Une évolution confrontée à de nombreuses révoltes
Les créations en 1997 du Club Averroès, puis celle du Collectif Égalité en 1998, seront rapidement suivies d’un premier coup d’éclat. En 1999, le Collectif Egalité interrompt la cérémonie des Césars. Apparition publique et mise en avant de « l’exclusion raciale » dont seraient victimes les minorités non blanches dans le paysage audiovisuel français. Le problème est posé, médiatisé. Le Club Averroès choisira, lui, de travailler à l’élaboration d’un débat, à travers l’organisation de nombreuses rencontres avec des professionnels des médias. Depuis 2006, le Club remet un rapport annuel, véritable état des lieux et baromètre des évolutions, stagnations ou régressions observées en la matière. Enfin, le Club Averroès se veut force de propositions. Certaines ont d’ailleurs inspiré différentes mesures, accompagné des dynamiques ou conseillé des initiatives.
Parallèlement à cet efficace et inlassable travail de fourmi mené par les associations, la réflexion des entreprises sur leur gestion de la diversité motive, de son côté, quelques signes d’intention : France Télévisions signe dès 2004 la Charte de la diversité, initiée par Claude Bébéar, suite au rapport commandé par l’Institut Montaigne à Yazid Sabeg et Laurence Méhaignerie. Le 07 juillet dernier, quinze nouveaux médias signaient, quatre ans après son lancement, la Charte de la diversité. M6, Europe1, le groupe RTL, Endemol France, Arte France, NRJ Group, Gulli ou encore Direct 8 se sont engagés à intégrer la diversité dans leurs effectifs et leur programmation. Reste que cette charte est une déclaration d'intention sans nécessité (contrairement au Label) de justifier d'un bilan d'action. Six ans plus tard, TF1 reste la seule chaîne à concourir à l’obtention du Label Diversité. Un retard en la matière ? Pas vraiment car le Label, héritier de la charte puis de la mobilisation de certaines entreprises, pose une véritable exigence de résultats, concrets et chiffrés.
Le 26 avril 2004, dans une salle bondée, se tient à l’Institut du monde arabe un premier grand colloque sur la diversité dans les médias à l’initiative du Fonds d’aide et de soutien sur l’intégration et la lutte contre les discriminations (Fasild) , du Haut Conseil à l’Intégration (HCI) et du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
Last but not least, la révolte des banlieues a elle aussi largement contribué à l’accélération d’une prise de conscience, même si les faits restent têtus et peu enclins au changement. Au lendemain des émeutes, le Président de la République convoque les patrons de chaînes : la société française ne serait pas justement représentée sur nos écrans. Le fonds « Images de la diversité », créé début 2007 par Jacques Chirac sur les conseils du Club Averroès, contribue largement à la production d’autres regards, favorise l’expression de nouvelles thématiques : mémoire, immigration, double culture, univers urbains... Cogéré par le Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC) et par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé), présidé par Alexandre Michelin, le Fonds soutient, dans ses deux premières années de fonctionnement (2007 et 2008) 281 projets, dont 95 fictions, 168 documentaires et 6 magazines télévisuels. Les nombreuses associations qui utilisent le canal audiovisuel dans les quartiers en auront cependant peu de retours. Malgré ses incontestables qualités, le Fonds ne saura faire émerger de nouveaux talents déconnectés des sphères culturelles, notamment dans les banlieues. Une véritable dynamique en la matière exigerait une réflexion de fond, pour aller à la rencontre de potentiels éloignés des élites (dans les quartiers populaires, mais pas seulement), une communication ciblée (et donc des moyens adéquats), un soutien dans l’aide à l’écriture de nouveaux projets et la mise en relation avec des maisons de production innovantes. Reste un bilan du Fonds largement positif à quelques exceptions près : le budget annuel demeure loin des 10 millions annoncés par le Président Jacques Chirac (il est, pour 2007 et 2008 cumulés, de 8 655 800 euros). Les diffusions télé restent timides, même si elles progressent en 2009 et 2010 : la qualité des films soutenus pouvait laisser espérer une ouverture plus significative et ce malgré quelques gros succès d’audience, comme pour « Fais danser la poussière », un téléfilm de Christian Faure, diffusé en prime time sur France 2.
Notons que, avant de devenir Acsé, le Fasild avait en son temps créé une commission audiovisuelle fort active et conclu des accords-cadres avec France 3.