conseil constitutionnel en 2018

Le Conseil constitutionnel doit valider les parrainages de chaque candidat. 

© Crédits photo : Joël Saget/AFP ; Justine Babut

Les journalistes face à la « complainte du parrainage »

La question des parrainages est revenue ces derniers jours au cœur de la campagne présidentielle. Vrai sujet, ou « marronnier » électoral ? Des journalistes répondent. 

Temps de lecture : 3 min

La Revue des médias poursuit, avec cet article de Cyril Lacarrière, une série sur « la fabrique médiatique » de la prochaine élection présidentielle. Elle accompagnera toute la campagne électorale. 

« — Vous avez peur de ne pas avoir vos parrainages, Éric Zemmour ? 

— Oui alors si vous permettez, en une seconde… 

— Non, vous l’avez déjà fait et c’est pas le lieu. »

Face au ton sec de Léa Salamé, chose rare, le candidat n’insiste pas. La journaliste fait ce soir-là le choix de ne pas le laisser dérouler son argumentaire et battre le rappel des 42 000 élus qui peuvent lui apporter leur parrainage, élément indispensable si l’on veut véritablement être candidat à l’élection présidentielle. Depuis cette émission du 9 décembre sur France 2, la question de sa participation à la campagne officielle semble n’avoir guère avancé. Éric Zemmour indiquait jeudi soir sur BFMTV avoir recueilli un peu plus de 310 signatures sur les 500 nécessaires, auxquelles il convient d'ajouter une petite marge de sécurité pour parer à des invalidations du Conseil constitutionnel. « Il y a une vraie difficulté pour lui d’avoir ses parrainages, confie une journaliste politique de France Télévisions, ce n’est pas du bluff. » Le sujet est devenu ces derniers jours un des thèmes centraux de la campagne présidentielle.

Même les personnalités politiques qui ne sont pas candidates sont interrogées par les journalistes des matinales. « Cette question est devenue un véritable enjeu, souligne encore notre consœur de France Télévisions. Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon ont même fait des propositions pour faire évoluer la règle. » Mais pas de changement de règle à prévoir. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et à ce titre chargé du bon déroulement des scrutins, a fermé le ban lorsqu’il était, lui aussi, interrogé mardi matin sur RTL par Alba Ventura : « On ne change pas les règles du jeu à quelques jours du match. » Et le ministre d’ironiser sur ce « marronnier de l’hiver » rappelant qu’en 2017, François Asselineau, « qui a fait moins de 1% », a obtenu les parrainages nécessaires pour se présenter.

« Un fait de campagne »

Guillaume Tabard, auteur d’un édito dans Le Figaro mardi matin intitulé « Le danger bien réel d’une catastrophe démocratique », réfute le terme de « marronnier », qui laisserait penser qu’il s’agit avant tout d’une sorte d’obsession de la presse. « Ce n’est pas nous, journalistes, qui mettons le sujet sur la table, défend l’éditorialiste et rédacteur en chef, c’est un problème bien réel et c’est devenu un fait de campagne. »

Ce n’est pas l’avis de Benoît Lasserre, grand reporter pour le quotidien Sud Ouest, et auteur d’un édito mercredi matin intitulé « La complainte du parrainage ». 

Si le journaliste reconnaît que le « système a ses imperfections », il juge que pour les journalistes, la situation est délicate. « En fait, on ne devrait inviter que ceux qui ont déjà leurs signatures, mais c’est impossible. » Face au risque démocratique invoqué par certains de ne pas voir des candidats crédités de scores élevés dans les sondages faire partie de la course finale, Benoît Lasserre semble douter du danger. « Attendons de voir si vraiment ils n’auront pas leurs signatures. » L’Histoire aurait tendance à lui donner raison. Rares sont les prétendants sérieux à l’Élysée à ne pas avoir obtenu le nombre requis de signatures. Le seul exemple serait Jean-Marie Le Pen en 1981 — il avait blâmé le RPR de Jacques Chirac d’avoir dissuadé les élus de lui accorder ses signatures — mais à l’époque, le président du Front national ne comptait pas encore parmi les principales têtes d’affiche du scrutin. 

Pour la journaliste politique de France Télévisions, pas question d’évacuer la question. « Nous ne pouvons pas être extérieurs à l’actualité, mais il faut avoir une réflexion sur la manière dont les thématiques apparaissent et à quel moment de la campagne. À nous de trouver les enjeux. » Une position que rejoint Guillaume Tabard, qui a même été un peu plus loin en prenant directement part au débat, soutenant que « l’absence de candidats se situant au-dessus de la barre des 10 %, dont deux ont cumulé 40 % des suffrages exprimés en 2017, nuirait à la légitimité de l’élu. » Assumant pleinement son rôle d’éditorialiste, Tabard se pose en vigie de la démocratie, même s’il comprend la méfiance de certains Français : « Je pense que les électeurs se disent que les candidats font de la mise en scène pour attirer l’attention sur eux, mais je ne le crois pas. Et par ailleurs, nous n’avons, nous, aucun moyen concret de savoir s’ils font de l’esbroufe. » Réponse le 4 mars, 18 heures, date limite de dépôt des parrainages.

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