MSNBC regarde vers l'avant, et à gauche

MSNBC regarde vers l'avant, et à gauche

Comment MSNBC est parvenu à s’imposer comme un concurrent sérieux face aux deux grandes références de l'info sur le câble.
Temps de lecture : 16 min

Confrontés à la bulle télévisée des téléspectateurs qui montrent un clair penchant pour les idées de droite et votent conservateur – une catégorie constituée essentiellement de 65 ans et plus – les sympathisants républicains se sont rabattus, depuis 1996, sur la rhétorique plus « honnête et équilibrée » de la chaîne Fox News, en suivant des présentateurs comme le célèbre Bill O’Reilly de l'émission The O’Reilly Factor ou Sean Hannity, connu pour fustiger ce que son public considère comme une masse de médias libéraux [c’est-à-dire de gauche, aux États-Unis. Ndlr.] biaisés. Fox a toujours conservé sa place de chaîne d'information numéro un sur le câble depuis son lancement mais, sur les dix-sept dernières années, la concurrence s'est faite plus présente. CNN, qui est historiquement positionnée comme plus neutre politiquement et plus axée sur l'actualité internationale, est aujourd'hui inscrite dans la course des chaînes d'information qui diffusent 24H/24 sur le câble.
 MSNBC s'est positionnée comme l'anti-Fox News adoptant un point de vue de plus en plus progressiste. 
MSNBC, troisième compétiteur à être monté sur le ring, a adopté un point de vue de plus en plus progressiste, se positionnant comme l'anti-Fox News. Même si la plupart des Américains préfèrent toujours les actualités locales et l'information sur les chaînes hertziennes (ABC, NBC, CBS), plutôt que l'information proposée en prime time sur le câble, ils sont de plus en plus nombreux à allumer leur télé à l'heure des joutes politiques et partisanes, et MSNBC, dans ce contexte, est devenue elle aussi un média qui sait offrir aux spectateurs ce qu'ils recherchent.
 
Les statistiques révèlent cependant un paradoxe : seulement 11 % des Américains approuvent l'action du Congrès(1) et déplorent, dans le même temps, l'émergence d'un système bipartisan qui empêche les membres du Congrès de faire leur travail correctement et de produire des lois. Dans ces conditions, comment est-il possible que des personnes qui critiquent avec force les logiques partisanes puissent passer des heures et des heures à écouter ces mêmes discours qu'ils s'appliquent tellement à remettre en question ?
 
Le succès de MSNBC sur les cinq années écoulées est un facteur important. Pendant huit ans de gouvernance républicaine, Fox News a réussi à décoller et à court-circuiter CNN, sa rhétorique conservatrice faisant écho aux opinions de téléspectateurs ayant élu un président lui-même néo-conservateur. Mais après deux conflits de longue durée au Moyen-Orient, et des choix politiques qui semblaient ne servir à rien d'autre qu'à maintenir le statu quo, il y avait dans l'air comme une envie irrépressible d'autre chose. MSNBC a saisi cette opportunité et, grâce à l'élection de 2008 et à la victoire des démocrates, le message de la chaîne a commencé à prendre racine. L'ascension de cette chaîne d'info du câble marquée à gauche explique en partie l'émergence d'une des batailles les plus partisanes et politiquement marquées qui ait eu lieu aux États-Unis. Dans un même temps, elle met en lumière les contradictions d'un pays qui d'une part ne supporte plus les querelles qui marquent le Congrès et, d'autre part, semble clairement en demander encore.

Les années perdues

L'actuel président de MSNBC, Phil Griffin, décrit volontiers les dix premières années d'existence de la chaîne comme « les années perdues ». Confrontés à une concurrence ardue depuis la première heure, les dirigeants ont perdu un temps précieux à essayer de trouver la voie adéquate pour la chaîne, et ce n'est qu'une décennie plus tard qu'ils ont réussi à trouver leur star, la bonne personnalité, pour se former une image(2). Le mariage improbable entre le producteur télé NBC et le géant des logiciels Microsoft n'a pas, de prime abord, aidé la chaîne à se forger une vraie identité. Chacun des deux partenaires est entré dans la relation de collaboration avec des idées très arrêtées sur ce qu'il souhaitait pour la chaîne et le site Web ; des discordances qui expliquent peut-être pourquoi le projet a semblé osciller entre des orientations contradictoires. Le changement fréquent de direction et de stratégie a fait des dix premières années de la chaîne une période plutôt mouvementée.
 
