TV, 2nd écran, réseaux sociaux : les leçons du South by SouthWest (SXSW)

TV, 2nd écran, réseaux sociaux : les leçons du South by SouthWest (SXSW)

Le South by SouthWest a encore battu des records de participation. Quelles étaient les grandes tendances lors cette édition 2014 ? Comment les industries de la télévision et du jeu vidéo s'adaptent-elles à la consommation croissante de vidéos mobiles ? 
Temps de lecture : 6 min

Du 7 au 11 mars 2014, plus de 30 000 personnes se sont rassemblées à Austin, au Texas, pour les conférences de SXSW Interactive : un monde à part. South by Southwest dépasse encore et toujours son record de participation à chacune de ses éditions et ce depuis 21 ans. On assiste toutefois à une diminution de l’intérêt des « big players » américains au profit d’acteurs étrangers. Le « next big thing », comme le relate le New York Times, peut aujourd’hui venir de la Corée du Sud, de l’Europe ou de l’Afrique.
 
Le succès était cependant incontestable avec des acteurs de renom comme Samsung, Yahoo! et Deloitte. Historiquement, SXSW était pourtant un festival de musique avec des conférences sur les médias, avant de se compléter d’une entité multimédia, écologique et éducative(1).
 
Il est intéressant de savoir que ces conférences dites pour « geeks » ont été fréquentées par plus de 40  % de femmes ; la moyenne d’âge elle était sans surprise de 21 à 34 ans. Concernant la présence étrangère, les Anglais étaient venus en rang serré, imités en cela par les Néerlandais, les Allemands et les Brésiliens. Quant aux Français, ils avaient un pavillon très accueillant dans une des rues adjacentes : la French Tech.  
 
Les conférences dites « interactives » étaient les plus prisées. Et c’est normal au vu de la convergence des genres (audio, vidéo, écrit, jeux) et des supports (TV, mobile, tablettes, médias sociaux et consoles de jeux vidéos). Quelles sont les principales tendances interactives pour 2014 ?

 

« La télévision, c’est n’importe quel écran »

« We are living an exciting time for TV », c’est le message unanime des conférenciers invités par SXSW sur le sujet (AMC, ESPN, Univision, PBS, AOL, Starz, TNT, etc.). Avec cela, on a à la fois tout dit et rien dit.
 
Commençons donc par nous poser la question : qu’est-ce que la télévision ? D’après Ran Haverno, président de AOL Video, pour la génération de nos parents, la télévision est un écran avec une prise au mur, c’est-à-dire raccordé. « Pour mes enfants, poursuit-il, la télévision, c’est n’importe quel écran raccordé ou non ! ».
 
Quel est le bilan aujourd’hui ? Même si la consommation quotidienne, aux États-Unis, reste de 5h04 pour les plus de 24 ans, celle des jeunes de 18 à 24 ans baisse drastiquement à 3h20 par jour. En deux ans, la consommation des jeunes pour le petit écran (« raccordé ») a diminué de trois heures par semaine. Cette diminution s’est sans doute faite au profit du 2nd écran.
 
Près de 200 millions d’Américains ont regardé des vidéos en ligne, tous supports confondus, en janvier 2014. En 2013, la consommation de vidéo sur mobile et tablette aux États-Unis dépasse celle sur ordinateur et correspond déjà à près de la moitié de l’audience de la télévision traditionnelle(2) ! YouTube reste le leader en termes de vidéos vues sur Internet avec 19 milliards, suivi loin derrière en deuxième position et pour un quart de ce volume par AOL (avec 4,7 milliards de vidéos vues(3)).

 
 
Le deuxième écran est une pratique servie par des technologies flexibles, mobiles et rapides. Pour répondre à cette demande non-linéaire, les fabricants ont développé depuis plus de cinq ans la télévision connectée. D’autres offres de supports technologiques indépendantes sont également apparues telles l’Apple TV, Roku, Xbox ou Google Chromecast.
 
La part des télévisions connectées dans les foyers dépassera les 60  % en 2017 avec une progression de la consommation de contenu non-linéaire(4). Des systèmes comme Roku, AppleTV ou Google TV resteront leaders, pour les nouvelles générations, en termes de consommation VOD, surtout si les fabricants (comme Samsung ou LG) ne changent pas leur politique d’interface. L’expérience utilisateur doit être simple et facilitée par un zappeur dépouillé de tous boutons superflus. Ces nouvelles interfaces, comme le mentionne Scott Rosenberg, vice-président du développement commercial de Roku, sont basées sur l’expérience utilisateur PC plutôt que TV. C’est là toute la différence et c’est seulement grâce à ce changement d’optique de la part des fabricants ou des opérateurs qu’une vraie alternative sera proposée en réponse aux systèmes annexes indépendants.
 
Concernant les offres de contenu, Netflix a su séduire le public américain avec son offre flexible, rapide et bon marché (6 euros / mois(5) pour un contenu illimité de vidéo à la demande). Cependant, son système de « push » ou de recommandation n’est pas encore optimal pour l’usage des consommateurs.
 
Concernant l’évolution des offres de contenu VOD, SXSW démontre une fois de plus la convergence des genres. En effet, l’offre de films est aujourd’hui conjuguée à celles de jeux vidéo en ligne. Quelques exemples : Steam et Double Debut, qui proposent des contenus provenant de producteurs indépendants (films et jeux vidéo). Le business model va de l’abonnement à la donation avec un volet caritatif pour Double Debut(6). Ces plateformes devraient se retrouver dans les offres VOD des opérateurs comme une offre à part entière. Cette distribution permettrait alors aux petits producteurs d’exister auprès du grand public et de se maintenir en vie par un biais direct et transparent. Ce serait un accord gagnant-gagnant de part et d’autre, pour l’industrie, les sociétés de télécommunications et les consommateurs. Cependant, les décodeurs des acteurs historiques supportent-t-ils une telle flexibilité technologique aujourd’hui(7) pour accueillir la dimension « gaming » ?
 
