Querelle de générations : le vieux lion face aux jeunes loups
Les concurrents, précisément, n’ont pas attendu l’apparente léthargie du vieux lion pour lui grignoter sa proie. Ils ont commencé par s’emparer de quelques morceaux de choix, comme les moteurs de recherche en ligne pour Google ou les baladeurs numériques pour Apple. Et c’est, croit-on désormais, tout le repas qui va finir par passer sous le nez de Microsoft ! Difficile de ne pas reconnaître que ce constat est, en partie pour le moins, valide. Les données financières traduisent cette évolution : la croissance du chiffre d’affaires de Microsoft suit une progression grosso modo linéaire ; celles des chiffres d’affaires d’Apple ou de Google, elles, prennent davantage des allures exponentielles. En outre, ni l’une ni l’autre n’a enregistré de décrochage en 2009. Et Apple s’est même payé tout récemment le luxe de venir chatouiller Microsoft dans ce domaine, l’outsider se rapprochant du champion en titre de quelques dizaines de millions de dollars "seulement".
Chiffres d’affaires de Google, Apple et Microsoft, 2001-2010, en milliards de dollars
(* deux premiers trimestres de l’année fiscale 2010)
Là encore, les commentaires sont allés bon train. Deux d’entre eux au moins sont revenus avec récurrence. Tout d’abord, Microsoft aurait révélé aux yeux de tous son incapacité à développer et à commercialiser des produits à la fois innovants et séduisants. Il n’est pas nécessaire d’être un grand expert du marché des nouvelles technologies pour s’apercevoir que la critique fait mouche. Enterrés, l’interface BOB, le Tablet PC, la montre SPOT et la table tactile Surface… comme tant d’autres révolutions numériques annoncées en grande pompe. Combien de personnes écoutent-elles leurs morceaux de musique préférés sur un Zune ? Et combien, à l’inverse, sur un Ipod ? Apple, qui n’est pourtant que de deux ans le cadet de Microsoft, est parvenu à combattre l’image d’entreprise vieillissante en offrant toute une gamme de produits résolument ancrés dans la dernière modernité. A l’inverse, la multinationale de Redmond paraît tirer la langue, empêtrée dans des conceptions technologiques tout juste dignes du siècle passé, et incapable depuis belle lurette de sentir le vent de cette modernité. Les symptômes seraient en effet apparus il y a une quinzaine d’années déjà, lorsque Bill Gates, dans la toute première version de son ouvrage The Road Ahead - traduit ultérieurement en français sous le titre La route du futur –, a omis d’aborder un élément, et pas des moindres, dans le tableau qu’il brossait de l’avenir de l’informatique globale : Internet, tout simplement…
Dans une optique similaire, le second type de commentaires porte sur la stratégie de Microsoft. Une de ses pratiques privilégiées est bien connue : copier le concurrent, améliorer son produit et inonder le marché de manière à écraser toute compétition. Dans le passé, cela a payé plus d’une fois, et Microsoft y a gagné une solide réputation de « fast follower ». Mais ce passé est révolu, comme en témoigne notamment, dans le domaine des moteurs de recherche, la tentative avortée de Microsoft en 2008 de racheter Yahoo! afin de ne pas trop se laisser distancer par Google : 45 milliards de dollars sur la table, avec un échec à la clé et un concurrent qui, malgré les qualités incontestables de Bing, continue de caracoler en tête.
Parts de marché des moteurs de recherche aux Etats-Unis (août 2010)
À ces difficultés s’en ajoutent évidemment d’autres encore, comme cette persistance que d’aucuns qualifient d’insensée à vendre des produits packagés à l’heure du service en ligne, le retard accumulé dans le secteur des jeux vidéo, le piratage que les récentes opérations concertées entre le FBI et les autorités chinoises ne parviennent pas à éteindre… À mesure que la liste s’allonge, les annonces sur la disparition prochaine de Microsoft se multiplient. Faut-il pour autant leur donner crédit ?