Pour Microsoft, le choix de NBC comme partenaire pour un futur projet commun de chaîne d'information / site Web n'était pas une évidence. Avant de sauter le pas avec NBC, Microsoft avait effleuré l'idée de faire équipe avec CNN. C’est finalement sur le producteur télé que le choix s’est porté, ce dernier leur permettant d'entrer dans un schéma où le coût global serait clairement divisé en deux, avec un investissement de 220 millions de dollars pour 50 % de parts dans la chaîne. MSNBC a été officiellement lancée en 1996 – la même année que Fox – en tant que chaîne d'information diffusant 24H/24, déclinée en portail Web reprenant des actualités et des infos de NBC News.
 MSNBC a été officiellement lancée en 1996 – la même année que Fox – en tant que chaîne d'information diffusant 24H/24, déclinée en portail Web. 
L'initiative semblait une opération gagnant-gagnant pour les deux sociétés : Microsoft pourrait offrir un plus au site d'info en ligne, en proposant de nouvelles solutions pour diffuser du contenu aux utilisateurs et renforcer le lien société-consommateur, et NBC aurait un site plus moderne pour son flux d'actualités. NBCnews.com a commencé à rediriger vers le portail nouvellement créé MSNBC.com pour redynamiser l'intérêt pour la chaîne d'info elle-même.
 
En 1996, Businessweek faisait remarquer que ni Microsoft ni NBC n'avaient envisagé leur alliance comme un succès immédiat, mais plutôt comme un investissement qui paierait sur le long terme. Ce qu'ils ne pouvaient pas prévoir, c'est le média sur lequel le succès prendrait racine. Anticipant, avec bon sens, la montée d'Internet et le nombre croissant d'utilisateurs se tournant vers l'ordinateur pour consommer des programmes, au détriment de la télévision, NBC et Microsoft ont commencé à mesurer leurs audiences télé en se penchant d'abord sur les programmes diffusés sur le petit écran, mais en complétant ensuite leurs analyses avec des données du Web. Conformément aux attentes, le site s'est révélé être un franc succès dès le départ, mais la chaîne télévisée n'a elle pas réussi à s'imposer aussi fermement que sa concurrente Fox News. Lassé de voir la chaîne câblée stagner, Microsoft a été ravi d'apprendre, en 2005, que NBC augmentait de 32 % ses parts dans la chaîne – consolidant de fait sa position majoritaire avec 82 % de parts – et prendrait le total contrôle au bout de deux ans(3).
 
En 2006, Don Kaplan, contributeur au New York Post, remettait en question l'existence-même de la chaîne, en publiant une tribune intitulée « A-t-on besoin de MSNBC ? »(4),
 A-t-on besoin de MSNBC ?, demandait en 2006 le journaliste Don Kaplan dans the New York Post. 
(5)dans laquelle il tentait de démontrer qu'il était inutile de déployer une troisième chaîne d'information sur le câble. Don Kaplan citait Reese Schoenfield, l'un des co-fondateurs de CNN, qui avait déclaré : « Tout le monde compare  MSNBC à la Fox et à CNN – alors que la concurrence se trouve plutôt du côté de Headline News [chaîne de CNN] »(6). Malgré une nette augmentation de l'audience sur deux ans – jusqu'à + 25 % en prime time comme le soulignait le président d'alors, Rick Kaplan –, MSNBC ne représentait toujours pas une concurrence sérieuse pour Fox et CNN, dont les chiffres d'audience ont continué à battre à plates coutures les performances de la petite nouvelle.
 
