l'élection présidentielle est deux fois plus couverte par les JT qu'en 2002

© Crédits photo : Illustration : Pomka Six

Les JT parlent deux fois plus de la présidentielle qu’en 2002

Les primaires ouvertes alimentent l’intérêt des journaux télévisés pour l'élection présidentielle et bousculent le calendrier médiatique.

Temps de lecture : 5 min

C’est l’élection clé de la Ve République. Ces dernières années, l’élection présidentielle a accru fortement son empreinte dans les journaux télévisés. Depuis 2002, chaque élection suscite, en moyenne, 1 765 sujets dans les principaux JT de 20 heures (comptage du 1er septembre de l’année précédente à la veille de chaque élection présidentielle). Et en l’espace de quinze ans, le nombre de sujets qui lui sont consacrés dans les JT a plus que doublé (x 2,3) !

Le double effet des primaires

Avec les primaires ouvertes, la campagne démarre plus tôt et plus fort, dès l’automne précédent les élections. Les premières sont organisées en 2011 par Les Verts et le Parti socialiste. Conséquence : lors des deux tours des primaires socialistes, le 9 et le 16 octobre 2011, on dépasse les 60 sujets quotidiens liés à l’élection présidentielle. Au total, ces primaires ont représenté 21 % des sujets liés au scrutin de 2012. 

Cinq ans après, les primaires ouvertes se multiplient et prennent de plus en plus de place dans les JT. Elles représentent alors 28 % de l’ensemble des sujets sur l’élection présidentielle. Avec un pic d’intensité à chaque tour des deux primaires : les 20 et 27 novembre 2016 pour la primaire de la droite et du centre, et les 22 et 29 janvier 2017 pour la primaire de la gauche (« Belle alliance populaire »). Le 29 janvier, jour de la victoire de Benoît Hamon, la médiatisation de l’élection présidentielle atteint un niveau record : plus de 70 sujets sont ainsi diffusés.

La présidentielle domine sur France 2

Le podium des chaînes ayant le plus médiatisé les quatre derniers scrutins ? France 2 (1 986 sujets et une diffusion qui a plus que doublé sur la période), TF1 (1 609 sujets) et M6 (1 118 sujets).

Si le JT de 20 h de France 2 couvre à chaque fois le plus l’élection présidentielle, celui de TF1 n’était pas loin derrière en 2017, avec 654 sujets contre 708 — soit un triplement entre 2002 et 2017. La progression la plus spectaculaire revient à M6 : partie de loin (88 sujets en 2002), la « petite chaîne qui monte » a atteint 495 sujets en 2017, soit près de cinq fois plus. C’est un peu moins que le niveau de France 2 en 2012 (531 sujets). « Je pense que la progression est due au changement de formule du "19 : 45", explique Stéphane Gendarme, directeur de l’information de M6. En 2009, nous sommes passés d’un format de six minutes à vingt-quatre minutes actuellement. Le "19 : 45" est aussi devenu un journal incarné, et aujourd'hui, il est l’égal des autres JT de 20 h : notre traitement de l’information a dû s’élargir pour cette raison aussi. La politique passionne les Français, et ces dernières années, c’est peut-être encore plus marqué. »

Vus… mais pas forcément élus 

En 2007 et 2012, ce sont les duos du second tour qui dominent. Nicolas Sarkozy (UMP) et Ségolène Royal (PS) sont au coude-à-coude dans le classement des prises de parole dans les JT du 20 Heures en 2007 : le premier en comptabilise 342 avant le 1er tour, contre 320 pour la seconde.  François Bayrou, le troisième homme de cette campagne, est loin derrière, avec 182 apparitions. Même scénario en 2012 avec François Hollande (PS) et Nicolas Sarkozy : 457 passages pour le président sortant et 408 pour le candidat socialiste, contre 217 pour Marine Le Pen (FN), qui arrivera troisième au premier tour.

Mais apparaître dans les JT ne préjuge pas du résultat électoral. En avril 2002, Lionel Jospin (PS), le candidat le plus vu et entendu lors de la campagne, n’atteint pourtant pas le second tour : c’est Jean-Marie Le Pen (FN), 7e en termes de présence dans les JT, qui se retrouve face à Jacques Chirac (UMP).

