Téléphonie mobile en Corée du Sud : marché et usages

Téléphonie mobile en Corée du Sud : marché et usages

La Corée du Sud est devenue, au cours des dernières années, un laboratoire des usages de la téléphonie mobile. 
Temps de lecture : 16 min

L’International Data Corporation (IDC) publiait le 6 février dernier les chiffres pour l’année 2011 des parts de marché des différents constructeurs de smartphones au niveau mondial. Bilan : l’américain Apple et le sud-coréen Samsung sont au coude à coude, avec respectivement 19 % et 19,1 % de parts de marché. Samsung écrase ainsi Nokia (15,7 %), Research In Motion (constructeur du BlackBerry avec 10,4 % de parts de marché) et HTC (8,9 %), et comptabilise pour l’année 2011 une augmentation du nombre de smartphones vendus de 275 % par rapport à 2010.

L’incomparable succès de Samsung s’accompagne d’une croissance exponentielle de la demande intérieure en Corée du Sud. Alors qu’en novembre 2009 la Corée du Sud comptait près de 470 000 utilisateurs de smartphones, ce chiffre a dépassé la barre des 20 millions fin octobre 2011, soit une multiplication par 40 en 2 ans.

Sur une population de 49 millions d’habitants en juin 2011, on compte en Corée du Sud 52,23 millions d’abonnés mobiles dont environ 80 % d’abonnés 3G. Cela représente un taux de pénétration des téléphones mobiles de 106 %, ce qui signifie que de nombreux abonnés possèdent plusieurs téléphones mobiles. Le réseau 3G a été lancé en 2003 et de nouveaux investissements viennent d’être faits par les opérateurs pour le lancement de la 4G.

Qui plus est, au premier semestre 2011, la Corée du Sud est le premier producteur mondial de semi-conducteurs D-Ram, le premier producteur de LCD, le premier producteur de téléphones portables et le premier producteur de téléviseurs.

 Depuis 2012, la Corée du Sud est devenue le premier pays au monde à proposer un service 4G Long Term Evolution.  
Enfin, depuis ce début d’année 2012, la Corée du Sud est devenue le premier pays au monde à proposer un service 4G Long Term Evolution via ses trois opérateurs nationaux.
 
Comment expliquer cette brusque montée en puissance de la Corée du Sud sur le marché de la téléphonie mobile ? Comment la Corée du Sud est-elle devenue un acteur incontournable du secteur des télécommunications ? Quelles modifications dans les usages cela a-t-il engendré au niveau national ?

La Corée du Sud : un redressement économique miraculeux marqué par la figure des Chaebols

Si le pays s’est imposé en quelques années comme un acteur mondial incontournable du secteur des nouvelles technologies et des télécommunications, c’est parce que de nombreux facteurs ont permis de favoriser cette situation.

Pour comprendre la réussite de la Corée du Sud sur le plan des télécommunications, il est intéressant de rappeler quelques éléments clefs de l’histoire et de l’économie de ce pays.

En 1960, après 35 ans de domination japonaise (1910-1945) et trois années de guerre civile (1950- 1953), la Corée du Sud est un pays en ruines, avec des ressources naturelles limitées et une industrie inexistante. Le PIB par habitant y est alors inférieur à 100 $ par an, c’est à dire inférieur au PIB de l’époque de l’Iraq ou du Zimbabwe.

En 2010, le PIB par habitant était de 20 759 $. Autrefois l’un des pays les plus pauvres du monde et l’un des bénéficiaires majeurs de l’aide internationale, la Corée du Sud est devenue en un demi-siècle la treizième puissance économique mondiale, membre du G20, et même un pays donateur.

Évolution du PIB de la Corée de 1910 à 2010, en millions de dollars (source Wikip&eacueacute;dia d’après les données d’Angus Maddison).

Si l’aide internationale dont a bénéficié le pays pendant 50 ans a joué un rôle évident dans la remontée spectaculaire de l’économie sud-coréenne, ce redressement est également à mettre sur le compte du dynamisme et de la volonté de sa population, et surtout sur celui d’une implication forte des secteurs public et privé. Les chaebols, notamment, ont joué un rôle pivot dans le développement de la Corée et des nouvelles technologies.
 