Rick Kaplan a démissionné moins d'une semaine après la publication de l'article en question, laissant les commandes à Dan Abrams, investi directeur général. Ce dernier n'a pas tardé à annoncer des changements drastiques pour les programmes de début de soirée et le prime time : Dan Abrams a supprimé les émissions, revu les bases, et réservé la tranche 22 heures – minuit à un tout nouveau programme faisant une place de choix au documentaire, MSNBC Investigates. Peu de temps après, MSNBC a également changé de siège, délaissant ses quartiers du New Jersey pour s'installer dans les studios de la NBC Studios au 30 Rockefeller Center à New York.
 
Dans la seconde moitié des années 2000, la direction de MSNBC a été soumise à plusieurs chamboulements successifs majeurs. Grâce notamment à un dernier changement de mains en juin 2007 – le vice-président de NBC, Phil Griffin, devenant président en remplacement de Dan Abrams –, l'audience a continué à croître sur l'année qui a suivi, en bondissant de 61 %. Les défis et transitions qu'a dû affronter MSNBC durant toute cette période ont certainement rappelé à la chaîne qu'il était grand temps pour elle de trouver sa voie et d'afficher sa véritable identité.

Figures emblématiques et ascension de MSNBC

Au moment même où Fox News a commencé à briller, grâce à son présentateur vedettte Bill O'Reilly et à son goût pour la controverse, Chris Matthews se positionnait comme l'un des premiers présentateurs à réussir à imposer MSNBC dans la course. Ayant d'ores et déjà fait ses armes dans le milieu politique et en presse écrite, Chris Matthews a fait ses premiers pas à la télévision en 1997 avec son émission Hardball with Chris Matthews sur CNBC. Le programme a été transféré sur MSNBC en 1999, et son présentateur est à présent confortablement installé sur la tranche de 19 heures. S'il n'est pas connu pour la subtilité de son style, Chris Matthews n'est pas pour autant un partisan de l'attaque frontale et de la confrontation dure. Il a, dans un premier temps, nié son orientation libérale, avouant même avoir voté pour George W. Bush en 2000. La structure de recherche à tendance progressiste Media Matters for America a appuyé ces suspicions sur le présentateur, affirmant que ses déclarations dans le cadre de l'émission ne faisaient en rien de lui un « libéral démocrate ». À l'époque, la chaîne ne débauchait pas particulièrement de présentateurs positionnés à gauche ; le New Yorker a rapporté que durant ces premières « années perdues », la chaîne avait même recruté un petit nombre de présentateurs viscéralement conservateurs, tentant de copier Fox News pour récupérer des téléspectateurs.
 
Nombreux sont ceux qui pensent que Countdown with Keith Olbermann a ramené MSNBC de l'autre côté de l'échiquier et a assis une fois pour toute la réputation progressiste de la chaîne. Phil Griffin a reconnu dans les pages du New York Times que le revirement à gauche s'était « opéré de façon naturelle » après que le présentateur a initié sa série de monologues acerbes à l'encontre les conservateurs. Keith Olbermann a commencé à officier sur MSNBC en 1997, en présentant les actualités du soir dans The Big Show with Keith Olbermann, tout en prenant en charge d'autres émissions de la chaîne. Il a repris sa liberté un an plus tard, gêné par l'attention démesurée portée au scandale Monica Lewinsky, pour reprendre son ancienne place de journaliste sportif sur ESPN. Après avoir travaillé en indépendant pendant plusieurs années, il a renoué avec MSNBC en 2003 et lancé sa célèbre émission de prime time Countdown with Keith Olbermann.
 
Pendant ses huit années de règne sur MSNBC, Keith Olbermann a allégrement fustigé l'administration Bush et l'engagement en Irak, à une époque où exprimer de telles opinions était un acte « anti-Américain » par excellence. Il a dressé une satire relevée de ses homologues étiquetés à droite et critiqué sans mesure Fox News (qu'il a rebaptisé « Fox Noise »), sans épargner sa star Bill O'Reilly. Il a désigné ce dernier à maintes reprises comme grand gagnant de son prix de la « Pire personne au monde », dans le cadre de sa chronique du même nom. Pendant la couverture des élections de 2008, Keith Olbermann et Chris Matthews ont été écartés des directs couvrant les événements politiques en raison de leur goût pour la critique enlevée, une attitude faisant craindre des analyses trop partiales pour offrir un traitement équilibré des rendez-vous en question.


