Google AMP
Le
projet Accelerated Mobile Pages de Google lancé début Octobre se distingue clairement des précédents. Quand Facebook, Snapchat et Apple poussent les éditeurs à confier leurs contenus pour qu’ils soient hébergés et distribués
via des applications optimisées pour le mobile, Google prend, lui, le chemin inverse : il propose une nouvelle version du langage HTML allégée, permettant ainsi un affichage rapide des pages web. Le but avancé est d’aider les éditeurs à optimiser leur contenu pour un accès mobile mais sans passer par une application dédiée. Il s’agit notamment de
limiter l’utilisation de JavaScript qui alourdit considérablement les pages web. L’autre différence entre AMP et les autres initiatives présentées plus haut est qu’il ne se fonde pas sur une boîte noire technologique mais suit la logique Open Source. Ce qui signifie que le code est librement consultable et modifiable. De plus, l’utilisation de cette nouvelle infrastructure de distribution de contenu est gratuite pour les éditeurs qui ne sont pas dans l’obligation de partager leurs revenus publicitaires. Le projet dispose ainsi de nombreux partenaires parmi les éditeurs (le New York Times, Vox Media, le Financial Times, Gannett, Hearst, le Washington et le Huffington Post) mais également parmi les fournisseurs de services en ligne (Twitter, Pinterest, LinkedIn, Chartbeat, Parsely).
Ce projet est une tentative de prise en main par Google de l’évolution du web
Cependant, certains commentateurs critiquent le fait que l’initiative de Google tente d’imposer
une vision alternative du web lui-même. À travers AMP, Google décide quelles technologies et quelles parties de code d’HTML méritent d’exister et quelles doivent disparaître. De ce point de vue, si ce projet paraît au premier abord comme un moyen de défendre le web originel contre la logique de « jardins privés » (
walled gardens) qui est celle de Facebook et d’Apple, il n’en est pas moins une tentative de prise en main par Google de l’évolution du web, à l’image de ce qu’avait essayé de faire Microsoft eu début des années 2000.
Du point de vue de la stratégie de Google, il s’agit de favoriser ce qu’il appelle l’ « open web », par opposition aux application mobiles. En effet, le modèle économique de Google est très dépendant de la publicité présente sur le web. Tout contenu distribué par le biais d’une application dédiée échappe donc à son moteur de recherche et ne peut pas être « monetisé » à travers ses liens sponsorisés. En optimisant les pages web pour le mobile de manière simple, Google espère ralentir la tendance qui voit
les éditeurs de plus en plus dépendants des applications et des plateformes propriétaires qui les hébergent. On peut en déduire qu’il s’agit là d’un signe de faiblesse face à l’évolution des usages sur mobile de la part de l’acteur qui a tenté le premier à acquérir une position dominante dans l’infomédiation de l’actualité avec Google News. Or, l’importance stratégique que Google accorde aux médias est également perceptible dans la dernière annonce de la firme appelée
Digital News Initiative. Il s’agit d’un fonds doté de 150 millions de dollars destiné à financer des propositions innovantes dans le domaine du journalisme. Ce fonds est apparemment conçu sur le modèle de
celui que Google a mis en place en France en 2013. Ainsi, on trouve à sa tête Ludovic Blecher, ancien de
Libération, qui préside également le
Fonds pour l’innovation numérique de la presse. Cette manne financière est susceptible de permettre à Google de régulariser ses relations avec les éditeurs, qui demeurent très tendues dans de nombreux pays européens comme l’Allemagne et l’Espagne.