Tempête sur le marché de la vidéo physique
Les éditeurs de DVD et Blu-ray cherchent de nouveaux relais de croissance pour redonner du souffle à un marché au bord de l’asphyxie.
Colosse, géant, mastodonte, poids-lourd… les qualificatifs abondent pour désigner Microsoft. Au gré des innombrables articles de presse, livres, émissions, sites Internet et blogs consacrés à la multinationale américaine, le champ lexical du gigantisme est, à chaque fois, exploité jusqu’à épuisement. Une facilité journalistique ? Sans doute, mais, une fois n’est pas coutume, celle-ci est largement justifiée. Les résultats annoncés par Microsoft au terme de son année fiscale 2010 donnent le ton. Voilà une entreprise qui emploie près de 90 000 salariés partout dans le monde, réalise plus de 60 milliards de dollars de chiffre d’affaires et engrange 19 milliards de dollars de bénéfices. Les chiffres vous donnent le tournis ? Alors fermez les yeux et imaginez un endroit dans le monde où, chaque seconde, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, tombent deux beaux billets de mille dollars. Vous y êtes : Redmond, dans l’Etat de Washington, le siège de Microsoft Corporation.
Seulement voilà : trois années se sont écoulées et le cœur de Microsoft bat toujours. En enterrant la multinationale avec un plaisir non dissimulé – « je suis heureux que Microsoft soit mort » –, Paul Graham et ses nombreux épigones ne seraient-ils pas allés un peu vite en besogne ? N’auraient-ils pas pris leur désir pour une réalité en omettant d’exposer, à côté des faiblesses avérées de la multinationale, tous les atouts qu’elle conserve encore dans son jeu ? Et n’auraient-ils pas sous-estimé ces chiffres pourtant incontestables, qui révèlent que depuis dix ans et mis à part un léger décrochage dû à la crise en 2009, le chiffre d’affaires et les profits de l’entreprise ne cessent de croître, lui conférant l’une des plus puissantes forces de frappe économiques de la planète ? Aujourd’hui, avec 2 000 dollars par seconde, Microsoft est un mort qui se porte plutôt bien, n’en déplaise à ses fossoyeurs trop empressés…
En Europe, on songe immédiatement au rôle de la Commission de Bruxelles, et notamment aux 500 millions d’euros qu’elle a réclamés à Microsoft en mars 2004 pour abus de position dominante, puis aux 900 millions d’euros additionnels qu’elle a exigés en février 2008. Mais le bal a été ouvert plus tôt outre-Atlantique. La multinationale est effectivement surveillée en permanence en vertu du Sherman Antitrust Act, qui vise à bannir les pratiques monopolistiques contraires à la libre concurrence aux États-Unis. Dès le début des années 1990, Microsoft y a été placé sur la sellette, les différentes procédures ayant finalement abouti à un procès spectaculaire ouvert en mai 1998. À cette époque, la firme, sous la conduite de Bill Gates, répondait encore bille en tête aux accusations dont elle se déclarait publiquement la victime – mais dont aucun softy, de la base au sommet de la société, n’ignorait le bien-fondé. Menaces à peine voilées, mauvaise foi assumée, le poids lourd exhibait alors toute sa musculature, persuadé qu’elle suffirait à maintenir ses adversaires dans les cordes, et convaincu de la validité du célèbre adage : ce qui est bon pour Microsoft est bon pour l’Amérique. Tout le monde garde le souvenir des images du patron de l’entreprise défiant ses juges lors d’audiences dont les meilleurs moments ont été relayés par tous les médias de la planète.
La décennie qui s’achève a néanmoins été marquée par un changement de ton. Finies les rodomontades : l’heure est aux excuses, à la conciliation et aux compromis. À cela, rien de bien étonnant : Microsoft s’est mis à faire la même chose que toute autre entreprise confrontée à de tels procès et passible de telles sanctions – les 900 millions d’euros annoncés par la Commission représentent la plus lourde peine de toute l’histoire européenne et, pour Microsoft, plus de 10 % de ses bénéfices annuels. Mais c’est bien là que le bât blesse. Car si le marché n’a finalement pas tant évolué – neuf systèmes d’exploitation client sur dix dans le monde sont toujours détenus par Windows –, la nouvelle posture de Microsoft a vite été interprétée comme un signe de faiblesse. Il fallait que le boss de Redmond se sente réellement fragile pour rentrer ainsi dans le rang, en particulier en annonçant urbi et orbi de grands principes respectant « le choix pour les consommateurs », « l’opportunité pour les autres développeurs » et « l’interopérabilité pour les utilisateurs » (1). Le bulldozer Microsoft devenait soft ? C’était donc bien le début de sa fin, et la porte ouverte à tous ses concurrents.
