Révolution numérique : succès et échecs des industries créatives
À l’heure du numérique, quelles sont les mutations des stratégies et des modèles économiques dans le secteur de la culture ?
À l’heure du numérique, quelles sont les mutations des stratégies et des modèles économiques dans le secteur de la culture ?
Confrontées à une vague d’innovations et d’expérimentations en lien avec les nouvelles technologies, les industries culturelles doivent s’adapter. Les succès récents de Google, Amazon ou Netflix, contrastent de manière très vive avec les échecs retentissants de Kodak, Blockbuster et de beaucoup d’acteurs du secteur musical. Comment est-il possible d’expliquer la réussite des uns et les difficultés des autres ?
En s’appuyant sur ses précédentes expériences dans le domaine de la musique (Universal Music, Sony Music) et de la télévision (M6), Emmanuel Durand, actuellement vice-président de Warner Bros en France, montre que dans un contexte mouvant, où des évolutions technologiques sont à l’œuvre, la force des entreprises qui réussissent aujourd’hui est à trouver dans leur capacité à mener des stratégies hybrides. À la différence d’une logique monolithique, qui consiste pour une structure à camper sur les mêmes positions et à rester fidèle à son mode de fonctionnement d’origine, l’hybridation tend à aller dans le sens des pratiques de consommation et de production qui se développent dans l’univers numérique.Les producteurs de musique ont fait l’erreur d’ignorer que leur métier, c'est de faire connaître des artistesS’il est vrai que le numérique apporte un certain nombre de changements, les entreprises engagées sur les marchés culturels doivent également être en mesure de les accueillir. À ce titre, l’exemple de Kodak est édifiant. Emmanuel Durand raconte comment en 1975 un jeune ingénieur invente au sein de l’entreprise la première photo numérisée, d’une qualité très sommaire et à partir d’un appareil particulièrement lourd. À l’époque, l’invention n’est pas jugée digne d’intérêt et Kodak décide de se lancer dans la photographie numérique seulement en 1995. Le virage technologique est raté et le géant américain ne peut faire autrement que de déclarer faillite en 2012. Pour éviter de passer à côté d’innovations de rupture, qui mettent à l’épreuve tout à la fois les logiques financières, les stratégies de développement et les techniques de management, les entreprises doivent sortir des schémas établis tout en ne perdant pas de vue leurs missions essentielles. C’est ainsi que les producteurs de musique ont fait l’erreur « d’ignorer que leur métier n’était pas de fabriquer des disques mais de faire connaître des artistes ». Pendant longtemps, ils ont cherché à défendre un support à rebours des modes de consommation qui se développaient rapidement avec le numérique.