Les Organizações Globo constituent le plus important conglomérat médiatique du Brésil et l’un des quatre grands groupes médiatiques d’Amérique Latine
. Le fondateur de cet empire, aujourd’hui dirigé par les frères Marinho, est Roberto Marinho (1904-2003) qui hérite, en 1925, du quotidien O Globo, qui inaugure, en 1944, Radio Globo et, en 1965, TV Globo (Rede Globo). La chaîne de télévision Globo est depuis son origine l’élément fédérateur des entreprises du groupe Organizações Globo : fondée en 1965 au lendemain du coup d’État militaire et avec l’appui du groupe américain Time Life, Rede Globo a connu jusqu’aux années quatre-vingt des parts d’audience record. Elle draine encore aujourd’hui 52 % de l’audience prime-time et 75 % des recettes publicitaires grâce notamment aux produits phares de la chaîne : les telenovelas. Exportant ses programmes vers plus de cent pays à travers le monde, 90 % de ce qui est diffusé en prime-time sur la chaîne est conçu et réalisé par les équipes Globo. Les Organizações Globo possèdent, en outre, une autre chaîne gratuite (Futura) ainsi que vingt-six autres chaînes payantes diffusées via câble ou satellite grâce à un partenariat avec SKY
et un actionnariat majoritaire dans NET
. En 1996, le groupe lance la première chaîne entièrement consacrée aux informations, Globo News, accessible via câble ou satellite ou par Internet pour les abonnés de Globo.com. Le site met en ligne des vidéos et informations de la chaîne. Selon les chiffres communiqués par le groupe, la chaîne compte plus de 2 millions d’abonnés.
Dans le secteur de l’édition, le groupe Organizações Globo au travers d’Infoglobo diffuse quatre quotidiens (O Globo, Extra, Expresso et Valor Economico) ainsi que vingt-sept magazines édités par Editora Glob
dont quinze hebdomadaires ou mensuels couvrant les secteurs de l’actualité, des loisirs, de la mode, de l’automobile, des finances, de l’éducation, de la décoration ou des informations « people ». Sur le marché des hebdomadaires, le magazine Época, du groupe Globo, arrive à la deuxième place des meilleures ventes de magazines au Brésil avec un tirage de 420 500 exemplaires, devant Istoé (Editora Três) et loin derrière Veja, du groupe Abril qui arrive en tête de vente avec un tirage hebdomadaire moyen de 1089 900 exemplaires par semaines. Le groupe n’est pas présent dans les premières places des ventes de mensuels très largement dominées par le groupe Abril
.
Les journaux O Globo et Extra, appartenant tous deux au groupe Globo, arrivent en troisième et quatrième places des meilleures ventes avec respectivement un tirage moyen de 257 000 exemplaires et 248 000 exemplaires derrière Folha de S.Paulo (Groupe Folha, 295 000 exemplaires) et Super Notícia
(289 000 exemplaires (Source ICV 2009). Le groupe Globo s’est associé au Groupe Folha en 2000 pour créer le quotidien économique Valor Econôomico qui tire aujourd’hui à 53 947 exemplaires et occupe la 21e place des meilleures ventes — cinq millions de journaux sont achetés chaque jour au Brésil.
Le cinéma est le dernier segment audiovisuel investit par le groupe. Depuis sa création en 1998, Globo Filmes est devenu le plus important producteur et co-producteur de cinéma brésilien en assurant un excellent rapport entre le nombre de films produits et le nombre de spectateurs drainés par ces films qui reproduisent une esthétique et des thématiques ayant fait le succès de TV Globo
. Le cinéma national « indépendant » de Globo Filmes peine, quant à lui, à obtenir moins de 20 % du nombre total des spectateurs de films brésiliens (voir ici pour les données considérées).
Sistema Globo de Rádio, englobant 168 radios commerciales et une radio communautaire, assure l’investissement radiophonique du groupe
Globo AM arrive en première place dans le classement effectué à partir de l’audience effectuée à Rio (AM et FM confondues) avec une moyenne de 258 000 auditeurs
en 2009 et à São Paulo (Radios AM) avec une moyenne de 146 000 auditeurs entre 6 h et 19 h entre février et avril 2010.
Le marché du disque est également un secteur sur lequel Organizações Globo est présent avec Som Livre, qui se situe à la troisième place derrière Universal Music et Sony/BMG et devant Warner Music et Emi Music.
