Six manières de financer l’audiovisuel public

Six manières de financer l’audiovisuel public

Quelles alternatives au modèle de financement actuel de l’audiovisuel public français ? Du Royaume-Uni au Japon en passant par l’Allemagne et la Chine, tour d’horizon des modèles économiques des télévisions publiques à travers le monde.

Temps de lecture : 4 min

À l’heure où de grands bouleversements s’annoncent au sein de l’audiovisuel public, les observateurs français ont les yeux rivés sur les pays voisins, pour s’inspirer de leurs modes de financement. En Europe comme ailleurs, l’audiovisuel public repose majoritairement sur un financement mixte, alliant ressources publiques et privées.  

 

1/ La redevance

Dans le cadre du service public, la redevance se définit par une contribution liée à l’utilisation d’un service dont seuls les usagers doivent s’acquitter. En France, la contribution à l’audiovisuel public est adossée à la taxe d’habitation et est liée à la détention d’un téléviseur ou d’un dispositif assimilé. En 2017, c’est plus de 3,9 milliards d’euros qui ont été collectés au titre de la redevance télé, soit 89 % du budget de Radio France et 82 % du budget de France Télévisions. Au Japon, la Nippon Hoso Kyokai (NHK) est financée à 97 % par la redevance, représentant un montant de près de 5 milliards d’euros. Cette dernière repose sur la signature d’un contrat de réception audiovisuelle, et elle est payée volontairement par les détenteurs d’un récepteur permettant de recevoir les émissions de la NHK. Selon les chiffres de cette dernière, le taux de foyers s’acquittant de cette contribution (les « contractants »), serait d’environ 75 %, tandis que 99 % des foyers japonais détiennent au moins un téléviseur. Un record mondial. Ce pourcentage de 75 % est toutefois contesté, de nombreux détenteurs de téléviseurs échappant à la redevance sans que des sanctions soient prévues le cas échéant. Le reste des recettes de la NHK provient de la vente de ses programmes.

 

 

 

2/ La taxe

À la différence de la redevance, la taxe est liée à la prestation de service public, indépendamment du fait que le contribuable en ait l’usage. Différents types de taxes coexistent.

Les Allemands ont anticipé l’évolution des comportements liés à la consommation audiovisuelle en remplaçant leur redevance, en 2013, par une contribution forfaitaire universelle, appelée contribution obligatoire à l’audiovisuel public. Cette dernière est rattachée à la taxe d’habitation et non plus à la possession d’un appareil. C’est un peu plus de 7 milliards d’euros en tout qui sont récoltés chaque année via cette taxe, soit un montant de 17,50 euros par mois (215 euros par an) et par foyer fiscal, permettant de financer 22 chaînes de télévision et 67 stations de radio. Cette modification du prélèvement de la redevance a entraîné un surplus de 1,15 milliard de recettes supplémentaires pour la période 2013-2016. La part de la contribution dans les recettes de l’audiovisuel public allemand se situe entre 83 % et 85 %, tandis que celles de la publicité et du sponsoring représentent entre 6 % et 6,8 %.
 

Afin de faire face à la baisse des ressources de son audiovisuel public, provoquée par la fraude fiscale et la désertion de la télévision pour d’autres écrans, la Finlande a remplacé sa redevance par une taxe universelle à caractère proportionnel, adossée à l’impôt sur le revenu. Cette contribution, créée en 2012, est due par tous les contribuables, à hauteur de 0,68 % des revenus du capital et des salaires. Cette taxe n’est pas perçue en dessous de 70 euros et elle est plafonnée à 143 euros par an. Pour les personnes morales, le plafond varie entre 140 euros et 3 000 euros, en fonction du chiffre d’affaires. La contribution, sans lien avec la possession d’un téléviseur, a permis, en 2013, de récolter plus de 460 millions d'euros.
 

