Tempête sur le marché de la vidéo physique
Les éditeurs de DVD et Blu-ray cherchent de nouveaux relais de croissance pour redonner du souffle à un marché au bord de l’asphyxie.
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Les éditeurs de DVD et Blu-ray cherchent de nouveaux relais de croissance pour redonner du souffle à un marché au bord de l’asphyxie.
L’histoire se répète. Quelques années après celui du disque, le marché de la vidéo est frappé par une grave crise. À tel point que les éditeurs de DVD/Blu-ray tirent aujourd’hui la « sonnette d’alarme ». Au cours des dix dernières années, le chiffre d’affaires réalisé en France par les ventes de « galettes » DVD et Blu-ray a fondu de moitié. Le point culminant avait été atteint en 2004, année au cours de laquelle le marché avait réalisé un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros. Un an après, celui-ci tombait à 1,78 milliard d’euros avant que ne s’enchaînent – exception faite de l’année 2009 – une série de baisses substantielles. En 2013, le marché de la vidéo physique a accusé une baisse de 16,7% en valeur, passant pour la première fois sous la barre du milliard d’euros.
Le marché de la vidéo à la demande n’a pas tenu toutes ses promesses et sa progression n’a pas suffi à compenser la chute de la vidéo physique.En 2012, son chiffre d’affaires était de 252 millions d’euros, et il ne devrait être guère supérieur pour l'année 2013. Des performances bien insuffisantes pour maintenir sous perfusion un marché vidéo dont le déclin peut s’expliquer par la conjugaison de plusieurs facteurs. Certains sont « conjoncturels », souligne Jean-Yves Mirski, délégué général du Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN). En 2013, peu de titres « forts » ont fait leur apparition dans les linéaires des magasins. D’autres années, des sorties vidéo comme Avatar ou Intouchables avaient à l’inverse permis de redonner un peu de souffle au marché. Outre cette absence de « locomotives », la disparition de l’enseigne Virgin Megastore a fragilisé cette année les éditeurs, très dépendants des grandes surfaces spécialisées (GSS). En 2014, ils auront la lourde tâche de parvenir à reconquérir le public dans ces points de vente, mais également dans les grandes surfaces alimentaires (GSA) – comme Carrefour ou Auchan –, où les linéaires se sont réduits comme peau de chagrin au cours des dernières années.
Pour compenser le déclin des ventes de DVD, tous les espoirs se sont portés au milieu des années 2000 sur la haute définition. Deux standards se sont alors affrontés : le HD DVD et le Blu-ray. Au final, c’est ce dernier qui l’a emporté en 2008, non sans mal. Quelques années après, l’heure est aux bilans pour ce format qui n’a pas respecté les courbes de croissance qu’on lui prédisait. En 2013, le chiffre d’affaires du Blu-ray est en recul de 8,5 %. Une grande première pour un segment habitué jusqu’alors à des progressions régulières.
En 2013, le chiffre d’affaires du Blu-ray est en recul de 8,5 %. Une grande première pour un segment habitué jusqu’alors à des progressions régulières.Pour autant, cela signifie-t-il que le marché de la vidéo haute définition est arrivé à maturité ? « Ce marché connaît à l’heure actuelle des difficultés. Mais il reste en valeur supérieur à celui de la vidéo à la demande et il devrait continuer de progresser à l’avenir », observe Jean-Yves Mirski.
Les grands films d’action, d’aventure ou d’animation se prêtent en effet parfaitement au format Blu-ray. Pour des titres moins « spectaculaires » à l’écran, la tâche peut être plus compliquée.C’est notamment le cas pour les comédies. En revanche, on observe que les films de patrimoine et les séries TV commencent à grignoter des parts de marché et séduisent de plus en plus les aficionados du format Blu-ray.
Au cours des dernières années, les éditeurs ont affiné leurs stratégies tarifaires afin de redynamiser un marché atone. À cet égard, les titres de catalogue sont ceux qui ont vu leur prix le plus évoluer dans les linéaires. Et c’est en matière de « décotes » que les changements les plus significatifs se sont produits. Il y a une dizaine d’années, un titre de nouveauté pouvait rester entre six et douze mois au même prix, avant qu’une promotion ne soit effectuée. Ce délai s’est fortement accéléré et il n’est désormais pas rare de voir un film afficher un tarif promotionnel seulement deux mois après sa sortie en vidéo
Les opérations du type « 5 DVD pour 30 euros » ou « 3 Blu-ray pour 30 euros » ont fleuri dans les magasins.Dans un premier temps, elles ont permis de maintenir sous perfusion le marché vidéo. En revanche, leur généralisation – dans les grandes surfaces spécialisées (GSS) mais aussi les grandes surfaces alimentaires (GSA) – a eu pour effet à moyen terme de dégrader le prix des titres de catalogue. Un fossé s’est également creusé entre les gros studios, capables d’assumer ces politiques tarifaires agressives, et les éditeurs indépendants, qui sont plus fragiles. La seule solution pour s’en sortir se résume à augmenter le volume des ventes pour compenser la baisse tarifaire.