Le grand public, l’international et la toile : les objectifs pour conserver la place de leader mainstream au Brésil
Dans son rapport annuel de 2009, le groupe annonce un bénéfice en augmentation de 10 % par rapport à l’année précédente, soit 8.386 milliards de reais (environ 3,567 milliards d’euros) et insiste sur son objectif d’informer, divertir et participer à la construction d’une société plus solidaire
. Pourtant, même si le leadership du groupe est loin d’être menacé, la baisse des audiences, une crise de confiance et une certaine détérioration de l’image du groupe dans les couches les plus informées de la société brésilienne témoignent, peut-être, des limites de cet empire qui, grâce à la concentration des médias, se positionne comme le groupe de plus influent, présent dans 80 % de tout ce qui est lu, vu et entendu dans les médias brésiliens
, captées par l’intermédiaire d’enquêtes d’opinion mises en place par Organizações Globo. En 1995, afin d’augmenter sa productivité en baissant les coûts de production, la Globo inaugure son centre de production audiovisuel, la Central Globo de Produções, également appelé Projac
, qui est le plus grand centre de production audiovisuelle d’Amérique Latine, situé à Jacarepaguá (Ouest de Rio). L’usine à rêve, où se produisent chaque année autour de 2 500 heures de programmes Globo
, est située sur un site de 1,65 millions m² comprenant 70 % de forêt atlantique et 137 000 m² de constructions
. Le groupe, qui exporte des telenovelas depuis la fin des années soixante-dix
vers 130 pays à travers le monde, veut également gagner plus de visibilité au niveau international.
.
La création de la chaîne Globo International en 1999 va constituer une nouvelle étape vers cet objectif mais c’est essentiellement en 2000 avec la création du portail Globo.com que le groupe ouvre de nouvelles perspectives de développement et de visibilité internationale en permettant une convergence de ses contenus médiatiques : le portail devient rapidement une vitrine des radios, des journaux, des revues, des films produits par le groupe et bien sûr de la chaîne Rede Globo. Des centaines de vidéos sont intégrées et actualisées chaque jour sur le portail et ses sites comme www.video.globo.com et www.memoriaglobo.globo.com qui se constituent comme archives de la chaîne. En 2005 le site http://globoesporte.globo.com contribue au succès du groupe sur le net avec plus de 300 000 abonnés. Le portail engrange une recette de 40 millions de reais (soit environ 17 millions d’euros). En 2006, le portail investit 20 millions de reais (8,48 millions d’euros) pour créer le GMC Globo Media Center, une nouvelle version du portail vidéo.
Enrayer la crise financière en se focalisant sur les secteurs leaders des productions audiovisuelles nationales
Avec un investissement initial d'un peu plus de 6 millions de dollars accordé par le groupe Time-life entre 1963 et 1966
le groupe Organizações Globo connaît depuis les années 1990 une crise financière qui l’amène à adopter une stratégie de développement qui se focalise sur les marchés où le groupe est en position de leader incontestable et qui favorise les partenariats financiers étrangers. La vente, en octobre 2009, du journal Diário de São Paulo
au groupeTraffic illustre cette stratégie de focalisation sur le secteur audiovisuel. De même, l’ouverture des capitaux des entreprises de distribution des chaînes payantes – NET (Câble et MMDS
) et SKY (DTH
.
La dette des Organizaç
ões Globo s’élève à 1,527 milliards de
reais (soit 666 millions d’euros) avec un profil de remboursement à long terme où moins de 3,5 % de la dette consolidée l'est à court terme. Dans ce contexte particulier, les Organizações Globo se veulent optimistes. Le rapport présentant le bilan financier du groupe pour l’année 2009 et divulgué par
Globo Comunicações e Participações le 30 mars 2010 annonce un bénéfice net de 8,386 milliards de
reais (environ 3,567 milliards d’euros) pour le secteur comprenant la chaîne Globo, les chaînes privées, globo.com, TV Globo Internactional, Globo Filme, Som Livre et Editora Globo, soit une augmentation de 10 % par rapport à l'année précédente où elle avait obtenu 7,602 milliards de
reais
La Chaîne Globo fédère les entreprises du groupe avec 7,7 milliards de
reais (environ 3,234 milliards d’euros). La part la plus importante de cette recette provient des investissements publicitaires. En effet, la chaîne, qui possède 45 % de parts de marché en termes d’audience
, détient 73,5 % des investissements publicitaires télévisuels, ce qui lui a rapporté 7 milliards de
reais (un peu moins de trois milliards d’euros) en 2009
, en laissant loin derrière elle ses concurrentes Record (10,1 %) SBT (8,7 %), Band (4,9 %) et Rede TV (1,9 %)
.
