Novaya Gazeta : dernier bastion de l'opposition politique en Russie ?
Libertaire, le journal Novaya Gazeta est atypique dans le paysage médiatique russe. Indépendant, il doit cependant sa santé à un mécène, Alexandre Lebedev.
Libertaire, le journal Novaya Gazeta est atypique dans le paysage médiatique russe. Indépendant, il doit cependant sa santé à un mécène, Alexandre Lebedev.
La liberté des médias demeure un sujet sensible en Russie, ses limites illustrent continuellement la nature d’un régime encore non démocratique. Ces dernières années, sous la double présidence de Vladimir Poutine, puis sous celle de Dmitry Medvedev, l’espace public s’est largement rétracté. Pourtant la situation actuelle est encore loin de ressembler à celle de la période soviétique puisque subsiste, dans le pays, un certain nombre de médias indépendants et qu’Internet constitue un espace largement incontrôlé par l’État.
Ainsi, si la télévision nationale est dominée par des chaînes étatiques, oscillant entre autocensure manifeste et volonté de glorifier le pouvoir en place par une sélection biaisée de l’information, une certaine liberté subsiste, par exemple, dans le domaine des journaux imprimés. Parmi ceux-là, des journaux comme Kommersant, Nezavisimaja Gazeta (« Le Journal Indépendant » en russe) ou évidemment Novaya Gazeta (« Le Nouveau Journal » en russe) se font encore les témoins d’une pluralité d’opinions au sein de la société. Ce dernier journal, notamment par la reconnaissance internationale qu’il a obtenue dans les années 2000, est parfois perçu comme le dernier bastion de l’opposition politique en Russie. Avant de discuter de ce sujet sensible, il convient de noter que la séparation entre médias officiels et indépendants n’est pas claire. Des remarques critiques contre le gouvernement peuvent apparaître virtuellement au sein de n’importe quel média russe, la différence résidera surtout dans leur caractère systématique ou non.
En avril 2009, le nouveau Président a accordé un premier entretien d’importance à la presse écrite russe. Pour ce faire, il a choisit Novaya Gazeta en justifiant que le journal n’avait jamais tenté de plaire à quelqu’un (17)
. Il s’agit d’un évènement important et ce malgré une certaine ambigüité de l’entretien mené par le rédacteur en chef de Novaya Gazeta, Dimitri Muratov. Si le Président russe a abordé certains thèmes sensibles comme la corruption ou le manque de liberté politique et d’expression en Russie, il est aussi resté souvent dans le vague sur d’autres sujets importants. Quoiqu’il en soit, il demeure étonnant qu’A. Medvedev ait choisi Novaya Gazeta pour donner son premier entretien à la presse. Pour l’heure, il semble encore un peu tôt pour se prononcer sur les motifs qui l’ont poussé à agir ainsi. S’agit-il déjà d’une volonté de se positionner avant les prochaines élections présidentielles de 2012, voir même plus concrètement des prémices d’une réforme ? D’un début de schisme au sein du tandem qu’il forme avec Vladimir Poutine ou plus simplement d’une tentative pour faire subsister l’illusion d’une liberté des médias en Russie alors que celle-ci ne concerne réellement, au-delà de l’espace Internet, qu’une poignée de journaux écrits et de radios ? Pour l’instant, on ne peut que constater ce fait et noter que Novaya Gazeta joue aujourd’hui un rôle non négligeable dans la vie politique russe. D’ailleurs D. Medvedev a lui-même reconnu qu’il consultait régulièrement Novaya et que le journal devait continuer à paraître et à critiquer le gouvernement, sans qu’il y ait besoin de l’aimer pour cela (18)
.
Le fait a été discuté en Russie et a soulevé une vague de compassion pour la journaliste de Novaya, plus il a permis pour un (très) bref laps de temps de lever partiellement le voile traditionnel des médias officiels sur les sujets sensibles dont s’occupait A. Politkovskaïa et sur ses opinions. Surtout, l’évènement a eu une forte résonnance au sein de la communauté journalistique, plus que dans l’opinion publique. D’ailleurs, il n’a pas non plus occupé longtemps la télévision russe et a rapidement disparu du journal télévisé. Voir, AZHIGIKHINA, Nadezhda, « The Struggle for Press Freedom in Russia: Reflections of a Russian Journalist », in Europe-Asie Studies, Vol. 59, N°8, Routledge, Décembre 2007, pp. 1245-1262 et BABCHENKO, Arkady, OLSEN, Josephine, « Information Vacuum », in Index on Censorship, 37: 116, SAGE, 2008, pp. 116-120.
Voir la réaction officielle (en russe) du Ministère des Affaires Étrangères russe (MID) sur le site officiel du MID concernant la publication de Politkovskaïa en date du 24 janvier 2005. Pour la suite du débat voir aussi, la justification (en russe) d’A. Politkovskaïa sur Radio Svoboda (Radio Liberté) en date du 26 janvier 2005. Pour simplifier grossièrement, le débat portait à l’époque sur la mise en place des négociations pour la résolution de la question tchétchène, plus précisément de la sélection des personnes à associer à de telles négociations.
MILLOT, Lorraine, « ‘Novaïa Gazeta’;, l’information à mort »<:a>, in Libération, 2 Mars 2009. En 2008, les actionnaires, par accord mutuel, ont réduit le financement de Novaya de près de 25 % sous l’effet de la crise économique. Le chiffre de ses subventions est donné par Alexandre Lebedev lui-même sur son site internet officiel, 22 janvier 2009.
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