Ce grand « gavage » a aujourd’hui montré ses limites et, dans les enseignes, certains vendeurs expliquent même voir des consommateurs qui n’arrivent pas à choisir leur 4e ou 5e DVD dans le bac des promotions.De même, nombre de ces DVD/Blu-ray achetés dans le cadre d’opérations multi-buy restent sous plastique dans les étagères de leurs acquéreurs. À l’avenir, il semblerait que certains éditeurs veuillent stimuler le marché du DVD de catalogue en redonnant plus de place aux ventes à l’unité. Dans ce cas, en contrepartie d’une légère hausse de prix, un effort éditorial serait fait par les éditeurs, qui ont dû réduire au strict minimum les compléments éditoriaux et autres bonus dans les éditions proposées en multi-buy.
La fin d’année 2013 a été marquée par l’arrivée en France du standard ultraviolet. Cette technologie ouvre aux éditeurs vidéo de nouvelles perspectives. L’ultraviolet a été lancé en 2011 aux États-Unis et il a depuis déjà tissé sa toile dans de nombreux pays comme le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou l’Irlande. Outre la France, il fait actuellement l’objet d’un lancement en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Il s’agit d’un standard technologique qui permet à l’acquéreur d’un DVD/Blu-ray, ou d’un fichier en téléchargement définitif, de le regarder avec une grande flexibilité. Concrètement, l’usager doit ouvrir un compte en ligne en énumérant douze terminaux sur lesquels le film ou la série pourront être consommés. Il peut s’agir naturellement d’ordinateurs, mais également de téléviseurs connectés, de lecteurs Blu-ray connectés, de tablettes ou encore de smartphones. Une copie du titre est alors stockée en « cloud » et son propriétaire peut ensuite la regarder n’importe où. Il a également la possibilité de la partager avec cinq personnes de son choix, ce qui représente une différence de taille avec les copies digitales qui sont déjà proposées par les éditeurs depuis quelques temps déjà. Aux États-Unis, environ 11 000 titres labellisés UV sont recensés sur le marché. Le consortium DECE (Digital Entertainment Content Ecosystem) porte le standard et compte près de 90 membres, dont la plupart des grands studios américains (NBC Universal, Paramount, Fox, Sony…). Des acteurs majeurs de la distribution physique comme WalMart ou Best Buy sont également rentrés dans la danse. Seul manque à l’appel Disney, qui développe son propre format de copie numérique. Du côté du public, ce DRM Universel bénéficie d’une importante notoriété outre-Atlantique puisque 14 millions de comptes UV étaient déjà ouverts au quatrième trimestre de 2013. En France, le lancement de l’ultraviolet devrait s’effectuer de manière très progressive. Le film Pacific Rim (Warner Bros.) a initié en novembre 2013 le mouvement et la plateforme internet ultraviolet est désormais accessible en version française. Une dizaine de titres labellisés ultraviolet étaient dans les linéaires à la fin de l’année 2013, avant une montée en puissance en 2014.
Incontestablement, l’ultraviolet pourrait s’avérer un relais de croissance pour les acteurs du marché de la vidéo physique, mais également dématérialisée. Sa particularité est de jouer sur ces deux tableaux. Le consommateur peut tout d’abord compléter sa bibliothèque ultraviolet virtuelle en activant les codes ultraviolet des DVD/Blu-ray achetés en magasin. En France, les DVD/Blu-ray que le public a déjà dans son « armoire à DVD » pourront également à terme être rajoutés dans la bibliothèque numérique grâce à des programmes « Disc-to-digital ». Enfin, des fichiers ultraviolet peuvent être achetés indépendamment de tout support physique. À cet égard, le standard ultraviolet devrait donner un « coup de fouet » au marché de la vidéo à la demande, à la peine en 2013.Les fichiers ultraviolet peuvent être achetés indépendamment de tout support physique. À cet égard, le standard ultraviolet devrait donner un « coup de fouet » au marché de la vidéo à la demande, à la peine en 2013.En France, ce marché est porté par la location de fichiers. Moyennant 4 euros environ, le public peut regarder pendant 48 heures en streaming le titre qu’il loue sur une plateforme VoD. Ce prix n’est pas suffisamment créateur de valeur et ne parvient donc pas à compenser la chute des ventes de supports physiques. En revanche, bien qu’ultra-minoritaire à l’heure actuelle, le marché de la vente définitive de fichiers est porteur d’espoirs pour les acteurs du marché. Car les films de nouveautés sont vendus à des tarifs supérieurs à 10 euros. Selon de nombreux observateurs, le téléchargement définitif – également appelé EST (Electronic Sell-Through) – pourrait même à terme se substituer au DVD/Blu-ray. Aujourd’hui, Apple domine à plus de 90 % ce marché de l’EST et l’arrivée du format ultraviolet pourrait changer la donne. Pour ce faire, les éditeurs devront compter sur le soutien des FAI et des enseignes de la grande distribution.
- Baromètre Vidéo CNC-GfK : « Le marché de la vidéo physique en 2013 »
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