La structure segmentée de la chaîne Globo – avec ses propres stations à São Paulo, Rio de Janeiro, Belo Horizonte, Brasília et Recife, ainsi que ses 116 stations affiliées dans le reste du pays – permet aux annonceurs petits, moyens et grands d’être présents sur Globo au travers de publicités prenant des formes diverses comprenant les plus de seize millions de spots commerciaux par an
et également le merchandising dans les telenovelas et mini séries de la chaîne. Selon le président de Organizaçoes Globo, Roberto Irineu Marinho, en 2009, environ onze mille heures de produits nationaux ont été produites par le groupe, qui emploie 12 000 collaborateurs et a recruté plus de cent trente producteurs d'audiovisuel indépendants brésiliens
.
Rede Globo, les audiences en baisse de la première chaîne nationale
Tout au long des deux décennies qui ont suivi sa création, la TV Globo affichait des scores d’audiences atteignant pour ses émissions phares des chiffres oscillant entre 60 et 80 % d’audience. Les telenovelas et le journal télévisé accusent depuis le début de la décennie une baisse sensible de leurs audiences. Tous les programmes confondus, diffusés du lundi au dimanche de 7h à minuit par la TV Globo, accusent une audience significativement en baisse : de 55 % de parts de marché en 2004 à 43,3 % en 2008.
Audiences 2004 à 2007: Evolution des parts de marché pour les principales chaînes télé. Source : Mídia Dados 2008 Réalisé sur l’ensemble de la population de 7h à 24h, lundi à dimanche.
Même si la chaîne conserve très nettement sa position de leader incontestable, la baisse d’audience qui affecte les telenovelas et Jornal Nacional nous amène à considérer que ces productions audiovisuelles ont, contrairement au passé, de plus en plus de mal à satisfaire un public qui préfère se tourner vers d’autres émissions ou d’autres activités. Trois telenovelas inédites sont diffusées quotidiennement sur la chaîne et représentent encore aujourd’hui un des principaux investissements budgétaires de Rede Globo.
Selon le groupe Organizações Globo, le prix moyen d’un épisode de telenovela est de 200 000 dollars. Une telenovela, qui possède une moyenne de deux cents épisodes, revient donc à environ 40 millions de dollars. Si ces produits audiovisuels drainaient à la fin des années quatre-vingt environ 60 % de parts de marché en termes d’audience, ce qui représentait déjà une relative baisse par rapport aux décennies précédentes, les telenovelas actuelles peinent à tourner autour des 40 % d’audience, considérés désormais comme seuil de succès. La chute est brutale pour les telenovelas de 18h qui enregistrent une perte de 43 % d’audience depuis 2006. Celles de 19h révèlent une audience instable avec des variations de 16 points d’audience entre Bang Bang (diffusé entre le 3 octobre 2005 et 3 avril 2006) qui obtient 27,2 % de parts d’audience et Da Cor do Pecado (diffusé entre le 26 janvier et le 28 août 2004) qui en obtient 43 %. Quant aux telenovelas du prime-time, qui sont les plus élaborées en terme de contenu, et les plus coûteuses, si elles obtiennent encore les plus forts scores d’audiences, elles souffrent tout de même de la désaffection du public, en particulier depuis cinqg ans. Elles ont perdu au total 18 % d’audience entre 2000 et 2008, et chutent encore avec l’actuelle Passione diffusée depuis le 17 mai 2010
.
Autre vitrine de la chaîne, Le Jornal Nacional, le journal télévisé de 20h à l’antenne depuis 1969 et qui atteignait jusqu’à 79,9 % de l’audience nationale en 1979
, connaît, lui aussi, des problèmes d’audience et enregistre pour l’année 2009, 31 % de parts de marché, soit une chute de 20 % de son audience par rapport à l’année 2000
. Il demeure néanmoins le journal télévisé le plus regardé au Brésil, suivi par celui de la chaîne concurrente, Jornal da Record, qui obtient 9% d’audience en 2009, soit une progression de 100 % de son audience par rapport à l’année 2000. Cette progression spectaculaire est bien loin de constituer une menace : Rede Globo obtient la plus grosse part de recette publicitaire du pays et détient les droits de transmission des principaux événements sportifs (championnats de football brésilien, mondiaux, UEFA, Formule 1).
