Un scénariste peut-il tout se permettre ?
Welcome to New York, film d'Abel Ferrara librement inspiré de l'affaire DSK, soulève à nouveau la question de la liberté de création d'un scénariste. Celle-ci est-elle absolue ?
Welcome to New York, film d'Abel Ferrara librement inspiré de l'affaire DSK, soulève à nouveau la question de la liberté de création d'un scénariste. Celle-ci est-elle absolue ?
Le Festival de Cannes 2014 aura été marqué par de multiples interrogations sur la fiction et la réalité. Dès le film d’ouverture consacré à Grace de Monaco, les historiens et la famille princière du rocher se sont émus des multiples libertés scénaristiques présentes dans le film d’Olivier Dahan. Quelques jours plus tard, c’est un film non sélectionné pour le Festival qui a orienté tous les regards. Welcome to New York d’Abel Ferrara, qui revient librement sur l’affaire DSK, a suscité l’indignation des personnalités qui ont inspiré le film. Dominique Strauss-Kahn a annoncé qu’à la différence d’Anne Sinclair il déposait plainte contre les auteurs du film pour diffamation. Ces deux exemples posent une même question : le scénariste d’un film a-t-il tous les droits ?
Il appartient aux juges de déterminer au cas par cas ce qui est privé et ce qui est public.Au-delà d’un certain délai, le droit à l’oubli peut être pris en considération et remettre de l’ombre sur des faits autrefois publics. En ce sens, la Cour d’appel de Versailles a considéré, dans une décision du 14 novembre 2002, que la reprise dans un film de fiction d’un fait divers datant de 1969 pouvait constituer une atteinte à la vie privée d’une des victimes de l’époque. L’atteinte à la vie privée peut donc être constituée pour des faits pourtant reconnus comme publics. Pour éviter des tensions entre droit à l’information et droit à l’oubli, le professeur Christophe Caron propose d’encourager « les auteurs à maquiller suffisamment les personnages et les circonstances du drame en faisant prévaloir la fiction sur la réalité. Et s'ils souhaitent demeurer fidèles à la réalité, il leur appartient alors de demander l'autorisation de la personne concernée à l'époque par ce fait divers ».
Le procès à venir risque d’être savoureux dans la mesure où les auteurs du film tâcheront de prouver l’absence de diffamation en démontrant la vérité des faits contestés par DSK.La diffamation constitue un délit si elle est publique et une contravention si elle est privée. La diffamation est une allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé. Le but est d’empêcher les individus de calomnier leur prochain. La personne poursuivie pour diffamation peut toujours tenter de démontrer la vérité des faits allégués. C’est sur ce fondement que Dominique Strauss-Kahn vient de porter plainte contre les auteurs du film Welcome to New York. Le procès à venir risque d’être savoureux dans la mesure où les auteurs du film tâcheront de prouver l’absence de diffamation en démontrant la vérité des faits contestés par DSK.
La frontière entre la liberté d’adaptation de l’auteur et la dénaturation est parfois complexe à tracer.La frontière entre la liberté d’adaptation de l’auteur et la dénaturation est parfois complexe à tracer au vu des décisions jurisprudentielles. Les juges reconnaissent la nécessité de certaines modifications imposées par le passage d’un art à un autre (roman au cinéma par exemple). La Cour de cassation a ainsi considéré en 2001 qu’une adaptation audiovisuelle du Petit Prince respectait « l'esprit de l'œuvre préexistante et, bien que comportant un apport personnel de l'adaptateur, exigé par la transposition à l'écran, elle reproduisait fidèlement l'intrigue et le caractère du personnage principal ».
La parodie est une des exceptions au droit d’auteur et ne nécessite donc pas d’autorisation de l’auteur de l’œuvre parodiée.
Pour qu’une œuvre relève de la parodie, deux éléments doivent être présents : la parodie nécessite l’intention humoristique (but de l’auteur de faire rire) ; la reprise de l’œuvre ne doit pas entraîner de confusion avec l’œuvre parodiée pour ne pas tomber par exemple dans la concurrence déloyale (parasitisme) ou le dénigrement. Le public doit comprendre qu’il n’est pas en présence de l’œuvre parodiée. À titre d’exemple, le cinéma pornographique donne souvent lieu à des « reprises » d’œuvre existantes : Le dîner de connes, Les visiteuses ou, plus récemment, Jeunes et salope… Ce type de films peut-il bénéficier du droit à la parodie et quels recours peuvent effectuer les titulaires des droits du film revisité ? A priori, les recours juridictionnels sont assez rares et la jurisprudence maigre en la matière. Néanmoins, les juridictions françaises ont rendu quelques décisions intéressantes notamment au sujet d’adaptations pornographiques du livre et du film Tarzan.
La cour d’appel de Paris a ainsi confirmé le 4 juillet 1997 une ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de Paris qui condamnait la société Marc Dorcel à une saisie-contrefaçon en raison du caractère illicite d’une reproduction de l’œuvre Tarzan. La cour note ainsi que « le caractère grossièrement pornographique de l’œuvre contrefaisante était à l’évidence exclusive de toute intention humoristique ». Ici c’est la contrefaçon d’un droit patrimonial qui a été mise en cause. On aurait pu imaginer au surplus une action fondée sur le parasitisme (s’approprier les efforts d’un autre sans en faire soi-même). On peut également imaginer que le droit moral, qui est pour sa part perpétuel, puisse servir de fondement à un recours des titulaires de ce droit. L’auteur peut donc s’opposer à la transformation de son œuvre et a son altération. Les juges condamneront alors la dénaturation de l’œuvre première comme dans l’affaire relative aux Misérables de Victor Hugo.
Pierre-Yves GAUTIER, Propriété littéraire et artistique, PUF, 8e édition, 2012
Généralement, des clauses de garantie sont prévues dans les contrats de production audiovisuelle. D’un côté, le producteur endosse la responsabilité en cas de poursuites judiciaires et, de l’autre, l’auteur s’engage à ne pas porter atteinte à des droits privatifs existants tout en s’engageant à ne pas troubler le droit des tiers.
Le professeur Christophe Caron note ainsi que « le message de l'arrêt est limpide : que ceux qui veulent réaliser une suite d'une œuvre préexistante tombée dans le domaine public se rassurent car le droit moral ne va pas entraver leur liberté de création ! Mais, fort heureusement, cette liberté n'est pas elle-même absolue car la règle de droit n'est que mesure, ce que rappelle fort judicieusement l'arrêt commenté en s'attachant à limiter tout de même la liberté affirmée. »
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