Les concurrents, précisément, n’ont pas attendu l’apparente léthargie du vieux lion pour lui grignoter sa proie. Ils ont commencé par s’emparer de quelques morceaux de choix, comme les moteurs de recherche en ligne pour Google ou les baladeurs numériques pour Apple. Et c’est, croit-on désormais, tout le repas qui va finir par passer sous le nez de Microsoft ! Difficile de ne pas reconnaître que ce constat est, en partie pour le moins, valide. Les données financières traduisent cette évolution : la croissance du chiffre d’affaires de Microsoft suit une progression grosso modo linéaire ; celles des chiffres d’affaires d’Apple ou de Google, elles, prennent davantage des allures exponentielles. En outre, ni l’une ni l’autre n’a enregistré de décrochage en 2009. Et Apple s’est même payé tout récemment le luxe de venir chatouiller Microsoft dans ce domaine, l’outsider se rapprochant du champion en titre de quelques dizaines de millions de dollars "seulement".
Dans une optique similaire, le second type de commentaires porte sur la stratégie de Microsoft. Une de ses pratiques privilégiées est bien connue : copier le concurrent, améliorer son produit et inonder le marché de manière à écraser toute compétition. Dans le passé, cela a payé plus d’une fois, et Microsoft y a gagné une solide réputation de « fast follower ». Mais ce passé est révolu, comme en témoigne notamment, dans le domaine des moteurs de recherche, la tentative avortée de Microsoft en 2008 de racheter Yahoo! afin de ne pas trop se laisser distancer par Google : 45 milliards de dollars sur la table, avec un échec à la clé et un concurrent qui, malgré les qualités incontestables de Bing, continue de caracoler en tête.
À ces difficultés s’en ajoutent évidemment d’autres encore, comme cette persistance que d’aucuns qualifient d’insensée à vendre des produits packagés à l’heure du service en ligne, le retard accumulé dans le secteur des jeux vidéo, le piratage que les récentes opérations concertées entre le FBI et les autorités chinoises ne parviennent pas à éteindre… À mesure que la liste s’allonge, les annonces sur la disparition prochaine de Microsoft se multiplient. Faut-il pour autant leur donner crédit ?
Les autres marchés, ensuite. Prenons celui des jeux vidéo, par exemple. La concurrence y est à couteaux tirés. En sortant du champ de l’ordinateur personnel pour faire une entrée remarquée sur celui des consoles de salon, Microsoft a pris des risques considérables. Surtout, la multinationale y a gagné quelques nouveaux ennemis, et pas n’importe lesquels : Nintendo et Sony. Ses résultats ne sont évidemment pas à la hauteur de ceux de ces champions du divertissement. Mais avec la barre des 40 millions de consoles et des 500 millions de jeux franchie au début de l’année 2010, la Xbox 360 n’est pas vraiment ce que l’on pourrait appeler un échec ! D’autant plus que ce marché a permis à Microsoft de gagner en expérience là où ses équipes en manquaient : en lançant Xbox Live, les softies font leurs gammes dans le secteur des abonnements payants, et les essais réalisés ici avec un certain succès – dix millions d’abonnés en 2008, vingt millions en 2010 – pourraient bien apporter du grain à moudre partout ailleurs dans la société. C’est bien là une des forces de Microsoft : favoriser les passerelles d’un secteur à l’autre, a
fin de diffuser l’innovation à l’ensemble du groupe. Et, une fois encore, si certains de ces secteurs ne se révèlent pas immédiatement rentables, la multinationale peut se permettre d’attendre…
À côté des jeux vidéo, le constat reste valide dans les autres branches d’activité de la multinationale. Fort des études accomplies depuis plusieurs années dans les services payants en ligne, dont Xbox Live ne constitue qu’une facette, Microsoft s’est ainsi mis en ordre de marche pour la bataille de la publicité en ligne, conscient que le Web est devenu un canal essentiel du processus d’achat des consommateurs. Non seulement le fast follower n’est pas à bout de souffle, mais il parvient de plus en plus à respirer un air nouveau…
Pour investir ces marchés en pleine évolution, Microsoft détient un avantage clé sur ses concurrents. On aura beau gloser indéfiniment sur les capacités d’innovation de la société, et repérer les retards qu’elle enregistre parfois face à ses concurrents, un chiffre reste incontestable : celui de ses dépenses en matière de recherche et de développement. Au cours de l’année fiscale 2009, elles se montent à près de 9 milliards de dollars. Cette année-là, la firme de Redmond a d’ailleurs ouvert deux nouveaux centres de recherche, l’un à Cambridge dans le Massachussetts et l’autre réparti entre plusieurs villes européennes, Paris, Londres et Munich – le « centre technologique europ&eacueacute;en », surtout dédié à la recherche en ligne, a été inauguré le 2 octobre 2008. A titre de comparaison, pour la même période, les dépenses de R&D d’Apple ont été sept fois moindres. Et ce différentiel n’est pas ponctuel : il reflète une évolution sur le long terme, toujours largement favorable à Microsoft et aux 7 000 chercheurs qu’emploie l’entreprise partout dans le monde.
