Capture d'écran d'un article explicatif du Guardian.

L'un des articles explicatifs du Guardian sur le coronavirus. Au-dessus du titre, un avertissement concernant la date de publication.

© Crédits photo : Capture d'écran The Guardian.

Que faire des infos devenues fausses ? Les gestes barrières du Guardian

La crise sanitaire a conduit le journal britannique à réviser certains de ses principes.

Temps de lecture : 3 min

Les choses étaient si simples avant : sitôt lu, le journal servait à emballer le poisson, à recueillir les épluchures ou à nettoyer les vitres. L’information étant une denrée hautement périssable, la capacité d’oubli du public était une donnée fondamentale. Une édition chassait la précédente et tout le monde s’en accommodait. Les erreurs disparaissaient dans les pelures de pommes de terre.

Ce monde avait ses logiques et sa cohérence. Elles ont été balayées par internet et sa mémoire infinie. Désormais, les articles s’accumulent en ligne, où ils restent théoriquement accessibles pour l’éternité ; et les archives sont devenues des dangers potentiels. C’est la conclusion à laquelle sont arrivés les rédacteurs en chef du Guardian au début du printemps 2020.

Jusque-là, il fallait des circonstances exceptionnelles pour que le journal britannique s’autorise à modifier un article : une erreur manifeste à corriger, une décision judiciaire indispensable à préciser. Pour le reste, le Guardian mettait un point d’honneur à conserver ses articles en l’état, témoins d’un moment, matière sacrée pour les historiens du futur.

Cette règle n’a pas résisté à la pandémie de Covid-19. Impossible de garder en l’état des articles doutant de l’intérêt du port du masque pour freiner la propagation du virus ou ceux expliquant des règles de distanciation devenues obsolètes. Question de « sécurité publique », explique-t-on au siège du journal.  

Premier geste barrière : les « explicateurs » consacrés au Covid-19 sont actualisés régulièrement et la date de publication est modifiée. Ces articles sont souvent des sortes de tableaux de bord (une carte du monde du nombre de malades), des mémos rappelant les règles en vigueur ou des articles de vulgarisation scientifique (comme cette description des symptômes de la maladie).

La carte du monde du nombre de malades.
Le message d'avertissement à la fin de l’article consacré au nombre de malades dans le monde. Capture d'écran The Guardian.

Pacte explicite avec les lecteurs : les infos correspondent à l’état des connaissances à la date affichée. À la fin de l’article, ce message prévient : « En raison de la nature sans précédent et de l’évolution continue de l'épidémie de coronavirus, cet article est régulièrement mis à jour pour s'assurer qu'il reflète la situation actuelle à la date de publication. Toutes les corrections importantes apportées à cette version ou aux versions précédentes de l'article continueront à être signalées conformément à la politique éditoriale du Guardian. » Il s’agit d’empêcher tout malentendu… tout en étant transparent sur les couches de modifications successives.

La question de l’organisation du travail s’est posée. Le rédacteur de l’article initial devait-il veiller sur « son » sujet et s’occuper des mises à jour ? Cette option a été jugée trop contraignante. Les avertissements et les précisions sont ajoutés à la main par les éditeurs de ces formats dès qu’un rédacteur en chef estime que c’est nécessaire, pour éviter tout risque de confusion.

Il arrive aussi qu’un contenu qui a été actualisé très régulièrement pendant des semaines devienne périmé pour de bon. C’est le cas par exemple de la page où l’on pouvait suivre la progression des essais cliniques des vaccins. Désormais, en tête d’article, une note précise que le texte et les graphiques ne sont plus mis à jour. Mais sur ces pages comme sur les autres, est clairement affiché un lien vers le live où sont recensées les infos les plus récentes sur la crise sanitaire.

Le dernier élément de cet attirail anti-confusion avait été conçu avant l’irruption du nouveau coronavirus : en plus du bandeau jaune qui surligne en tête d’article la date de publication des contenus vieux de plus d’un mois, l’année de publication est ajoutée automatiquement sur l’illustration des contenus partagés sur les réseaux sociaux quand ils ont plus d’un an.

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