Le groupe Organizações Globo contrebalance les chutes d’audiences de TV Globo par de bons scores d’audience sur ses programmes diffusés sur Internet
, ce qui incite le groupe leader à minimiser ses faiblesses actuelles en justifiant les scores par de nouvelles pratiques spectatorielles. Lachute des audiences des telenovelas coïncide avec le développement des chaînes privées qui comptent 2,5 millions d’abonnés en 1997/1998, et passent à plus de 6 millions en 2008
. De même, l’augmentation encore plus spectaculaire de l’abonnement à Internet - qui passe de moins de 5 millions d’abonnés en 2001 à plus de 24 millions en 2008
La presse Abril et la télévision Record : la part des concurrents
Sept groupes nationaux contrôlent 80 % de ce qui est lu, vu et entendu dans les medias brésiliens
: Organizações Globo est le plus important de ces groupes. Viennent ensuite le groupe Abril puis L’Eglise Universelle du Royaume de Dieu (groupe Record) les deux principaux concurrents de Organizações Globo
Deuxième grand groupe médiatique du Brésil, le groupe Abril possède le plus grand éditeur de magazines et périodiques du pays, l’Editora Abril qui représente 63 % de la recette totale du groupe. Editora Abril publie 373 revues, possède 43 sites Internet. Le groupe possède, en outre, deux autres maisons d’édition pédagogiques (Editoras Ática et Scipione) une entreprise de production et de distribution vidéo (Abril Video)
une chaîne de télévision musicale (MTV), un opérateur de bouquet de diffusion par câble (TVA) et un partenariat avec le plus grand portail Internet du Brésil, UOL. Le nombre des tirages des différentes revues du groupe Abril a augmenté de 4,7 % en 2009 : ils comprennent 169 millions d’exemplaires et représentent 54,2 % du marché brésilien
avec 3,7 millions d’abonnés. Le rapport financier du groupe pour l’année 2009 indique une croissance de 3,6 % par rapport à 2008 avec un bénéfice net de 2 milliards de reais (soit 872 millions d’euros)
.
En 2009, le groupe publia dans Veja, magazine le plus diffusé, un article dénonçant le monopole de son principal concurrent Organizações Globo sur le marché des opérateurs de chaînes payantes et pointant la menace que représente un telle main mise du groupe - possédant déjà la plus grande chaîne nationale - sur le droit d’accès à différentes sources d’information
. L’Eglise Universelle du Royaume de Dieu et son fondateur Edir Macedo possèdent la deuxième plus grande chaîne hertzienne du pays (TV Record) et d’autres stations plus modestes comme Rede Mulher et Rede Família. Rede Record obtient 15,7 % de part d’audience en 2008
et déclare, pour 2009, un revenu de 2,25 milliards de reais (soit 981 millions d’euros), ce qui représente une croissance de 20 % par rapport à au revenu de l’année 2008. Fondée en 1953 par Paulo Machado, la chaîne a d’abord appartenu à la famille Abravanel avant d’être vendue en 1989 au fondateur controversé
de l’Eglise Universelle du Royaume de Dieu. Elle est aujourd’hui le principal concurrent de TV Globo. Les guerres ou provocations entre ces deux groupes et leurs chaînes respectives sont régulièrement répercutées dans les médias
Rede Record se lance également dans l’exportation de
telenovelas. Mais le marché international des
telenovelas a changé
. A la fin des années 70, le genre avait peu de concurrence dans le marché mondial. Dans ces années les
telenovelas comme
Gabriela ou
Escrava Isaura ont fait des percées fracassantes au Portugal pour la première et en Chine pour la seconde
. L’accueil enthousiaste du public a déterminé les objectifs d’une nouvelle production audiovisuelle dans ces pays. Les
telenovelas brésiliennes ont en effet favorisé à l’étranger l’émergence de productions locales qui leur font maintenant concurrence
. Aujourd’hui, le public mondial de ces productions est estimé à
deux milliards de téléspectateurs et environ 500 telenovelas sont produites et diffusées à travers le monde. De plus, d’autres grandes chaînes latino-américaines sont entrées sur le marché des
telenovelas avec des productions moins chères car moins élaborées. C’est notamment le cas de Televisa, au Mexique, ou encore Venevisión et RCTV, au Venezuela, Telefe et Artear, en Argentine, Caracol et RCN, en Colombie.
