MSN (The Microsoft Network) est le réseau de sites Internet et de services en ligne de Microsoft. Après plusieurs changements de stratégie, l’offre en ligne de Microsoft est aujourd’hui regroupée autour de trois pôles : l’information et les contenus (le portail MSN), les services de communication en ligne (Windows Live Messenger, Hotmail…) et la recherche sur Internet (le moteur Bing). Si l’audience du réseau MSN dans le monde est encore très large, le portail, concurrencé par les pure players et les réseaux sociaux comme Facebook et dépassé par Google dans les services et la recherche, tente de se repositionner en « média social » et d’attaquer le secteur du search avec son moteur Bing.
Du réseau à MSN
The Microsoft Network était à l’origine un système fermé comme Compuserve ou America Online (AOL). Ces réseaux permettaient, en échange d’un abonnement payant, d’accéder à des contenus exclusifs via un logiciel propriétaire, mais ne permettaient pas de se connecter au Web « ouvert ».
En 1995, Bill Gates prend conscience du potentiel d’Internet, qui connaît une popularité grandissante. Dans un memo, « The Internet Tidal Wave », envoyé aux cadres de Microsoft, il écrit qu’Internet est la chose la plus importante depuis le PC d’IBM et que son entreprise a pris trop de retard, en particulier face au succès du navigateur ouvert Netscape.
« Quand le groupe s'est aperçu que le grand public plébiscitait le contenu de l'Internet, raconte Tristan Nitot, président de la fondation Mozilla Europe, il a tout jeté à la poubelle, racheté une technologie proche de celle de Netscape, conçu son propre navigateur, Internet Explorer, qu'il a intégré dans son système d'exploitation Windows, qui équipait déjà une large majorité de PC dans le monde. ». En mars 1996, MSN est lancé.
L'invention du portail
Le « portail » Internet est un héritage des logiciels propriétaires que proposaient les premiers fournisseurs d’accès à Internet. Frontière entre la clôture du réseau et l’ouverture sur le Web, le portail permettait à MSN de conserver en partie le contrôle sur les internautes en leur proposant une page d’accueil « par défaut » suffisamment riche et généraliste pour ne pas les perdre. Entre 1995 et 1996, Microsoft crée un navigateur (Internet Explorer), installé par défaut sur tous les PC livrés avec le système d’exploitation Windows (dont la page d’accueil généralement pré-configurée est… MSN). Ce « pouvoir du défaut » permettra ainsi à Internet Explorer de devenir rapidement le premier navigateur du monde et à MSN d’être la première porte d’entrée sur le Web de milliers d’utilisateurs dans le monde.
Du portail au média social
Dans les années 2000, les grands portails se concurrençaient entre eux en innovant et en lançant de nouveaux services. A l’origine, MSN Messenger constituait une tentative de Microsoft pour contrer la très populaire messagerie instantanée d’AOL, Instant Messenger. Mais aucun de ces géants historiques du web n’a prédit la montée des usages Web 2.0. Alors que les internautes plébiscitent les blogs et les réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook (qui vient de dépasser les 500 millions de membres dans le monde), les portails, médias de masse généralistes, semblent sur le déclin et tentent de se renouveler en montant dans le train social.
Olivier Marcheteau, directeur général de Microsoft, affirmait ainsi en mai 2010 que MSN.fr avait « emprunté il y a trois ans un virage vers le statut de média social ». Sur son site, MSN/Windows Live/Bing se vante d’être « le premier média social combinant contenu éditorial, expériences multimédias et liens communautaires ». « MSN essaye d'être un pont entre les réseaux sociaux et les grands médias. Nous sommes un mass media social réunissant le meilleur des deux mondes » répète Alexandre Michelin, directeur des contenus de MSN.fr.