Une autre réponse pour capter l’audience, non pas pour les opérateurs, mais pour les chaînes linéaires cette fois, se trouve dans les réseaux sociaux. Compte tenu de la dispersion de l’attention, les chaînes de télévision linéaire sont contraintes de trouver des systèmes annexes pour récupérer une partie de leur audience. Les outils interactifs sociaux (Facebook, Twitter, Instagram,…) et autres applications dédiées au deuxième écran sont une alternative incontournable.

Le 2nd écran est-il devenu un acteur majeur pour recruter et fidéliser l’audience ?

L’institut de sondage Nielsen a constaté que 85  % des Américains utilisent une tablette ou un smartphone quand ils regardent la télévision. Principalement les 13-24 ans (la « génération Y », également appelée la « génération du millénaire ») et les jeunes femmes sont parmi les plus grands consommateurs du deuxième écran.  91 % des utilisateurs du 2nd écran accèdent à des programmes asynchrones(8) et 50 % d'entre eux se connectent pendant ce temps de visionnage à des médias sociaux.  Le marché mondial de la publicité sur mobile devrait augmenter de 47  % en 2014 :
- Parks Associates prédit que d’ici 2017 le revenu des publicités « in-app » (juxtaposées à l’écran d’une application mobile/tablette) dépassera les 5,6 milliards de dollars.
- Le magazine eMarketer prévoit que d’ici 2017 les ventes directes de biens faites sur mobiles atteindront plus de 100 milliards de dollars.
- Cisco prévoit également que les téléchargements sur nos mobiles seront huit fois plus importants en 2018.
 
D’après Greg Consiglio, président de Viggle, le deuxième écran devrait devenir une industrie de neuf milliards de dollars dans les quatre prochaines années. Viggle est d’ailleurs une des premières applications à récompenser l’audience pour sa fidélité. Le deuxième écran est donc un phénomène et un business incontournable. Mais avec quel type d’offre ?

Quels contenus pour le 2nd écran ?

Le paysage audiovisuel du second écran, en termes de consommation, ressemble à celui-ci en ordre décroissant : YouTube, Netflix Sports (ESPN, etc), HBO Go, Amazon Instant Vidéo, Hulu Plus, ensuite les applications des chaînes de TV. Les chaînes de télévision auraient-elles un terrain à (re)conquérir ? Le succès de ces plateformes tient au fait qu’elles proposent des contenus extrêmement diversifiés (un contenu de niche en général, et libre de droit), à une audience large et internationale avec des longueurs allant de quelques secondes(9) à 2 heures. Étant donné l’utilisation de ces plateformes digitales comme une 2ème télévision, si elle se fait par le biais d’un ordinateur, la les programmes  TV ne devrait pas être compartimentée, découpée en petites unités de temps. Il se peut que l’audience se perde dans les multiples actions requises pour regarder l’entièreté du programme online. En revanche, le contenu regardé sur mobile sera vraisemblablement plus court, compte tenu de l’environnement et du désir d’instantané. Il ne faut donc pas confondre consommation Internet et consommation mobile/tablette.

La conquête de l’audience commence-t-elle aujourd’hui par les réseaux sociaux ?

Erin Dwyer, directrice exécutive du marketing digital chez Starz Entertainment a transformé la série Spartacus en un phénomène dans l’arène du net. Penser digital dès le processus de pré-production : la série Spartacus a ainsi pu se créer une base de fans évangélisateurs avant même la diffusion du premier épisode ! Plus de 3 millions de fans ont liké la page Facebook de la série ; toutes les personnes impliquées dans la production étaient parties prenantes. Les acteurs et scénaristes étaient au premier plan pour alimenter les contenus, alléchants, de la page facebook officielle, avec pour chacun un rôle particulier. « Eventizing » ou optimiser une série en fonction du calendrier : la Saint-Valentin par exemple s’avère plutôt payante (Le héros de Spartacus parle de sa vision de l'amour sur Facebook, et fait dans l’épisode suivant une demande en mariage).
 
Un autre exemple de succès par les réseaux sociaux est Mob City, la première série uniquement diffusée sur Twitter. Le script des épisodes était tweeté pendant 45 minutes. C’est ce qu’on appelle l’ « adaptweetion », adapter un scénario pour pouvoir tweeter. Résultat : 38 millions de tweets. Le succès de cette écriture nouveau genre a permis aux scénaristes de financer la production TV et d’installer leur base de fans. Les barrières sont bel et bien tombées.

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Crédits photo :
Red Stamp / Flickr
nickmikolas / Flickr


(1)

Les autres évènements abordés sont bien sûr la musique, le film (principalement indépendant, en anglais «indie»), l’éducation et l’écologie. 

(2)

Source : eMarketer, août 2013. 

(3)

Source : Comscore Video metrix, septembre 2013. 

(4)

ABI Research, avril 2012. 

(5)

7,99$ 

(6)

Ils reversent une partie de leurs bénéfices à une cause caritative. 

(7)

Voie de retour. 

(8)

L’asynchronisme désigne le caractère de ce qui ne se passe pas à la même vitesse, que ce soit dans le temps ou dans la vitesse proprement dite, par opposition à un phénomène synchrone.

(9)

Vine, racheté par Twitter, est le hit pour les contenus courts, environ 7 secondes. 

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