Le profit à tout prix
Désormais, pour les studios, le but est de limiter les risques. Il faut assurer la rentabilité des films, qu’importe leur qualité ou leur originalité. Avec les années et toujours plus d’argent dans les caisses (le box office américain a atteint 11 milliards de dollars en 2012, d’où le titre de l’ouvrage), les patrons de ces grands studios se sont vite tournés vers les financiers de Wall Street et vers des films au potentiel de revenus rapides. « Ils se sont éloignés des films indépendants et de qualités pour spectateurs adultes », explique Anne Thompson. « Ces films demandaient de longues campagnes de promotions pour susciter l’excitation chez le public. [...] Pour les studios, le « donner au public ce qu’il veut déjà » est devenu le nouveau mantra. » Ainsi, depuis les années 1990, on voit se multiplier les films basés sur des produits culturels déjà implantés dans la culture populaire (“mainstream”) : comédies musicales, comics, jeux vidéos, jouets et bien sûr livres.
Car aujourd’hui, la pierre philosophale des majors s’appelle « franchise », ou
« sequel ».
Disney, Warner et les autres ont compris que faire des films autour d’un personnage ou d’un univers déjà populaire était une véritable mine d’or. Car comme l’explique Thompson, les acteurs vedettes, à de rares exceptions près, ne sont plus garants du succès d’un film. Désormais le public s’attache à des univers comme Pandora, la planète du film
Avatar ou à des personnages fictifs comme Tony Stark et son double de métal dans
Iron Man. C’est pour cela que, au cœur des blockbusters, on retrouve justement les super-héros
Marvel et
DC Comics. Le récent succès des
Gardiens de la Galaxie - des héros pourtant peu connus du grand public - est venu confirmer cette tendance avec plus de 100 millions de dollars de recettes en quelques jours aux États-Unis. Le remake des Tortues Ninjas
a fait encore mieux quelques jours après. Plus impressionnant encore :
entre 2016 et 2020, les studios prévoient au moins 20 films inspirés par des comics. L’art de creuser le filon jusqu’à l’épuisement. Et pour cela, rien de mieux que
le Comic-Con, grand rassemblement geek chaque été à San Diego, pour promouvoir les futurs blockbusters et allécher un public de fidèles toujours plus large.
L'équipe de The Avengers 2, venue pour parler du film au Comic-Con, dix mois avant sa sortie.
Mais au-delà des comics, c’est Disney qui a, en termes de franchises, décroché le gros lot.
Après avoir racheté Marvel (
Iron Man, Thor, Captain America, The Avengers…) en 2009, son patron Robert Iger a réalisé le coup de la décennie
en rachetant en 2012 la société Lucasfilm et donc la franchise Star Wars, pour plus de 4 milliards de dollars. Le nouvel opus de la saga, toujours en tournage, s’annonce déjà comme le plus gros événement cinématographique de l’année 2015. Robert Iger expliquait d’ailleurs en 2012 qu’il préférait payer pour une marque préétablie plutôt que de risquer quoique ce soit de nouveau. Ce qui confirme l’analyse d’Anita Elberse dans
son livre Blockbusters, Hit-making, Risk-taking, and the Big Business of Entertainment. Sur les 26 plus gros succès de l’année 2012, seuls sept étaient des créations originales (les autres étant des sequels, des prequels, des remakes, des adaptations de comics…), alors pourquoi ne pas continuer ?
Robert Iger préfére payer pour une marque préétablie plutôt que de risquer quoique ce soit de nouveau
La recette secrète des blockbusters ne marche cependant pas à tous les coups. Disney justement, en a fait les frais avec le cataclysmique
John Carter (250 millions de dollars de budget), qui lui vaudra
la plus grosse perte jamais enregistrée à Hollywood, à savoir 200 millions de dollars. Inspiré du roman à succès
Une princesse de Mars publié en 1917 par Edgar Rice Burroughs, son adaptation n’évoquait pas grand chose aux spectateurs, qui n’ont pas adhéré. Et à l’heure d’Internet, des blogs et des réseaux sociaux, le marketing ne suffit plus à garantir le succès d’un film. Adam Fogelson, d’
Universal, l’a confié à l’auteur : « peu importe les moyens que vous mettez en place pour faire et vendre un film, si les gens n’aiment pas ce qu’ils voient, ils ne viendront pas. » Et pour garder le public dans la salle, il faut lui offrir toujours plus de spectacle. Pour cela, les studios pensent avoir trouver le Graal : le numérique.