En 2010, Keith Olbermann a été suspendu d'antenne pour avoir fait des dons à des candidats démocrates aux élections au Congrès sans demander l'autorisation préalable de MSNBC, mais a fait son retour peu de temps après, grâce à l'appui de pétitions en ligne demandant ardemment son « come back ». Mais, en janvier 2011, Keith Olbermann annonçait en direct qu'il présentait sa dernière émission sur MSNBC ; les producteurs ont confirmé la fin immédiate de son contrat sans en préciser les raisons.
 
Pour traiter les élections de 2008, MSNBC voulait offrir aux téléspectateurs un focus continu sur la thématique politique et du débat d'opinion, dans une tonalité progressiste, et en prime time. La chaîne a alors choisi de recruter l'intellectuelle libérale Rachel Maddow.
 Rachel Maddow est certainement celle qui, après Keith Olbermann, a le plus contribué au changement d'image de MSNBC. 
Cette dernière a débuté sa carrière journalistique à la radio, un média dans lequel elle a atterri un peu par hasard, après avoir gagné un concours pour être l'acolyte d'un présentateur d'une radio locale dans le Massachusetts. Forte de cette expérience, elle est ensuite passée chez Air America Radio, où elle s'est vue offrir sa propre émission, d'une durée de deux heures. Les producteurs télé l'ont remarquée et ont proposé à Rachel Maddow de prendre en charge plusieurs émissions politiques sur MSNBC.
 
Début 2008, la présentatrice s'était déjà imposée comme l'une des analystes politiques régulières de MSNBC, participant à la couverture de l'élection dans The Race to the White House, avec David Gregory. Elle était aussi l'une des intervenantes les plus sollicitées de « Countdown », programme de Keith Olbermann. Rachel Maddow a commencé à remplacer de temps à autre Olbermann et, grâce à l'appui insistant de Keith Olbermann – et grâce à son importance croissante pour la chaîne – elle a fini par gagner sa propre émission de prime time sur MSNBC, The Rachel Maddow Show.
 
Alors qu'Olbermann et Matthews ont adopté une méthode sans pitié, sans concessions pour la couverture des actualités politiques, Rachel Maddow – certainement celle qui, après Keith Olbermann, a fait le plus pour le changement de visage de MSNBC – a privilégié plus de subtilité et de mesure, laissant à ses téléspectateurs le soin de trancher sur les sujets et de se faire leur propre opinion.  L'émission de 21 heures signée Rachel Maddow a donné un nouveau souffle aux audiences de la chaîne, et pas des moindres, depuis le début du programme en septembre 2008. Au cours de son premier mois d'antenne, elle a réussi à faire doubler le nombre de téléspectateurs qui regardaient MSNBC (une moyenne de 1,64 millions de téléspectateurs) par rapport à la même heure sur les huit premiers mois de l'année, et a même réussi à dépasser les chiffres réalisés par le Larry King Live de CNN, pas plus tard qu'à sa deuxième semaine d'antenne. Elle a réussi à l'occasion à faire mieux que de grandes références du petit écran comme Hannity sur Fox et The O’Reilly Factor, sur la tranche convoitée des 25-54 ans. Le New York Times a écrit que Rachel Maddow avait rendu « MSNBC compétitive sur cette tranche horaire pour la première fois depuis dix ans. À cette heure, la chaîne enregistre une audience moyenne de 1,7 million de téléspectateurs depuis le début de l'émission, le 8 septembre, contre 800 000 auparavant ».
 