Organizações Globo : une organisation politique ?
Les liens entre le groupe Globo et la vie politique du pays ont fait l’objet de divers travaux universitaires et académiques
. En cette année d’élection brésilienne
, TV Globo est de nouveau accusée de faire campagne pour son candidat
. Marcelo Branco, un des coordinateurs de la campagne web de la candidate du Parti Travailliste, Dilma Rousseff, a ainsi accusé Globo de faire écho au slogan présidentiel du candidat de l’opposition, José Serra (PSDB
) selon lequel «
Le Brésil peut plus
». Le 18 avril 2010, dans son programme dominical
Fantástico, la chaîne qui fête ses 45 ans fait en effet dire à ses principaux acteurs et à divers jingles : «
Nous voulons plus. Plus d’éducation, de santé, d’amour et de paix. Brésil ? Beaucoup plus <
”. Face à la protestation de nombreux internautes
et pour enrayer la polémique, TV Globo a décidé de retirer ses jingles commémoratifs en précisant néanmoins que le jingle avait été conçu en 2009
mais que la chaîne ne prétend pas offrir de prétexte à être accusée d’être tendancieuse
(v
oir vidéo 45 ans Globo et campagne José Serra).
Tendancieuse la TV Globo ? L’histoire de la création de la chaîne qui fédère le groupe Organizações Globo, ainsi que différentes polémiques survenues lors d’élections politiques, semblent avoir définitivement entaché l’image de TV Globo. En effet, il convient de rappeler que l’ascension rapide de la chaîne s’est fondée sur trois raisons majeures : un accord financier illégal, une collaboration étroite avec le régime militaire (1964-1985) et un paysage audiovisuel favorable avec l’extinction des deux chaînes concurrentes Tupi et Excelsior
.
Passant outre l’article 160 de la constitution de 1946 qui interdisait les investissements étrangers dans les entreprises de communications, le groupe Globo reçoit, en 1962, du groupe américain Time Life, 6 millions de dollars pour créer sa chaîne. A l’époque la « menace communiste » est un argument politique récurrent et Time Life, en lien avec le parti républicain, veille à l’insertion de solides bases anticommunistes au Brésil
. Outre la violation de la constitution, qui fera l’objet, en 1967, d’une enquête parlementaire sans réelles conséquences, cet apport financier américain consolide, avec l’appui de la CIA, la dictature au Brésil
. La collaboration de Globo avec le régime militaire – dont la chaîne est le porte parole – est également édifiante : les analyses politiques disparaissent, les analyses économiques vantent le « Grand Brésil » et le miracle économique. En 1972, alors que la dictature militaire s’est radicalisée depuis 1968 avec l’Acte Institutionnel n°5, qui confisque les droits élémentaires des citoyensle président Emílio Garrastazu Médici affirme, lors de l’inauguration de la télé couleur, qu’il se sent heureux chaque soir lorsqu’il assiste au JT de Globo, « car le monde est dans un chaos mais le Brésil est en paix
En 1982, le public brésilien découvre un visage peu reluisant de la chaîne lorsque Rede Globo tente d’empêcher la victoire de Leonel Brizola (PDT
), l’adversaire du candidat du parti de la dictature, au poste de gouverneur de Rio en désinformant ses téléspectateurs et en relayant une tentative de fraude électorale
. Brizola a obtenu, plus de 10 ans après, le 25 mars 1994, un droit de réponse de la chaîne qui, tout au long de son mandat de gouverneur, n'a cessé de le mettre en cause : « Tout chez Globo est tendancieux et manipulation
» dit-il dans son texte lu à l’antenne par le journaliste maison, Cid Moreira
En 1984, alors que des manifestations populaires s’élèvent partout dans le pays pour exiger le suffrage universel pour les élections présidentielles (Diretas Já), Rede Globo ignore complètement l’événement et décide de ne pas le couvrir. Dans les rues le peuple scande : « le peuple n’est pas idiot, à bas la TV Globo !