Dans les années 1960, le gouvernement sud-coréen conscient des limites du pays favorise largement l’émergence d’entrepreneurs, capables de tirer l’économie du pays vers le haut. Devenus au fil des années de véritables empires industriels familiaux, ces conglomérats industriels (Samsung, Hyundai, Daewoo, LG…), ou chaebols, ont la particularité d’avoir des activités fortement diversifiées et d’être centralisés autour de la famille fondatrice.
 
Les années 1980 marquent l’émergence de ces sociétés familiales, qui copient et améliorent les technologies américaines et japonaises. Dans les années 1990, les chaebols qui avaient longtemps fabriqué leurs produits en OEM (Original Equipment Manufacturer), commencent à mettre en avant leurs propres marques. Tout en améliorant la qualité de leurs produits afin de les hisser aux normes japonaises, ces grands groupes se mettent à investir massivement dans la recherche & développement.
 
La crise financière de 1997 a provoqué l’éclatement de certains grands groupes comme Daewoo. Pour d’autres, comme Samsung Group, LG Corp ou Hyundai-Kia Motor Group, les restructurations financières, les modifications de management ainsi qu’une forte internationalisation ont permis d’avoir aujourd’hui un poids considérable dans l’économie du pays. Selon les statistiques coréennes, les 30 premiers chaebols représentent actuellement près de 90 % du PIB, 40 % de la propriété foncière, et captent 70 % des crédits bancaires.

Un essor des NTIC lié aux investissements conjoints des secteurs public et privé

Plébiscité comme « nouveau moteur de croissance » par le gouvernement sud-coréen, le marché des nouvelles technologies de l'information et des télécommunications est depuis une quinzaine d'années un facteur primordial de la transformation de la vie économique et sociale.
 
D’après la Bank of Korea, entre 30 et 40 % de l’augmentation du PIB du pays est à mettre sur le compte du secteur IT. Le développement de ce secteur repose en grande partie sur le soutien accru du gouvernement par le biais d’investissements publics importants, ainsi que sur les investissements massifs en recherche et développement.
 
Ces derniers, secteur public et privé confondus, représentent 3,37 % du PIB en 2010, contre 0,5 % en 1970. La Corée du Sud se hisse ainsi à la quatrième place parmi les pays membres de l’OCDE. Les trois-quarts de ses activités de recherche et développement proviennent du secteur privé.
 
Part des investissements publics et privés en R&D en Corée du Sud en pourcentage,
et investissement brut total en R&D (public et privé) par rapport au PIB de la Corée du Sud (Source : Ministry of Science and Technology).

Des investissements considérables dans les infrastructures de télécommunications ont été effectués ces dernières années, permettant au pays de se doter d’une infrastructure développée de câbles sous-marins et de satellites, ainsi que de ressources Internet solides permettant de répondre à la demande grandissante en termes de télécommunications. Les performances et efforts des équipementiers (Samsung Electronics et LG Electronics) et des trois opérateurs nationaux (SK Telecom, Korea Telecom et LGU+) ont également été un facteur décisif dans le développement rapide des télécommunications en Corée du Sud.

Les acteurs de la téléphonie mobile : équipementiers et opérateurs

L’évolution rapide de la téléphonie mobile en Corée s’explique en grande partie par la présence des équipementiers Samsung et LG sur le territoire. Par ailleurs, la concurrence entre les trois opérateurs nationaux SK Telecom, Korea Telecom et LGU+ qui se disputent le marché permet un climat favorable aux innovations et à la rapidité du développement des télécommunications.
 
Pour l’année 2011, Samsung Electronics est le premier fabricant mondial de mémoires, de téléviseurs et de téléphones portables et le deuxième fabricant mondial d’écrans plats. C’est également le troisième investisseur TIC mondial en R&D avec près de 4,5 milliards d’euros investis en 2007. Samsung Electronics emploie 95 000 employés en Corée et 100 000 à l’étranger. Son chiffre d’affaires s’élève à 100 milliards d’euros en 2010, soit pas moins de 12,8 % du PIB de la Corée du Sud.

Depuis avril 2011, 20 millions d’exemplaires du Samsung Galaxy S2 ont été vendus dans le monde et le smartphone a reçu le prix de meilleur téléphone (« Best Phone ») au Mobile World Congress, le salon du mobile qui s’est tenu à Barcelone fin février 2012.
 