En cela la stratégie de MSN, qui consiste à consolider un lieu sur le Web où l’internaute pourrait tout faire sans utiliser les services concurrents (rechercher sur Internet, envoyer ses emails, s’informer, communiquer avec ses amis, etc) est cohérente. Concrètement, MSN s’est ouvert à d'autres services comme Facebook ou Twitter, dont il agrége les flux d'activité et sur lesquels il permet de publier des contenus. La bataille entre les portails s’est transformée en affrontement entre Facebook et les portails du Web. Car en affirmant qu’il voulait devenir le nouveau système d’exploitation du Web, le réseau social de Mark Zuckerberg pourrait aussi être bientôt le nouveau Microsoft…
Un média de masse
Pourtant, en dépit de la concurrence des réseaux sociaux (Facebook n’existait pas il y a cinq ans et représente aujourd’hui 11 % du temps total passé sur Internet aux USA selon Nielsen, quand les trois grands portails, MSN, Yahoo et AOL, représentent à eux trois 17 %), MSN reste un élément important dans le paysage Internet et dans la stratégie en ligne de Microsoft. Aux USA, il reçoit plus de 100 millions de visiteurs mensuels et contribue à 45 % du trafic du moteur de recherche Bing.
Dans une perspective plus globale, Microsoft (Microsoft.com, MSN and Bing.com), représentait en août 2010 14,5 % du temps total passé sur Internet selon Comscore, un chiffre plus élevé que celui de Google (9,3 %), de Yahoo (6,3 %) ou de Facebook (5,1 %), et était deuxième derrière Google en terme d’audience globale selon l’institut Nielsen.
Dans le domaine du search, Bing semble grignoter des parts de marché à Yahoo et même à Google. Lancé en 2009, il aurait en août, toujours selon Nielsen, pris à Yahoo la deuxième place du classement des moteurs de recherche et possèderait déjà 14 % du marché du search aux USA (contre 11,1 % selon Comscore).
En France, la page d’accueil de MSN est aujourd’hui l’une des plus consultées avec plus de 8,6 millions de visiteurs uniques mensuels selon Médiamétrie. Côté communautés, Microsoft réunit 22 millions d'utilisateurs de Windows Live Messenger et 15 millions d'utilisateurs d'Hotmail. Le service de messagerie instantanée de Microsoft, Windows Live Messenger demeure extrêmement populaire, notamment chez les jeunes. Sur Facebook, il a quasiment doublé son nombre de fans depuis le mois d'avril pour avoisiner les 5 millions.
On peut cependant s’interroger sur l’audience de MSN. Quelle est la part de l’audience « par défaut » du portail, soit parce que MSN est la page d’accueil pré-installée du navigateur Internet Explorer, soit parce qu’ils sont liés au service de messagerie Hotmail ? Toujours est-il que MSN reste un média incontournable pour les annonceurs.
Un modèle économique en sursis ?
Le modèle économique de MSN repose principalement sur la publicité. Le portail dispose de sa propre régie, Microsoft Advertising, qui propose des formats classiques display, des liens sponsorisés (en particulier dans les résultats du moteur de recherche Bing), de la publicité sur les services Windows Live ou, de plus en plus, de la production de brand content. En France, MSN a ainsi développé des advergame avec Coca-Cola ou Fanta. Depuis peu, MSN tente de diversifier ses revenus : en France par exemple le portail mise sur la vidéo avec sa nouvelle plateforme MSN vidéo.
En 2010, MSN est le troisième site en termes de revenus publicitaires aux USA avec plus de 1,677 millions de dollars. Yahoo, et surtout Google (31 % du marché publicitaire US en ligne) occupent les deux premières places du classement.
Mais alors que des compagnies comme Google ou Facebook transforment le marché de la publicité en ligne, en inventant de nouvelles solutions (publicité contextuelle, comportementale, sociale…), y-a-t-il encore une place pour les portails classiques du « Web 1.0 » ? La solution d’achats de mots-clés Adwords proposée par Google domine le marché publicitaire sur Internet depuis les années 2000 et MSN n’a jamais réussi à inventer de solution alternative. Malgré tout, alors que Google ou Facebook promettent aux annonceurs une plus grande affinité avec les internautes, MSN a l’avantage de la puissance. A l’image des médias traditionnels et analogiques comme TF1 face aux chaînes de la TNT, MSN est menacé mais continue de garder une place essentielle dans les plans médias des annonceurs pour leur fournir de la puissance, de la visibilité, et couvrir une large audience.