Lutter contre l’évasion fiscale et élargir le nombre de contribuables sont également les raisons qui ont motivé la réforme du financement de l’audiovisuel public italien. Depuis 2016, l’audiovisuel public transalpin est financé par un prélèvement automatique mensuel sur la facture d’électricité des foyers. Désormais, tout foyer qui recourt au service d’un fournisseur d’électricité est présumé être détenteur d’un appareil en capacité de recevoir, décoder et visualiser le signal numérique terrestre ou satellitaire, justifiant l’acquittement de la taxe. Ce sont les entreprises de distribution d’électricité qui sont chargées de collecter cette contribution qui s’élève à 100 euros par an.

 

3 / Les dons privés

L’importance des financements privés parmi les ressources de l’audiovisuel public américain fait des États-Unis une exception sur la scène internationale. En tout, ce sont près de 64,2 % des ressources de l’audiovisuel américain qui proviennent de financements privés. La contribution fédérale au financement du Public Broadcasting Service (PBS) et de la National Public Radio (NPR) ne représente, elle, que 16,5 % de leurs ressources, soit moins de de 3 euros par habitant, tandis que 19,3 % de celles-ci émanent des impôts prélevés par les États fédérés. La majorité des fonds de PBS et NPR provient ainsi de financements privés, en vertu du statut hybride de ces groupes audiovisuels, à la fois public et à but non lucratif. Le mécénat d’entreprise finance ainsi la NPR à hauteur de 22 % et se classe en deuxième position de ses sources de financement. Ce type de participation permet à des entreprises d’être associées à certaines émissions par le biais de courtes annonces en fin d’émission. Les subventions et contributions institutionnelles (mécènes hors entreprises, fondations philanthropiques…) représentent, elles, 13 % des ressources de la NPR.

 

4 / La vente des produits commerciaux

En France, depuis le décret « Tasca » en 1990, les chaînes doivent faire produire une grande majorité de leurs téléfilms et documentaires par des sociétés externes. Ces dernières sont détentrices d’une grande partie des droits, ce qui prive les chaînes de la capacité à les revendre. Il en est tout autrement au Royaume-Uni. Si la publicité est inexistante sur l’audiovisuel public britannique et que la redevance représente près de 70 % des ressources de la BBC, une part importante des recettes de la « Beeb » provient de la vente de droits à l’international via BBC Studios (anciennement BBC Worldwide), puisque les chaînes sont propriétaires des programmes qu’elles produisent. Plus de 50 % des contenus de la BBC sont produits en interne, lui assurant des recettes commerciales d’autant plus importantes que les programmes de la BBC s’exportent très bien. En 2017, la BBC a perçu 1,337 milliards d’euros grâce à la vente de ses produits commerciaux, représentant ainsi 23,5% de ses recettes.

 

5 / La publicité

La présence de la publicité sur les chaînes de l’audiovisuel public est régulièrement pointée du doigt par les acteurs du privé qui dénoncent une distorsion de concurrence et un empiétement sur un marché qui leur serait réservé. Ainsi, certains pays comme l’Espagne ont même interdit la publicité sur le service public. Mais rares sont les pays où la publicité est la principale ressource des chaînes publiques. C’est le cas en Chine qui a supprimé en 1990 les aides étatiques au secteur des médias publics. En 2006, les ressources de la China Central TV (CCTV)  provenaient à 90 % de la publicité. Les ressources publicitaires ne cessent d’augmenter, générant des sommes extrêmement importantes notamment à l’occasion d’événements. En 2010, le Gala du Nouvel An chinois a ainsi permis de récolter 70 millions d’euros de revenus publicitaires. Conséquence de ce mode de financement : la marchandisation accrue des programmes télévisuels et la place très importante de la publicité à l’écran.

 

6 / Et peut-être l’impôt?

Au Danemark, une proposition gouvernementale vise à remplacer la redevance audiovisuelle servant à financer la Danish Broadcasting Corporation (DR) par un impôt progressif. À ce jour, la proposition n’a pas encore été étudiée par le Parlement, et son vote est soumis au maintien de l’alliance politique entre le gouvernement et son appui parlementaire, le Dansk Folkeparti. Si cette réforme était votée, elle entrerait en vigueur le 1er janvier 2019 et réduirait de 20 % le budget alloué à la DR.

 

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Crédit photo :
Vertigo3d/iStock

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