De son côté, LG Electronics est pour l’année 2011 le premier fabricant mondial d’écrans plats, et le troisième fabricant mondial de téléphones portables. Le groupe emploie 33 000 employés en Corée et 93 000 à l’étranger, pour un chiffre d’affaires de 35 milliards d’euros en 2010, soit 4,5 % du PIB de la Corée du Sud.
 
Le LG Optimus LTE, smartphone LG compatible 4G LTE, s’est écoulé à 600 000 exemplaires en Corée du Sud dans les trois mois suivant son lancement en octobre 2011. Il a atteint fin janvier 2012 le nombre de 1 million d’unités vendues à travers le monde.

De leur côté, les opérateurs de téléphonie mobile sont plutôt de dimension nationale. Korea Telecom (KT), l’opérateur historique, SK Telecom (SKT) du groupe SK, et LGU+ sont à la fois opérateurs de téléphonie fixe et mobile, et fournisseurs d’accès à Internet. La compétition est rude entre ces trois opérateurs, notamment en termes d’infrastructures, de marketing et de services, ce qui profite naturellement aux consommateurs.
 
SK Telecom est actuellement leader sur le marché du mobile, avec une part de marché supérieure à 50,6 %, ce qui représente 25,7 millions d’abonnés. KT arrive derrière avec une part de marché de 32 % et LGU+ 18 %. Ces parts de marché ont relativement peu évolué au cours des 5 dernières années.
 
Pour l’année 2010, le chiffre d’affaires de SK Telecom s’élève à plus de 10 milliards d’euros. KT, le premeir opérateur fixe en Corée, pour sa part enregistre un chiffre d’affaires de 13,8 milliards d’euros, et LG U+, premier opérateur coréen à avoir déployé son réseau 4G LTE au niveau national, 5.3 milliards d’euros.
 
 Les grands groupes des télécommunications essayent désormais de devenir de réelles sociétés médias, pour ne pas rester de simples opérateurs de téléphonie.  
Les grands groupes des télécommunications essayent désormais de devenir de réelles sociétés médias, pour ne pas rester de simples opérateurs de téléphonie.
 
Récemment, le département de SK Telecom dédié aux contenus est devenu une filiale à part entière : SK Planet. SK Planet est en charge de NateOn, premier client de messagerie en Corée, de Cyworld, premier réseau social du pays, de 11th St., un site d’achats en ligne, de T Map, un service de cartographie, et de T Store, une plateforme de téléchargement d'applications pour les appareils mobiles.
 
KT s’est lancé avec un peu de retard sur SK Telecom dans le domaine des médias mais a été le premier opérateur coréen à proposer l’iPhone, axant ainsi son service sur les applications. KT développe de manière agressive ses applications mobiles telles qu’Olleh map, Olleh talk, Olleh music, ainsi que des applications dédiées aux tablettes comme Olleh magazine.
 
LG U+ a de son côté mis en place des services combinant réseau social et informations géolocalisées.

L’arrivée tardive du smartphone et l’adoption précoce de la 4G

Par rapport aux autres pays, le smartphone est arrivée relativement tard sur le marché sud-coréen, mais l’engouement des coréens pour ce nouveau produit a été immédiat.
 
Ainsi, l’iPhone 3GS d’Apple n’est arrivé sur le marché sud-coréen que six mois après son lancement aux USA, soit en novembre 2009. Celui-ci a cependant engendré un véritable « tsunami smartphone », comme l’ont qualifié les experts du marché.
 
Ainsi, en novembre 2009, le pays comptait près 470 000 utilisateurs de smartphones, soit 1,7 % de la totalité des utilisateurs de téléphones mobiles. Depuis le 28 octobre 2011, la barre des 20 millions d’utilisateurs de smartphones a été franchie. Si 4 téléphones mobiles sur 10 sont des smartphones, 80 % des 25 millions de personnes actives utilisent ces terminaux. Le taux de pénétration du smartphone est maintenant plus élevé qu’en Allemagne, qu’en Italie, qu’à Taiwan et est comparable à celui des États-Unis ou de la France qui ont adopté les smartphones sept ans plus tôt que la Corée.
 
En 2011, le nombre total de nouveaux abonnés auprès des trois opérateurs de téléphonie mobile augmentait de 40 000 à 50 000 par jour. D’après GfK Korea, 11 millions de smartphones ont été vendus ces 12 derniers mois, ce qui représente 5,4 milliards $ en valeur. D’autre part, les smartphones représentent 85 % actuellement des ventes en volume de terminaux mobiles.
 
