La synchronisation publicitaire, « revenu dérivé » du secteur musical
L'industrie de la musique enregistrée a été la première filière des industries culturelles à souffrir des effets de la crise structurelle de la vente des supports, dès le tournant du XXI
e siècle.
Face à la crise structurelle de la vente des supports, Universal Music par exemple a dédié une branche entière à la vente de licences.
Les ventes mondiales de disques ont, en effet, commencé à décliner à partir de 1999, entamant alors une chute ininterrompue jusqu'en 2012 où la vente de musique enregistrée aura perdu plus de 40 % de sa valeur, passant de 27,6 milliards de dollars en 1999 à 16,4 (ventes physiques, numériques et droits). Face à la mise en place d'une offre numérique (légale) dont les bénéfices sont encore loin d'atteindre les niveaux auxquels le CD était autrefois coutumier, l'essentiel des maisons de disques s'est réorganisé en donnant aux revenus « dérivés » de la musique une place nouvelle. C'est le cas par exemple d'
Universal Music qui a fait de son département de vente de licences une branche stratégique au sein de l'activité d'édition du groupe, Universal Music Publishing.
La vente de licences, notamment pour la synchronisation publicitaire, est une pratique relativement lucrative. En effet, pour obtenir le droit de synchroniser un titre quelconque du catalogue d'une maison de disque sur des images publicitaires, un annonceur doit s’acquitter de deux types de droits de synchronisation : les « droits éditoriaux » et les « droits phonographiques ». Les premiers, à destination des auteurs, compositeurs et éditeurs originaux donnent le droit d'utiliser la partition originale. Les seconds, à destination des producteurs de l'enregistrement utilisé donnent le droit d'utiliser telle ou telle version. Ces droits sont calculés par les responsables de synchronisation des maisons de disques, au coup par coup, selon la popularité des titres et des artistes. Il s'agit en général d'évaluer en même temps des paramètres comme la popularité d'un titre ou d'un artiste, son ancrage dans l' « air du temps » ou encore l'exposition dont il pourrait bénéficier en cas de synchronisation. Dans
une interview accordée au blog Brain magazine en 2008, Charles-Henri de Pierrefeu (responsable de synchronisation publicitaire chez Universal Music Publishing) affirme que les tarifs s'inscrivent en général dans une fourchette allant de 30 000 € pour « un groupe pas connu ou en développement » à 200 000 € pour un « standard » (droits éditoriaux).
Comme il n'est pas rare, notamment dans le cas des majors, qu'une maison de disque soit à la fois éditeur et producteur d'un titre donné, elle peut souvent revendiquer au moins en partie les deux types de droits. Les montants de ces derniers sont en général rendus équivalents, en l'application de ce que le secteur appelle la « mention la moins favorable ». À ces droits de synchronisation s'ajoutent, lors de la diffusion des spots à l'antenne, la récupération des droits de diffusion collectés et redistribués par la Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique (SACEM).
Toutefois, aussi lucrative que la pratique puisse s'avérer, elle est bien loin de générer, par la négociation de droits, des revenus susceptibles de se substituer à ceux générés avant 1999 par la seule vente de supports physiques.
Même si la pratique de synchronisation est lucrative, elle est loin de générer des revenus comparables à ceux de la vente des supports physiques avant 1999.
À titre indicatif, les revenus de synchronisation mondiaux pour l'année 2012 n'atteignent tout de même « que » 300 millions de dollars ; la même année, l'ensemble de la division Publishing d'Universal Music (dont la synchronisation publicitaire ne représente qu'une partie) générait un peu moins de 15 % des
revenus du groupe Universal et environ 35 % de ses profits (EBIDTA).
Par ailleurs, chaque synchronisation est sujette à l'approbation des artistes ou des éventuels ayants droit. L'effet de mode et la crise du disque actuelle tendent à rendre ces derniers plus enclins que par le passé à accepter les offres mais il est toujours des artistes qui refusent en bloc, ou choisissent scrupuleusement les annonceurs pour lesquels ils travaillent. En effet, alors qu'une partie de la légitimité des artistes et des producteurs de musique populaire a pendant longtemps reposé sur une attention particulière accordée au fait de ne pas sembler « se vendre » au grand capital, il n'est pas toujours évident de réussir à considérer les pratiques de synchronisation comme n'entrant pas dans un tel mouvement.
Il faut également que les annonceurs puissent payer le montant des droits réclamés pour bénéficier du droit d'utiliser la musique d'un artiste sur une publicité. Or, derrière les coups médiatiques qui ont pu être mis en lumière ces dernières années, peu d'annonceurs ont des budgets publicitaires tels qu'ils peuvent se le permettre, surtout que les campagnes publicitaires sont des produits dont on ne peut que prédire difficilement l'efficacité sur les ventes. Aussi, plutôt que de réaliser des synchronisations one shot, certaines agences, en partenariat avec les maisons de disques, proposent à leurs clients des relations plus suivies avec les artistes.