Peut-on encore vraiment lancer un hebdo papier en France ?
Lancés en fanfare et dans un court intervalle de temps, les hebdomadaires l’Ebdo et Vraiment n’ont vécu que quelques numéros. Analyse d’un échec.
Lancés en fanfare et dans un court intervalle de temps, les hebdomadaires l’Ebdo et Vraiment n’ont vécu que quelques numéros. Analyse d’un échec.
Les nouveaux médias prennent tous des points de vue forts qui les rendent à la fois immédiatement reconnaissables et non substituablesLes nouveaux médias qui s’imposent dans le numérique comme dans l’imprimé prennent tous des points de vue forts qui les rendent à la fois immédiatement reconnaissables et non substituables. En matière de mode de traitement de l’information ce sera par exemple l’investigation (Médiapart), l’expertise (Contexte), le reportage (Society), le traitement approfondi de dossiers à plusieurs voix (Le 1 Hebdo). Un autre parti pris pour traiter l’information tient à la manière de travailler des journalistes qui est quelle que soit la périodicité de la publication, la lenteur, dans tous les cas un temps important laissé au journaliste, voire une absence de limites, tant que le sujet n’est pas prêt. En corollaire de la lenteur intervient un parti pris de narration, le format long, plus adapté au support numérique, mais qu’assume également So Press (Society) pour l’ensemble de ses publications imprimées. Une forme de parti pris peut également résider dans la forme, à des degrés divers, qu’il s’agisse d’un décalage de présentation au regard des standards du moment (Médiapart) ou d’un objet résolument inédit comme le grand format plié du 1 Hebdo.
L’échec des lancements d’Ebdo et Vraiment interroge d’autant plus que ceux-ci mettaient leurs pas dans ceux des médias qui avaient connu le succès précédemmentL’échec des lancements d’Ebdo et Vraiment interroge d’autant plus qu’apparemment ceux-ci mettaient leurs pas dans ceux des médias qui avaient connu le succès précédemment : pas de côté éditorial et opposition à l’information de flux disponible partout ; contre-pied journalistique en misant sur le lent, le long, l’ambition d’aller au fonds de sujets, le choix de sujets qui sortent de l’actualité pour se tourner vers la société, le vécu de nos contemporains. L’idée de « faire communauté » est bien présente et des dispositifs tels que ce périple-rencontre avec le public durant des semaines, par l’équipe d’Ebdo en est l’une des manifestations. Les lecteurs potentiels savent qu’il n’y aura pas de publicité ou très peu selon le titre, avec la promesse de libérer l’éditorial des concessions auxquelles celle-ci conduirait. En conséquence, les lecteurs savent que c’est eux, en répondant à l’appel de communauté, qui devront porter complètement le projet.
Quel était le contrat de lecture ?Le premier de ces éléments concerne ce qui a trait à l’identité éeacute;ditoriale, ce qui va faire qu’un titre est absolument singulier dans sa forme de journalisme, son ton, les choix de sujets et les manières de les traiter. Il suffisait d’interroger les kiosquiers les jours de lancement et les semaines suivantes pour voir leur embarras à présenter le nouveau titre. Le même embarras s’est retrouvé chez les lecteurs curieux, comme les commentateurs de la presse. Les nouveaux concepts éditoriaux ne se distinguaient pas suffisamment ou ne révélaient pas vraiment ce qu’était l’ambition de ceux qui les avaient conçus. Quel était le contrat de lecture ? Au fil des semaines, les choses s’aggravèrent encore dans le cas d’Ebdo, avec des choix de unes qui pouvaient être déjà vus comme la sexualité féminine ou très inattendus au regard de la promesse initiale, avec de l’investigation, ce qui n’était pas le registre initialement revendiqué. Pire, une investigation fragile, face à un environnement concurrentiel pas du tout prêt à faire des cadeaux dans ce domaine. Dans le cas de Vraiment, il n’y eut pas un tel hiatus, mais de numéro en numéro, le lecteur interrogé qui trouvait le contenu « intéressant » ou « pas mauvais », ne fut pas suffisamment convaincu pour que le magazine ne soit pas substituable.
La journaliste d'investigation Anne Jouan publie, jeudi 15 septembre, La Santé en bande organisée (Robert Laffont). Elle y raconte notamment comment elle a enquêté sur l'affaire du Mediator au Figaro et les entraves, y compris internes, qu'elle a dû surmonter. Extraits exclusifs.