L’influence des chaebols, des investissements massifs en R&D et de la collaboration des secteurs public et privé ont créé un climat favorable à ce développement rapide de la téléphonie mobile en Corée. Mais d’autres facteurs ont permis cette envolée fulgurante des smartphones.
 
 Les coréens sont des « early adopters », c’est-à-dire des utilisateurs de la première heure, particulièrement réceptifs aux nouvelles technologies.  
En premier lieu, les coréens sont des « early adopters », c’est-à-dire des utilisateurs de la première heure, particulièrement réceptifs aux nouvelles technologies. Les choix multiples d’appareils mobiles proposés par les constructeurs nationaux ont bien évidemment eu un impact sur cette explosion du nombre de smartphones.
 
D’autre part, la Corée du Sud est dotée au niveau national d’un réseau Internet haut-débit depuis plusieurs années. Déjà en 2005, 96,8 % des téléphones mobiles avaient un accès Internet. Les connexions Internet y sont les plus rapides au monde, et les bornes wifi se trouvent jusque dans les rames de métro.

Pour finir, à la fin de l’année 2010, la population dans la capitale est de plus de 23 millions d’habitants, soit environ 49 % de la population totale de Corée du Sud. Cette concentration de population permet de focaliser les investissements en termes d’infrastructures et de marketing.
 
Cet engouement rapide et massif pour les smartphones, ainsi que l’augmentation significative de la consommation de données ces dernières années - le trafic de données est actuellement 20 fois supérieur à son niveau de 2009 – ont forcé les opérateurs téléphoniques à accélérer la mise en place des réseaux 4G Long-Term Evolution, ou LTE(1). Cette technologie exige cependant des opérateurs de profondes modifications de leur infrastructure, ainsi que l’installation de nouvelles antennes relais.
 
En juillet 2011, SK Telecom et LG U+ ont tous deux lancé leur service LTE à Séoul, et KT a lancé le sien en janvier 2012.D’après SK Telecom, son trafic de données enregistré en juin 2011 était 19 fois supérieur à celui d’août 2010 ; et cette augmentation devrait continuer avec la progression du nombre de terminaux mobiles.
 
Les trois opérateurs se sont fixés des objectifs agressifs de croissance de leur réseau LTE.
Ainsi, SK Telecom prévoit que son service LTE attirera cinq millions d’abonnés à la fin de l’année, onze millions d’abonnés d’ici 2013 et une quinzaine de millions d’abonnés d’ici 2014. Son service LTE couvre depuis le 1er avril 2012 84 villes majeures de Corée, et 95% de la population.
 
Depuis fin mars 2012, LG U+ couvre 86 villes de Corée du Sud et 99,9% de la population d’après la société. LG U+ vise plus de quatre millions d’abonnés LTE d’ici la fin de l’année, et 10 millions d’abonnés LTE d’ici 2014. Mi-février 2012, le nombre d’abonnés LTE avait déjà atteint la barre du million.

Malgré l’arrivée tardive de KT sur le marché de la 4G LTE, l’opérateur envisage de couvrir 84 villes et plus de 92 % de la population d’ici fin avril 2012, et vise un nombre de 4 millions d’abonnés LTE à la fin de l’année. Cependant, actuellement 10 % des abonnés KT sont responsables de 70 % du trafic de données de l’opérateur. Le trafic de données de KT a augmenté de 700 % entre 2010 et 2011, et l’opérateur met à contribution la totalité de son réseau, y compris les réseaux WiBro, Wi-Fi et 3G. KT a ainsi pris la décision de couper son réseau 2G en mars 2012, afin de libérer la bande de fréquences pour la 4G LTE. En prenant en compte les estimations des trois opérateurs, le pays devrait compter 38 millions d’abonnés LTE fin 2014.
 
Enfin, d’après GfK Korea, les ventes de terminaux compatibles 4G LTE ont représenté, pour le mois de janvier 2012, 42 % des ventes totales de smartphones, soit 10 % de plus qu’en décembre. Pour répondre à la demande, les fabricants ont lancé 47 nouveaux smartphones compatibles LTE depuis septembre 2011.