L'arrivée de Rachel Maddow sur MSNBC a aussi permis un renouvellement générationnel dont le paysage du câble avait grand besoin ; la chaîne s'est de fait affirmée comme l'alternative la plus moderne, la plus jeune, la plus rafraîchissante face à la Fox, son pendant de droite dont le gros des téléspectateurs se situe plutôt dans la tranche des 65 ans et plus. Le style dynamique et caustique de Rachel Maddow contraste avec celui de Keith Olbermann, mais plutôt que d'adopter une posture grave lorsqu'elle fait le point sur des événements politiques et les faits et gestes des membres du Parti républicain, elle privilégie un ton qui relève plus de l'incrédulité que de la condamnation. Elle préfère emprunter une ligne optimiste plutôt que de reproduire le ton « catastrophe » qui envahit les chaînes du câble comme les chaînes hertziennes. On a pu lire dans les pages du New York Times que Rachel Maddow « s'est fait une place en refusant de jouer ce jeu stérile de ping-pong entre deux points de vue opposés, qui passe parfois pour de l'objectivité ». Les présentateurs des chaînes du câble ont tendance soit à convier des invités qui, à coup sûr, déverseront un discours qui correspond à leurs propres opinions, soit à s'entretenir avec des représentants à l'exact opposé de leur positionnement politique, dans le but d'apparaître impartiaux. Rachel Maddow s'est distinguée en essayant de rompre avec ce schéma en privilégiant des conversations plus civilisées avec ses invités. Elle n'est pas pour autant une libérale non assumée – nombre de ses invités sont des conservateurs déçus par ceux qui dirigent leur mouvement et, comme l'a précisé le New Yorker, qui donnent « l'impression générale que le républicain ou le conservateur moyen est juste trop fanatique pour s'intégrer dans un débat respectant les règles basiques de la politesse ».

Encore un long chemin à faire

Les élections de 2008 et la possibilité réelle d'une victoire des démocrates a été la grande opportunité de MSNBC pour faire un grand bond en avant dans les audiences : elle a finalement réussi à devancer CNN en prime time en octobre 2008, et a dépassé Fox à plusieurs reprises sur les 25-54 ans. Avec une confiance réaffirmée, MSNBC a sauté le pas et choisi d'affirmer enfin, pleinement et clairement, sa nouvelle identité – le New York Times l'a définie comme le « jumeau libéral maudit » de la Fox – et, en 2010, la chaîne a dévoilé son nouveau slogan, « Lean Forward », que l'on pourrait traduire par « Vers l'avant ».

Grâce à des présentateurs comme Keith Olbermann et Rachel Maddow, MSNBC a finalement prouvé qu'elle était suffisamment solide pour concourir à la deuxième place. Mais, malgré la période bénie initiée au cours des élections de 2008, toutes les bonnes choses ont une fin.
 2013 a été marquée par de mauvaises audiences qui se sont étalées sur plusieurs mois. 
2013 a été marquée par de mauvaises audiences qui se sont étalées sur plusieurs mois, reléguant MSNBC, à plusieurs reprises, à la place de numéro 4 dans le champ des chaînes d'info du câble, passant même derrière HLN(7). L'émission de Rachel Maddow a atteint son audience la plus basse, depuis ses débuts en septembre 2008, avec un total de 717 000 spectateurs, et son autre plus mauvaise performance avec 210 000 téléspectateurs sur les 25-54 ans. Les chiffres ont continué à chuter pendant l'été mais ont repris la pente ascendante en août, avec un meilleur score que CNN en prime time à la fois sur le nombre total de téléspectateurs (passant de 545 000 à 467 000) et sur la tranche des 25-54 ans (passant de 149 000 à 133 000).
 
La baisse récente des chiffres d'audience pourrait être en partie expliquée par la priorisation absolue du fait politique et le manque d'importance accordée aux actualités chaudes. La première moitié de l'année 2013 a été marquée par un tourbilllon d'actualités graves et « catastrophe » – l’attentat de Boston, l'enlèvement à Cleveland – qui justifiaient une couverture, mais les téléspectateurs souhaitant suivre ces informations n'avaient pas forcément le réflexe de se tourner vers une chaîne dont le slogan est « the place for politics », (« l'endroit où on parle politique »). Judy Muller, ancienne correspondante pour la télévision, qui enseigne désormais à l'Université de Californie du Sud,se demandait, dans les pages du New York Times, si MSNBC pouvait encore réellement être considérée comme une chaîne d'information (une identité que revendique toujours la chaîne dans sa préentation officielle et dans sa mission).
 MSNBC est-elle vraiment une chaîne d'informations ? 
Alors que CNN fait réellement figure d'institution dans le domaine de l'actualité internationale, et que Fox est reconnue pour sa couverture de l'actualité brûlante en parallèle de son intérêt pour l'analyse politique, MSNBC est uniquement identifiée au travers de son émission politique de début de soirée (prime time) et ses émissions de débat. À la différence de ses homologues, MSNBC manque de correspondants, et s'appuie donc souvent sur les couvertures assurées par NBC News. Le président Phil Griffin a déclaré au New York Times que MSNBC était « une chaîne d'actualité et d'information axée principalement sur le fait politique et la vie du pays », mais qu'il ne s'agissait « en rien d'un lieu » dédié à l'actualité brûlante.
 
