Obstacles et perspectives d’avenir
Le Web Drama dans le monde arabe et le projet Shankaboot en particulier se heurtent à divers obstacles, dont l’inefficacité de la connexion Internet par rapport aux normes internationales, les attaques de pirates (hacking attacks), la censure et le manque de financement des productions locales. En effet, la lenteur de la connexion Internet au Liban par exemple ne permet pas le développement d’épisodes dépassant les 5 minutes chacun. Lors d’une récente entrevue, l’ex-ministre des Télécommunications, Charbel Nahas, avait notamment prévu un essor dans le domaine de la télécommunication et du numérique, grâce à l’aboutissement dans le proche avenir des projets de fibre optique et de la technologie 3G (Third Generation). Il est certain qu’en attendant de régler le problème de la faiblesse du réseau, le Web libanais est devenu un moyen privilégié pour les acteurs politiques, économiques et médiatiques, et notamment pour les jeunes libanais et arabes, de promouvoir leurs institutions et initiatives individuelles et d’atteindre leurs objectifs dont la démocratisation, la justice sociale et le respect des libertés individuelles.
Quant à la censure, elle reste pratiquée par divers gouvernements dans le monde arabe et le Moyen-Orient. Toutefois, elle est souvent contournée comme lors des récentes révolutions populaires dans la région, lesquelles se sont basées en partie sur les médias sociaux, notamment Facebook et Twitter. En ce sens, les producteurs de Shankaboot qui ont parfois eu affaire à des tentatives de censure de la part de certaines autorités gouvernementales – hormis celles libanaises – ou des tentatives de piratage, ont pu y faire face en comptant, selon Tony Ovry, sur « leur imagination », dont la dissémination des épisodes sur plusieurs plateformes comme Youtube et la blogosphère, les techniques de contre-piratage, et l’adaptation du contenu des ateliers pour jeunes aux normes des pays concernés.
Par ailleurs, l’imagination, voire la créativité, constitue selon les producteurs de Shankaboot – et bien d’autres jeunes libanais et arabes versés dans le Digital Storytelling –, un défi majeur face à l’importation de programmes turcs et sud-américains dont les frais de doublage en arabe restent inférieurs à ceux d’une production locale de qualité. C’est aussi le cas pour les programmes de téléréalité (Reality TV), surtout face aux programmes populaires lesquels, comme Super Star et Star Academy Arab World, sont importés et diffusés par satellite aux téléspectateurs, du Maroc à l'Irak.
L'acteur principal de la série, Assan Akil (Suleiman).
Photo prise lors d'un tournage.
En effet, la question du financement des productions locales indépendantes reste entière. L’adossement à de grands groupes de médias arabes, prêts à investir dans des projets qui représentent pour eux un formidable levier marketing afin de capter de nouvelles audiences, n’est pas exempt d’une perte d’autonomie et de liberté d’expression. Ainsi, il est à craindre une perte de valeurs en terme d’innovation narrative et de valeur éditoriale, comme c’est le cas d’ailleurs du
digital storytelling produit par des marques dont l’objectif premier est de servir les intérêts de ces dernières –à moins qu’elles ne soient pas à l’origine du processus créatif, mais associent leur image à l’expérience transmédia proposée au public.
Selon Toni Ovry, «en dépit de tous ces obstacles, l’avenir du
Web Drama dans le monde arabe semble prometteur, comme en témoigne le succès du projet
Shankaboot et l’impact socioculturel hors-pair qu’il a créé. Toutefois, le mouvement n’en est qu’à son début et il va falloir qu’il prouve à long terme la possibilité de la survie de productions locales transmédia et de nouveaux genres de
storytelling face aux mentalités traditionnelles de l’industrie du divertissement et des médias. Une chose reste certaine : le métier de conteur d’histoires a de beaux jours devant lui, car celles-ci ne manquent pas dans le monde arabe».
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Pour aller plus loin :
- Vidéo présentant le projet
Shankaboot : «
Shankaboot in a Nutshell»
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L'équipe du projet Shankaboot, dont :
• Katia Saleh : productrice
• Amin Dora : réalisateur
Crédits Illustrations :
- Photos de tournage,
Batoota Films
- Affiche présentant Shankaboot,
Shankaboot.com.