Des usages innovants : e-commerce, NFC, smartwallet

Cette explosion du mobile a provoqué une réelle modification des usages. En 2005 déjà, la Corée du Sud était l’un des premiers pays au monde dans lequel les mobiles pouvaient recevoir la télévision. Nous sommes maintenant tous habitués à ce que notre mobile soit plus qu’un simple téléphone. Outre le fait de nous en servir pour passer des appels, nous y consultons nos e-mails, prenons des photos, écoutons de la musique, gérons notre agenda et nos comptes etc.
 
En Corée, émergent toutefois de nouveaux usages lies à la prédominance du mobile dans la vie de tous les jours.
 
Fin 2011, Homeplus, le second plus grand distributeur en Corée du Sud, a ainsi lancé un supermarché virtuel dans une station de métro de Séoul, présenté comme le premier au monde de ce type.
 

L’image de 500 produits accompagnés de codes Quick Response (QR) est présentée sur les piliers et des portes de la station de métro. Il suffit aux consommateurs de scanner le code QR des produits pour les commander puis se les faire livrer plus tard dans la journée. De plus, si un consommateur veut par la suite racheter un produit Homeplus, il lui suffit de scanner le code-barres du produit qu’il a déjà en sa possession. Il est ainsi possible de passer une commande via l’application de Homeplus sans avoir à se déplacer jusqu’au magasin virtuel : 35 000 produits sont ainsi disponibles.
 

L’application de Homeplus, lancée en avril 2011, a été téléchargée 900 000 fois depuis. C’est maintenant la première application liée au shopping en Corée. Les ventes hebdomadaires s’élèvent à près de 28 000 $.
 
Les autres grands distributeurs se mettent également à suivre la tendance du mobile, et se tournent vers les applications mobiles et les ventes en ligne pour booster leurs ventes.
 
Récemment, la proportion d’utilisateurs accédant via leurs téléphones mobiles aux principaux portails et réseaux sociaux coréens a augmenté de plus de 50 %. Ce mouvement est favorisé par la multiplication des smartphones et plus largement par le fait que l’accès mobile devient bien plus important que les accès via les ordinateurs portables ou de bureau. Il n’est donc pas étonnant que la Corée du Sud soit l’un des marchés e-commerce les plus matures d’Asie, et que le m-commerce - le commerce en ligne via le téléphone mobile - prenne de la vitesse.
 
37,4 millions de personnes (soit 76 % de la population) utilisent Internet régulièrement, et 7 habitants sur 10 ont déjà fait un achat en ligne. Les ventes en ligne ont augmenté de 21 % au 1er semestre 2011, et le trafic Web sur les smartphones a augmenté de 75 % entre décembre 2009 et décembre 2010. Les ventes en ligne (Business to Consumer, B2C) représentaient près de 11 milliards € en 2010, soit une augmentation de 32,5 % par rapport à 2009. Les transactions professionnelles (Busines to Business, B2B) ne sont pas en reste puisque leur montant s’élevait à 510 milliards €, soit une augmentation de 25,9 % par rapport à 2009.

Le rôle capital de la technologie NFC

L’explosion du mobile en Corée a également un impact sur le développement de la technologie near-field communication ou NFC. Cette technologie sans contact permet l'échange d'informations entre des périphériques jusqu'à une distance d'environ 10 cm, et l’engouement pour les téléphones dotés de cette technologie, qui rend possible le paiement rapide en caisse, grandit.

 
Les 3 opérateurs télécoms forment avec des grands équipementiers – dont Samsung, LG et Pantech -, des compagnies de carte de crédits, et des associations gouvernementales la Grand NFC Korea Alliance, dont le but est de promouvoir le développement des services NFC.
 
Cette alliance a récemment lancé un test grandeur nature de la technologie NFC dans un grand quartier commercial du centre de Séoul. Pendant trois mois, les clients pouvaient ainsi utiliser leur téléphone NFC pour le paiement sans–contact dans les 200 magasins équipés de lecteurs particuliers permettant les transactions de paiement via NFC. Il était par ailleurs possible de passer des commandes dans les restaurants avoisinants par le biais de menus NFC, et de télécharger des vidéos promotionnelles, des coupons et des informations via des « smart posters », des posters intelligents
 
Mais l’usage de la technologie NFC ne se limite pas à des tests de quelques mois. Pour le transit dans Séoul et dans d’autres villes de Corée du Sud, les Coréens peuvent se servir de l’application mobile  « Mobile T- money ». Cette application mobile, est pré-chargée sur les téléphones NFC, permet de se servir du téléphone comme d’une carte de transit. Les puces des téléphones servent ainsi de monnaie électronique. C’est actuellement l’application NFC la plus populaire, avec 1,6 million d’utilisateurs.
 