L'orientation choisie pour le traitement des informations est sans aucun doute l'un des facteurs qui a conduit à une chute d'audience pour MSNBC, mais persiste aussi un problème de reconnaissance sur son nom. Le public n'a aucune difficulté à identifier Fox News et CNN, mais selon une enquête menée par MSNBC elle-même, seules 51 % des personnes interrogées ont déclaré « connaître un peu » ou « très bien » la chaîne. MSNBC a tenté de résoudre ce problème en renforçant sa marque : en 2010, pour compléter son slogan « the place for politics », la chaîne a lancé sa nouvelle campagne autour de « Lean Forward » et a officiellement confirmé son penchant libéral.
 Pour affirmer son identité et sa visibilité auprès du public, MSNBC lance en 2010 sa campagne "Lean forward" et assume son penchant libéral. 
Cependant, en prenant cette voie, la chaîne continue de s'écarter de son identité de chaîne d'information pour se définir plus fortement comme un média politique, élément-même qui a expliqué la dégringolade de son audience. Mais Phil Griffin fait lui le pari du long terme et pense que les pics d'audience enregistrés par CNN sur les derniers mois, marqués par des faits choc en cascade, n'est pas un phénomène qui se maintiendra sur la durée.
 
Une autre raison pour laquelle les Américains ne se sont pas dirigés en masse vers cette chaîne qui propose de la discussion politique de manière quasi ininterrompue est peut-être davantage due au contenu politique actuel qu'à la problématique de l'information sur le câble. Lorsque les Américains se sentent exaspérés face aux dysfonctionnements dont pâtit le Capitole, la dernière chose qu'ils ont envie de faire est de passer la soirée à écouter des commentateurs politiques qui ne font que leur rappeler l'état déplorable de l'appareil qui les gouverne.
 La chaîne, victime collatérale du mécontentement des Américains vis-à-vis du Congrès et de la chose politique en général. 
Les derniers mois ont prouvé, à l'appui des chiffres d'audience, que MSNBC était responsable par association. Alors que la CNN et la Fox ont réussi à maintenir la tête hors de l'eau, en privilégiant l'actualité chaude, MSNBC a été une victime collatérale de ce sentiment récent de mécontentement vis-à-vis du Congrès et de la chose politique en général. Malgré tout, et c'est l'Histoire qui l'a montré, les périodes d'élections tendent à raviver l'intérêt des citoyens pour le traitement de l'information politique à la télévision. Ainsi, il ne serait pas incroyable de voir le public retourner dans les bras de MSNBC au moment des élections de mi-mandat de 2014.

Les défis qu'il reste à relever

MSNBC a connu plus de rebondissements et de succès au cours des cinq dernières années qu'au cours de ses quelque dix-sept années d'existence. S'il faut trouver un coupable pour expliquer les débuts hésitants de la chaîne câblée, NBC autant que Microsoft doivent être pointés du doigt pour leur manque d'implication pour développer une marque et une identité propres, constituant un repère clair pour le public. Jusqu'à 2005, au moment où NBCUniversal a finalement pris le total contrôle de la chaîne, MSNBC n'était rien d'autre qu'une entité errante dans le vaste paysage des chaînes câblées, incapable de trouver sa place. Pour remédier à cela, il était nécessaire que quelqu'un prenne les rennes et définisse un vrai message. C'est Keith Olbermann qui s'est attelé à la tâche. Sa prédisposition à être une voix forte de l'indignation face au Parti républicain a aidé la chaîne à s'affirmer et l'a conduite à se positionner naturellement comme la réponse libérale à la chaîne conservatrice Fox News. L'émission de Rachel Maddow a consolidé ce statut et, grâce à une course à la présidentielle captivante en 2008, MSNBC a réussi à se positionner comme un concurrent légitime sur le terrain des chaînes d'information du câble.
 
