Une relance par la nouveauté engendre le succès : de 1966 à nos jours
En 1966 un nouvel actionnaire, l’homme de presse Jean Prouvost, rompu à l’exercice de relancer des journaux populaires : France Soir, le Figaro, Paris Match, Télé7 jours, entre au capital de la CLT, devient administrateur délégué et se lance dans l’aventure radiophonique. Jean Farran, un journaliste venu de la direction de Paris Match transforme de fond en comble la grille des programmes.
Tous les feuilletons sont supprimés, le service des informations subit un profond bouleversement : tout change jusqu’au nom de la station avec le lancement de RTL. La radio d’après-guerre a vécu. Le rajeunissement est spectaculaire. Un animateur des Radios pirates est engagé : Rosko pour concurrencer l’émission « Salut les Copains » d’Europe n°1. Menie Grégoire innove avec un genre radiophonique reposant sur les conversations téléphoniques abordant toutes les questions de société concernant les femmes. Elle est la première à aborder la question de l’homosexualité mais se heurtera à un refus réitéré de la direction de la station d’aborder la question de l’avortement. Dans un tout autre genre, un Jean Yanne mulitplie les facéties à l’antenne, allant jusqu’à produire un film dénonçant en 1972 cette nouvelle vague radiophonique dans Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.
L’information s’ouvre à de nouvelles formes avec le « Journal inattendu ». Pour la première fois une personnalité de la société civile, artiste, scientifique, professeur, ou encore appartenant au milieu du cinéma joue le rôle de rédacteur en chef d’un journal d’information. Cette trouvaille de Jean-Pierre Farkas s’inscrit dans une grille qui joue sur un ressort : l’interactivité. L’auditeur est invité à prendre la parole pour commenter l’information, un sujet de société. Dans le domaine de la variété, l’auditeur participe au choix du chanteur c’est la fameuse émission « Stop ou encore ? ».
Autre ressort : prendre acte de la prédominance de la télévision comme média de masse et s’appuyer sur ses vedettes pour nourrir l’antenne. Une speakerine, Anne-Marie Peysson, des journalistes animateurs, Léon Zitrone, Michel Drucker, vont tour à tour être appelés à rejoindre le micro de RTL. De même, des animateurs de radio sont encouragés à rejoindre la télévision et à multiplier les allers et retours : Fabrice, Philippe Bouvard, Jean-Pierre Foucault sont simultanément présents à la radio et à la télévision. Pour caractériser le phénomène, Jean Farran s’exclamait à l’annonce de cette nouvelle stratégie : « Nous allons faire de la radio qui se voit ! ».
Autre force du modèle radiophonique : son indépendance dans le champ de l’information. De par sa situation à l’étranger, l’émetteur luxembourgeois bénéficiait d’un éloignement propice à cultiver cette autonomie. C’est en mai 68 qu’elle s’exprime avec le plus de vigueur à l’occasion de la couverture des événements. Plus tard, un partenariat avec Le Monde lors de la naissance, en 1980, du « Grand Jury » puis les chroniques parfois acides pour le pouvoir de Philippe Alexandre, démontrent par l’exemple l’indépendance de la rédaction toujours soutenue par la direction de la station. En confiant, à partir de 1985, la direction des programmes au journaliste Philippe Labro, l’administrateur délégué, Jacques Rigaud, jusqu’à son départ en juin 2000, ne transigea jamais avec cette valeur cardinale de la station.
Portée par des sondages flatteurs, l’audience témoigne des succès trente ans durant d’une radio populaire, toujours en prise avec la demande sociale de ses auditeurs tout au long de la journée. L’éclosion d’un nouveau paysage radiohonique avec l’arrivée des radios libres au début de la décennie des années quatre-vingt ne perturbe en rien cette suprématie.
Pourtant, à la rentrée de septembre de l’an 2000, ce modèle va commencer à vaciller avant de s’effondrer. En perdant en un trimestre quelques deux millions d’auditeurs, RTL connut la plus spectaculaire chute d’audience d’une radio en Europe. Un véritable accident industriel créé de toute pièce par le renvoi d’un animateur vedette. Philippe Bouvard sut organiser avec maestria une réplique médiatique de haute intensité pour dénoncer sa mise à l’écart en dénonçant une chasse aux seniors. Dès janvier 2001, la station de la rue Bayard, qui avait cru pouvoir anticiper un vieillisement d’audience de l’émission des Grosses têtes dut se résoudre à écarter ses nouveaux dirigeants et rappeler l’animateur à l’antenne en janvier 2001. Celui ci poursuivra sans encombre sa carrière tout au long de la première décennie du XXIe siècle. À l’issue d’un épisode long à cicatriser puisque les auditeurs prirent leur temps avant de reprendre le chemin de RTL. Sans procéder à d’autres changements significatifs depuis lors, RTL devait retrouver en partie son leadership dans le paysage radiophonique d’aujourd’hui, non sans s’assurer un solide relais de croissance avec RTL.fr .