« Mobile T- money » peut également être utilisée comme moyen de paiement dans certaines supérettes, des cafés Internet, des distributeurs, voire même à la cantine. Il est d’autre part possible via le téléphone de consulter son compte et de recharger ce  « porte-monnaie » électronique. Il n’est ainsi pas rare de voir des parents transférer de l’argent sur le compte T-money de leurs enfants, plutôt que de leur donner de l’argent liquide.
 
Mobile T-money permet également de faire des cadeaux. Il suffit de se rendre sur un magasin en ligne appartenant à l’un des opérateurs mobiles, puis d’acheter une icône représentant un café par exemple, et de l’envoyer à l’un de ses amis. La personne n’a plus qu’à se rendre dans la chaine de café pour obtenir son café en montrant l’icône. De cette manière, chaque jour 70 000 cadeaux mobiles sont ainsi délivrés par les réseaux de SK, de la pizza aux sous-vêtements, en passant par les cosmétiques.
 
Les services NFC liés aux transports devraient continuer à voir le jour dans les années à venir. Pour le moment, 12 000 abris de bus dans la province de Gyeonggi sont d’ores et déjà équipés de tags NFC qui donnent accès aux utilisateurs de transports à des informations de transit sur leur mobile. Dans les rames de métro, certaines publicités intelligentes – les « smart posters »- permettent d’obtenir des informations supplémentaires. C’est l’ère de la publicité interactive. D’après KT, les transports en commun et la publicité devraient être les moteurs majeurs du développement de la technologie NFC en 2012.
 
Les services liés au smart wallet, le portefeuille intelligent intégré au mobile capable de contenir cartes de crédit, cartes de fidélité et coupons de réduction, augmentent également de manière significative.
 
SK Planet a annoncé en novembre 2011 que le nombre d’abonnés au  « Smart Wallet » venait d’atteindre 3 millions, 18 mois seulement après son lancement. Le service est affilié à 108 marques, et ce portefeuille intelligent peut être utilisé dans près de 60 000 magasins dans le pays. Il suffit de télécharger l’application pour que les diverses cartes de crédit et de fidélité se retrouvent embarquées dans le portable.
 
KT a pour sa part lancé son application « olleh myWallet » en octobre 2010. Outre l’enregistrement de différentes cartes de fidélité, l’application recommande également quelle carte de crédit utiliser afin d’obtenir la meilleure réduction. Des coupons pour des évènements promotionnels sont également offerts. LGU+, propose, lui, le « USIM Wallet », un service de portefeuille mobile pour les utilisateurs de smartphones LTE. Il est possible d’enregistrer jusqu’à 10 cartes.
 
Les téléphones compatibles NFC commencent à se multiplier : d’après l’opérateur KT on en dénombrait 5 millions fin 2011 ; et ce nombre devrait atteindre les 20 millions fin 2012, dont 50 % d’utilisateurs actifs de la technologie NFC.
 
La technologie NFC intéresse également d’autres secteurs, tels que les postes, les hôpitaux. Les chaines de cinéma étudient également les utilisations possibles du NFC pour les achats de billets ou de friandises.


Si la téléphonie mobile a explosé en Corée du sud entre 2010 et 2012, c’est parce que toutes les conditions pour que cela se produise étaient réunies. Aujourd’hui, le principal défi de la Corée du Sud est de conserver son avance sur le marché de la téléphonie par rapport à ses voisins japonais et chinois. Les chaebols sont passés maîtres dans l’art de s’inspirer de technologies étrangères et de les améliorer. Samsung Electronics est englué dans de nombreux procès avec Apple concernant d’éventuelles violations de brevets, et il reste encore à la Corée à inventer sa technologie et son design propres.
 
