Un journalisme qui prend son temps
Le
slow journalism peut se définir par un nouveau contrat passé avec le lecteur. « C’est plus que de la lecture, c’est de l’immersion », s’enthousiasme Amélie Mougey, journaliste au
Quatre Heures, mensuel en ligne à l’aspect attrayant. Le
slow journalism entre en rupture avec le rythme de production et de diffusion de l’information classique. « On essaie toujours d’aller en profondeur [dans l’anayse] des sujets de façon à être à l’opposé d’un média de réaction », revendique Claire Berthelemy de
l’Imprévu, magazine en ligne qui s’est fait une spécialité de traiter les sujets survolés par les autres médias. Des affaires judiciaires aux catastrophes naturelles en passant par les
conflits sociaux, nombreux sont les sujets qui ont fait grand bruit le temps d’un scandale avant de retourner aux oubliettes. C’est ainsi que trois mois après la prise d’un refuge fédéral de l’Oregon par des milices, qui avait fait couler beaucoup d’encre en janvier 2016, le trimestriel anglais
Delayed Gratification a envoyé son photographe prendre le pouls de la région, alors que l’attention médiatique était rapidement retombée.
Aller en profondeur pour traiter les sujets, c’est aussi l’idée cachée dans les plis du
1, un hebdomadaire papier fondé par Eric Fottorino, ancien directeur du
Monde, en 2014. En ne traitant qu’un sujet par semaine,
le 1 veut
« être instructif plutôt qu’exhaustif », à rebours des médias classiques, qui cherchent à couvrir un large éventail de sujets en un temps très court, quitte à en proposer un traitement superficiel. Chaque sujet est expliqué par des écrivains, artistes, chercheurs, pour constituer un spectre d’idées le plus large possible. Pour Manon Paulic, journaliste au
1, ce positionnement est une force : « Ce n’est pas de l’actualité brûlante mais de l’actualité qui dure. On peut prendre du recul et nos textes peuvent être lus plusieurs mois après. La pertinence est toujours la même. »
Ce qui compte, pour se réclamer du slow journalism, ce n'est pas tant le temps de lecture que le temps de confection de l'article, nécessairement long, gage de recul sur les événements, de mise en contexte. Pour Claire Berthelemy néanmoins, l’expression « slow journalism » est un peu galvaudée, comme s’il fallait se réclamer de ce label pour revendiquer une rigueur journalistique.