à publier, n’hésitant pas à adapter certaines de ses histoires pour coller au ton personnel de Medium, voire à créer des contenus originaux. La publication du journal possède, entre autres, une rubrique making-of, où certains journalistes racontent comment se sont déroulées leurs enquêtes.
 
 Les contenus trop lisses ont un très faible écho sur Medium  
De manière générale, ce sont les articles écrits à la première personne qui marchent, car plus engageants. Les contenus sans patte personnelle ou trop lisses ont un très faible écho sur la plateforme. 
 
La reprise d’articles de blog est donc courante. The Economist et son blog Democracy in America, par exemple, qui couvre l’affrontement entre Hillary Clinton et Donald Trump, dans le but de toucher une audience américaine majoritaire sur le réseau. Le magazine britannique a aussi donné carte blanche à son équipe dédiée aux réseaux sociaux pour communiquer sur leur travail dans une publication dédiée
 
Fortune a lui complètement déporté son réseau de contributeurs issu du monde du business (très présent sur la plateforme) pour créer une communauté axée sur la participation et l’échange de conseils. Les lecteurs peuvent s’impliquer de différentes manières dans la lecture d’un article, en surlignant par exemple les passages qu’ils ont trouvé les plus intéressants avec un commentaire.
 
Au-delà d’être une plateforme où distribuer leurs contenus, Medium semble donc surtout pour l’instant être un laboratoire d’engagement et d’échange pour les médias. Son intention n’a de toute façon jamais été de valoriser son réseau par le nombre de clics qu’il produit pour un article mais bien plus pour  la capacité d’attention et de réaction de ce dernier.   

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Crédits photos :
Captures d'écran de la plateforme Medium
 

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