D’autre part, même si des restructurations avaient été engagées suite à la crise de 1997, une modification de l’organisation des chaebols en termes de gouvernance, de transparence et d’innovation restent à faire. Après avoir démissionné de son poste de dirigeant de Samsung en 2008 après un scandale financier, Lee Kun Hee a retrouvé sa place à la tête du groupe en 2010.
 
De plus, mis à part dans certains secteurs dans le domaine des jeux et de l’Internet, il y existe peu de start-ups en Corée. La domination du marché par les chaebols ne favorise pas l’innovation et l’entreprenariat, et les PME peinent à exister dans cette économie dominée par les grands groupes.
 
Enfin, la Corée est le premier pays dont l’ensemble des opérateurs nationaux se lancent dans l’aventure 4G. Des questions se posent, notamment en ce qui concerne la saturation des réseaux. Le nombre de smartphones continuent à augmenter - et avec eux le trafic de données - et il est difficile de prévoir si les réseaux 4G LTE déployés par les opérateurs seront suffisamment solides. Il en va de même pour la technologie NFC : si les téléphones et les services liés au NFC devraient continuer à se développer, il reste à savoir si les consommateurs sud-coréens répondront présent. De nombreux doutes subsistent en effet en ce qui concerne la sécurité des transactions effectuées via cette technologie ce qui freine certains consommateurs.

 
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Crédits photo :
 
- Visuel principal : marketingfacts / flickr
- Graphique « Évolution du PIB de 1911 à 2008 en millions de dollars », Wikipédia, 28 mai 2010.
- Graphique « Long term GERD and private sector R&D investment in Korea » extrait de Anthony BARTZOKAS , «Monitoring and analysis of policies and public financing instruments conducive to higher levels of R&D investments - The “POLICY MIX” Project - Country Review Korea» ,2005, page 5.
- Photo distributeurs Homeplus : Jennifer Rousse-Marquet

Le marché en quelques chiffres

Population sud-coréenne: 49 millions

Nombre d’utilisateurs Internet: 37,4 millions dont 18,1 millions en haut débit
Nombre d’abonnés mobiles : 52,23 millions dont 49,64 millions en 3G
Nombre d’abonnés lignes fixes : 27,155 millions

ARPU mensuel : 33 dollars (Q1 2011)
Taux de pénétration du mobile : 109 %
Nombre de smartphones : Plus de 20 millions

OS utilisées sur les smartphones :
  • Android: 89,3 %
  • iOS(Apple): 8,7 %
  • SymbianOS: 0,88 %
  • Autres : moins de 0,1 %

RÉFÉRENCES

GkF Korea, « Korea’s Smartphone Industry Hits USD5.4 billion Mark »,GfK Retail and Technology Asia, 9 Mars 2012.
 
Lisa HULME-JONES, « South Korea - Telecoms, Mobile, Broadband and Forecasts – Executive Summary », Buddle Comm, 3 Août 2011.

Michael SCHUMAN, « Asia’s Latest Miracle », Time Magazine - World, 15 Novembre 2010.
 
Michael SCHUMAN, « Why South Korea Matters », Time Business, 24 Mars 2010.
 
Alan WHEATLEY, « Reinventing for Success in South Korea », The New York Times – Global Business, 7 Juin 2010.
 
From the print edition, « What do you do when you reach for the top ? », The Economist, 12 Novembre 2011.
 
Sang-Hun CHOE, « In South Korea, All of Life is Mobile », The New York Times - Technology, 24 Mai 2009.
 
Seung Yul KIM, « Top 3 Korean Telecommunication Companies : A Rare Look into their Strategies and Competition », Advanced Technology KOREA, 19 Octobre 2011.
 
Basharat ASHAI, « Maravedis : South Korean trio set aggressive LTE subscriber targets », Fierce Broadband Wireless, 24 Février 2012.
 
International Telecommunication Union, « Broadband Korea: Internet case Study », Mars 2003.
 
Tony FU-LAI YU, « Coordination and Industrial Organization: South Korea's Chaebols versus Taiwan's Small Enterprises », The Journal Of The Korean Economy, Vol. 1 No. 2, 367-392, 2000.
 
Samsung Electronics, « Samsung Electronics Annual Report 2010 », 2010.
(1)

La technologie 4G LTE est la norme technologique la plus récente en matière de réseaux mobiles, permettant le "très haut débit mobile", soit des transmissions de données à des débits théoriques 5 à 10 fois supérieurs à ceux de la génération précédente. 

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