Des exemples de travaux innovants ? Ils ne manquent pas. Microsoft améliore constamment son moteur de recherche Bing pour mieux se démarquer de son concurrent Google. Il explore également de nouvelles voies dans le domaine du divertissement. Le « Project Natal » pour la Xbox 360 en témoigne : il utilise un logiciel et des capteurs spéciaux pour suivre les mouvements du corps, reconnaître les visages et répondre aux indications verbales, voire aux changements de ton de l’utilisateur. Il annonce, comme l’a relevé Steven Spielberg dès juin 2009 à l’occasion de l’Electronic Entertainment Expo de Los Angeles, la disparition de la manette dans le loisir interactif. Dans un registre proche, l’« informatique intelligente » devrait permettre non plus de répondre aux attentes de l’utilisateur d’un ordinateur personnel, mais de les comprendre et de les anticiper, de lui permettre en somme de gagner du temps en se concentrant davantage sur ses objectifs que sur les procédures qu’il doit suivre pour les atteindre. Les premières avancées dans ce domaine, qu’il faut bien appeler de l’intelligence artificielle, sont très encourageantes. Pour les passionnés de science fiction, elles ont même de quoi donner froid dans le dos…
Mais ce n’est pas tout : le grand pari de Microsoft pour sa croissance à venir porte sur la capacité à combiner la puissance des logiciels de bureautique et l’audience d’Internet. Cette technologie a un nom : l’informatique en nuages, adossée à la plateforme Windows Azure qui est entrée dans sa phase commerciale en février 2010. Pour la multinationale, il s’agit d’une véritable révolution, digne de celle du microprocesseur dans les années 1970 : elle vise à relier les équipements de chaque utilisateur – pour l’instant, il s’agit essentiellement de grandes entreprises – à de gigantesques centres de données qui lui permettront d’accéder partout à son propre environnement et aux informations dont il a besoin. Bien sûr, là encore, les concurrents ne manquent pas – Amazon, IBM, Google, etc. Mais Microsoft, cette fois-ci, ne fait pas cavalier seul, et son alliance avec Hewlett Packard et Intel séduit des clients de poids : tout récemment, au début du mois d’octobre 2010, Sogeti, la filiale SSII du grand groupe de services informatiques Capgemini, a adhéré à sa plateforme cloud (4)(5).
Pourquoi les critiques sont-elles toujours si promptes à oublier ce fait, pourtant capital ? À côté de toutes les considérations technologiques, commerciales, parfois éditoriales – annoncer la mort de Microsoft est, depuis sa création il y a 35 ans, une garantie de vendre du papier – existe une forte dimension psychologique : l’histoire du géant qui mord la poussière a séduit des générations de lecteurs et d’auditeurs depuis la plus haute Antiquité.
Prenant le contre-pied de ces belles histoires souvent sans lendemain, risquons-nous à un pari sur l’avenir : Microsoft tiendra longtemps encore le haut du pavé du paysage économique global et ce malgré la forte concurrence au sein du secteur de l’informatique. La mise est de 2 000 dollars par seconde…
Division
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Président
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Description
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Dernier(s) produit(s) lancé
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Windows et Windows Live
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Steven Sinofsky
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Responsable de tous les produits de la famille Windows, packagés ou en ligne, cette division gère également les relations avec les constructeurs d’ordinateurs personnels.
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Windows 7
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Serveur et outils
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Bob Muglia
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Division responsable des logiciels, services et solutions pour serveurs
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Windows Server 2008 R2
SQL Server 2008 R2
Visual Studio 2010
Windows Azure.
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Services en ligne
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Qi Lu
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Gestion de la plateforme de publicité en ligne et de l’offre d’information au travers de Bing
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Microsoft Affaires
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Kurt DelBene
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Division comprenant principalement les suites Office, ainsi que les programmes et services de bureau
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Office 2010
Exchange 2010
SharePoint 2010
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Divertissements
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Robert J. Bach
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Cette division a la responsabilité de la console Xbox, de ses accessoires, de ses jeux, de Xbox Live, ainsi que de tous les produits de divertissement ludiques (jeux PC) ou musicaux (Zune).
Elle est actuellement en restructuration, après l’annonce par Robert J. Bach de son prochain départ.
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10,3 millions de consoles Xbox 360 vendues pendant l’année fiscale 2010.
Lancement de la Kinect en novembre 2010.
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Les éditeurs de DVD et Blu-ray cherchent de nouveaux relais de croissance pour redonner du souffle à un marché au bord de l’asphyxie.
Au fil des mois, la présence des « gilets jaunes » a semblé tirer à elle toute la couverture médiatique, au détriment d’autres événements. Une impression que confirme une étude menée par l’INA sur la journée du 16 mars, au cours de laquelle se sont déroulés la « Marche du siècle » et l’incendie du Fouquet’s.
Retour avec Yochai Benkler, de Harvard, sur le rôle des médias, des réseaux sociaux et de la désinformation durant la campagne électorale américaine 2020.