Un site « médiateur » à l'heure des réseaux sociaux
Aujourd’hui, la question pour MSN est de savoir où se situer entre la recherche, dominée par Google, les contenus, un marché aujourd’hui très disputé, et les médias sociaux, dominés par Facebook et Twitter. Pour Alexandre Michelin, dans l’âge de l’accès et de l’abondance des contenus, « il faut des intermédiaires encore plus forts ». Autrement dit, MSN veut revenir à sa mission première de portail - de « site médiateur » - en triant, en vérifiant et en sélectionnant l’information. Le portail veut se distinguer des réseaux sociaux et des contenus générés par l’utilisateur et s’affirmer comme un véritable média au sens étymologique du terme.
La page d’accueil de MSN.com, récemment refondue, nous donne l’orientation de la stratégie du portail pour les années à venir. Le site inclut désormais une édition locale qui agrège des tweets, des avis, et de l’information sur la ville de l’internaute. Alors que les services sociaux géolocalisés ne cessent de gagner du terrain (Facebook Places, Foursquare…), Microsoft a décidé de se lancer dans la bataille de l'hyperlocal, comme la plupart de ses concurrents. Une place plus importante est également donnée à la recherche, avec la mise en avant de Bing, qui constitue aujourd’hui l’élément principal de la stratégie de Microsoft contre Google. Enfin, les réseaux sociaux sont mieux intégrés au portail : de nouveaux modules sur la homepage permettent aux internautes de mettre à jour leurs statuts sur Facebook, Windows Live et Twitter.
Conclusion
Voilà plus d’une dizaine d’années que Microsoft s’est lancé sur Internet avec le navigateur Explorer, qui est aujourd’hui le plus utilisé. Il y a dix ans, le monde était convaincu que Microsoft utiliserait MSN pour contrôler Internet de la même façon qu’il contrôlait déjà les PC avec son système d’exploitation Windows et qu’il deviendrait le leader incontesté du Web et de ses contenus. Au lieu de cela, le groupe s’est fait dépassé par des concurrents, des pure player plus agiles comme Google, Flickr, Youtube ou Facebook.
En 1995, Bill Gates prédisait le succès d’Internet et exhortait Microsoft à s’adapter face à la menace de Netscape. Aujourd’hui, MSN est dans la même position : celle d’un portail Internet qui doit se renouveler pour survivre à la concurrence sur le marché des contenus, de la recherche et des services.
Doit-on cependant prédire la fin du portail tel que l’incarne MSN ? Le besoin d’un lieu sur Internet où l’utilisateur peut lire ses mails, rechercher de l’information et consommer des contenus, d’une porte d’entrée sur le Web, demeure essentiel pour les internautes. L’avenir dira si la stratégie de mass media social revendiquée par MSN - celle d’une passerelle entre les contenus médiatiques et ceux générés par les utilisateurs – se vérifie et si MSN réussit à faire évoluer le modèle historique du portail qu’il a contribué à inventer.
Références
- Frederic LARDINOIS, "The New MSN: Will More White Space and Local News Make You Visit It?", ReadWriteWeb, November 3, 2009
- Paul THURROT, "MSN: The Inside Story", May 19, 2005
- Etienne CANDEL, « L'imaginaire du « portail » : le cas de Rezo.net », Communication et langages, N°146, 4ème trimestre 2005. pp. 19-34.
- "The battle of the portals. Why Microsoft, Google and Yahoo! are fighting over AOL", The Economist, Oct 20th 2005
- Paul MILLER, "The Concept of the Portal", Ariadne, Issue 30, December 20, 2001