La chaîne mise sur de nouveaux développements et de nouveaux visages pour poursuivre une ascension, certes lente, mais globalement constante. Depuis novembre 2013, les adeptes de MSNBC ont été intéressés par le portail Web dédié à la chaîne (aujourd'hui indépendant de celui de NBCNews) et se sont montrés fidèles à ce nouveau média. Dans sa grande volonté d'apporter du sang neuf, MSNBC a annoncé, en octobre 2013, l'arrivée d'Alec Baldwin pour conduire une émission d'entretiens intitulée Up Late : l'idée de redonner un peu de peps aux programmes n'a cependant pas aussi bien fonctionné que ce qu'auraient souhaité les producteurs, Alec Baldwin ayant été remercié après quelques semaines seulement d'antenne, en raison de propos virulents à répétition et, selon les dires, d'injures à caractère homophobe à l'encontre de plusieurs photographes. Ainsi, si le site Web a certainement donné à MSNBC ce petit plus technologique dont elle avait besoin, la chaîne doit persévérer pour trouver les voix et les visages qui lui donneront cet air de renouveau indispensable et qui lui permettront de consolider sa ligne éditoriale.
 
 Faire des gros scores uniquement en périodes électorales ne constitue pas un modèle économique sécurisant. 
Les émissions politiques font généralement l'objet d'un regain d'intérêt pendant les périodes électorales : malheureusement pour MSNBC, faire des gros scores uniquement en période d'élection, en misant sur l'intérêt des citoyens, ne correspond pas à un modèle économique très sécurisant. Mais avec des élections présidentielles tous les quatre ans, des élections de mi-mandat tous les deux ans, et toutes les crises politiques qui font la jonction, MSNBC devrait pouvoir puiser suffisamment de matière politique pour conserver ses présentateurs devant la caméra et ses téléspectateurs derrière leur petit écran, même lorsque l'actualité est ébranlée par des catastrophes naturelles ou des crimes qui sortent de l'ordinaire.
 
Traduit de l'anglais par Kévin Picciau

--
Crédits photos et vidéos :
Image principale : MSNBC et NBCNews le soir des élections de 2008 à New York (Marques Stewart / Flickr)
Chris Matthews (jmathree / Flickr)
Countdown with Olbermann (SocialistLiberal / Flickr)
Rachel Maddow (Tumwatl / Flickr)
(1)

Ce chiffre a été établi pendant le shutdown du gouvernement mais, en février de la même année, les résultats n'étaient pas beaucoup plus encourageants, avec seulement 15 % d'approbation pour l'action du Congrès. 

(2)

Fox News a trouvé son incarnation en Bill O’Reilly, MSNBC en Keith Olbermann. 

(3)

Les deux sociétés ont conservé chacune 50 % des parts dans le site jusqu’en juillet 2012, moment où Comcast a racheté 51 % de NBCUniversal à General Electric et a officiellement mis fin au partenariat avec Microsoft dans le cadre du site. De fait, le traffic de MSNBC.com a été redirigé vers NBCNews.com. Au mois de septembre 2013, NBCNews.com contenait toujours des informations relatives à la chaîne de télévision MSNBC. 

(4)

« Do we need MSNBC? ». 

(5)

(6)

La chaîne Headline News est une filiale de CNN. Elle réalise de plus faibles audiences ; ses actualités sont plus axées sur les faits criminels. 

(7)

L'ancienne Headline News de CNN, aujourd'hui considérée, à l'occasion, comme faisant partie des trois grandes chaînes du câble diffusant 24H/24. 

Ne passez pas à côté de nos analyses

Pour ne rien rater de l’analyse des médias par nos experts,
abonnez-vous gratuitement aux alertes La Revue des médias.

Retrouvez-nous sur vos réseaux sociaux favoris