En 2012, Eva Joly a bénéficié d’une visibilité comparable à celle de Jean-Luc Mélenchon dans les JT de 20 h. Avec un résultat bien différent : 11,10 % pour le premier, 2,31 % pour la seconde…

En 2017, c’est un trio qui monopolise les plateaux des JT. François Fillon (LR), Emmanuel Macron (LREM) et Benoît Hamon (PS) totalisent un nombre de passages quasiment équivalent (263 pour le premier et 214 ex-aequo pour les autres); ils sont suivis de près par Marine Le Pen (176 passages). On connaît la suite : leur médiatisation importante ne permet pas à François Fillon et Benoît Hamon de passer au second tour. Le premier est mis en examen le 14 mars et manque de peu la qualification, quand le second ne récolte que 6,36 % des voix. Inversement, bien qu’apparaissant deux fois et demi moins dans les JT que François Fillon, Jean-Luc Mélenchon le talonne dans les urnes avec 19,56 % des suffrages exprimés.

Des sondages de plus en plus présents à l’antenne

Au fil du temps, les journaux télévisés parlent de plus en plus des sondages. Ceux commandés ou réalisés par les chaînes (sondages Ipsos pour France Télévisions-Radio France-Le Monde ; M6 avec MSN Actualités…), mais pas seulement. Au total, 84 sujets de JT y sont consacrés en 2017, contre 62 en 2002 (dans le même temps : le nombre de sondages publiés à l’occasion de chaque échéance présidentielle explose : 193 en 2002, 560 en 2017 — un chiffre à analyser avec précaution toutefois, car les périodes de calcul ne sont pas harmonisées par la Commission des sondages (1) .

2012 est un cas à part. De 70 sujets consacrés aux sondages en 2006-2007, on passe à 161 cinq ans après. Une augmentation de 130 % ! Comment l’expliquer ? Par l’organisation des premières primaires ouvertes PS-EELV en 2011, qui ont favorisé la multiplication des sondages ( « une trentaine entre la fin de l’été et octobre 2011 », d’après Pierre Lefébure, chercheur en science politique). Et par un épisode de celle-ci : l’« affaire DSK ». Arrêté le 14 mai 2011 pour une affaire d’agression sexuelle, de tentative de viol et de séquestration, Dominique Strauss-Kahn, favori des sondages, est désormais hors-jeu. Les enquêtes d’opinion cherchent alors à déterminer qui est le mieux placé pour lui succéder. 

Autre facteur clé : la généralisation des sondages sur internet. Cinq instituts ont utilisé ce mode d’enquête, beaucoup moins coûteux, contre un seul pour la campagne de 2007. Une façon pratique de produire davantage de contenus courts sur la présidentielle à moindres frais, souvent dans des brèves sur images de 30 à 40 secondes, note Pierre Lefébure. « L’évocation du sondage dure rarement plus longtemps. C’est un format pratique pour les JT, qui leur a été utile en période d’égalité du temps de parole, et leur donne l’occasion d’aborder l’élection sous un prisme différent. » M6 interroge ainsi son public, sur m6actu.fr (« Dominique Strauss-Kahn a-t-il encore un avenir politique ? », 16 mai ; « Souhaitez-vous que Martine Aubry soit la candidate du PS en 2012 ? », 27 juin…). Un résultat provisoire à « La question du jour » est annoncé le jour même dans le 19 : 45… et le résultat définitif le lendemain dans le 12 : 45. 25 sondages seront diffusés par la chaîne en 2012 dans le 19 : 45.

M6 fait d’ailleurs partie, avec France 2 et France 3, du trio de chaînes dont les JT sont les plus friands d’enquêtes d’opinion.

Les données présentées ici sont issues du Baromètre des JT n°62. Le nombre de "sujets" est comptabilisé, pour chaque élection présidentielle, sur les huit mois précédant l'élection, du 1er septembre à la veille du premier tour.

    (1)

    Pour l’élection de 2002, les sondages ont été comptabilisés du 1er avril 2001 au 5 mai 2002 ; pour celle de 2017, ils ont été comptabilisés de 2015 à 2017.

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