». Globo appuie la candidature de Tancredo Neves (PMDB) qui est élu mais qui meurt avant d’entrer en fonction. Le vice-président, José Sarney, devient alors président et soigne ses liens avec le groupe en acceptant comme ministre des télécommunications la proposition de Globo : Antonio Carlos Magalhães. En 1989, lors d’un débat télévisé opposant les candidats à la présidence, Collor et Lula, le traitement avantageux à Collor dans un résumé propagandiste proposé par la chaîne montre clairement qu’il est le candidat du groupe
. Cette même année, dans son édition du 19 juin, le Jornal do Brasil est explicite : « La TV Globo est le plus grand parti politique du Brésil et devrait être enregistrée en tant que PRG : Parti Rede Globo
, a décrété trois jours de deuil national lors de la mort de Roberto Marinho, fondateur de la chaîne Globo, et a déclaré son immense tristesse face à la perte de cet homme « qui a passé sa vie à croire au Brésil ».
Le documentaire Beyond Citizen Kane (Muito Além do cidadão Kane) de Simon Hartog(1993), dont les droits de diffusions ont été achetés par Rede Record en 2009, explicite, au travers de divers témoignages y compris de personnalités comme Chico Buarque de Holanda ou Lula, les liens entre le groupe et la politique. Ce documentaire, largement diffusé dans les universités brésiliennes, est visible, malgré la médiocre qualité des images, sur Internet, en quatre parties:
Partie 1 - Partie 2 - Partie 3 - Partie 4.
Conclusion : un conglomérat médiatique qui questionne la démocratie
Rede Globo fait partie intégrante d’une réalité politique et sociale nationale qu’elle contribue à créer en couvrant 98,44 % du territoire national, soit 99,50 % de la population brésilienne. Avec ses 2500 heures annuelles de telenovelas et plus de 1800 heures de télé journalisme, Rede Globo est le secteur audiovisuel le plus important en termes d’emploi pour les artistes, auteurs, comédiens, scénaristes, journalistes, producteurs et techniciens. Innovante en termes de contenus et de formats, son influence esthétique a dépassé les frontières brésiliennes et impulsé de nouvelles formes de créations locales. La réactivité du groupe Globo lui permet de faire face aux changements technologiques qui engendrent de nouveaux modes de consommation multimédia et de maintenir sa position de leader. Néanmoins, si le groupe Globo a incarné la toute puissance médiatique jusqu’au milieu des années 80, les décennies qui ont suivi ont fait émerger des principes de réalités économiques et sociologiques qui ont quelque peu compromis les anciennes marges de manœuvre du groupe
. La dévaluation de la monnaie brésilienne au début des années 2000 a fait que la croissance du groupe a stagné, et multiplié sa dette dont le rééquilibrage
a été en partie assuré par un amendement autorisant l’entrée de capital étranger dans les medias brésilien
. La baisse des audiences de la Rede Globo est un autre point qui préoccupe le groupe qui, officiellement, minimise les résultats des enquêtes d’audience en rappelant que TV Globo obtient les scores dont les moyennes annuelles restent les plus élevées de la télévision brésilienne dans un contexte de baisse générale de l’audience des chaînes hertziennes. Néanmoins cette relative désaffection du public pour les programmes Globo qui ont fait le succès de la chaîne se trouve corrélée avec une remise en question, voire une certaine dégradation de l’image de la chaîne auprès du public. Cette image altérée de Globo, largement alimentée par la concurrence, transparaît dans différents mouvements sociaux
qui interpellent la société civile. Au delà de l’influence politique du plus grand conglomérat médiatique du Brésil, c’est de l’influence sociale du groupe Globo qu’il s’agit et plus largement des limites nécessaires à la concentration des pouvoirs médiatiques dans une démocratie.
Depuis des années, des voix s’élèvent au Brésil et ailleurs pour interpeller les pouvoirs publics sur les dangers de la concentration des entreprises de médias
qui empêche l’accès à la diversité des sources et des points de vues. La concentration médiatique, détenue par quelques groupes influents qui possèdent au final les mêmes objectifs voire la même vision idéologique du monde, génère une l’homogénéisation des medias qui compromettent l’exercice démocratique, qui ne peut réellement exister que dans le cadre d’une législation plus stricte en matière de concentration, et plus attentive au développement du pluralisme, de la diversité et du choix offerts aux consommateurs. Internet est bien sûr une alternative et un instrument de démocratisation de l’information mais il convient de souligner que ce moyen d’information et de communication n’est réservé, au Brésil, qu’à 34,8 %
.
En bref et en chiffres
Références
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Articles et recherches en ligne
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