Quatre défis majeurs
On soulignera quatre défis majeurs, que le service public de l’audiovisuel du Sénégal doit relever : la crédibilité, le passage à la TNT, les contenus et leur mise ne valeur par la modernité numérique.
- Le défi politique de la crédibilité.Les deux élections présidentielles marquées par une alternance politique — celle de 2000 où Abdoulaye Wade a remplacé Abdou Diouf, et celle de 2012 où Macky Sall l’a emporté — ont permis de renforcer , en principe, le système législatif et réglementaire garantissant l’expression du pluralisme des opinions et l’objectivité du service public. Les créations du Haut Conseil de l’audiovisuel (HCA) et de l’Observatoire national des élections (ONEL) ont joué un rôle majeur dans ce processus. De nombreux textes officiels réglementent cette liberté d’expression, garantie par la Constitution et qui font du Sénégal non seulement un pays démocratique mais aussi l’un des rares à avoir connu à deux reprises une alternance politique relativement paisible.
La RTS est considérée comme un instrument du pouvoir.
Il n’en reste pas moins que la RTS est considérée comme un instrument du pouvoir, soumise à toutes sortes de pressions politiques. Il faut certes relativiser car ces pressions s’exercent également et sans fard à l’égard de la presse écrite et des médias audiovisuels privés. Le directeur général de la société nationale est considéré comme un homme de confiance de la présidence de la République, chargé de relayer les mots d’ordre ; et, pendant longtemps, la place de l’opposition sur les ondes publiques a été réduite à la portion congrue. Le directeur général nommé en 2000 au lendemain de l’élection du président Wade qui avait cru devoir appliquer les promesses d’objectivité de la campagne électorale a été rapidement demis de ses fonctions. Aujourd’hui le signe le plus évident de cette sujétion est la place démesurée accordée sur les antennes aux activités du président de la République. Comme dans d’autres pays d’Afrique, la présidence dispose de ses propres équipes de reportage et fournit clés en mains les sujets, ce qui peut propulser la durée des journaux télévisés de RTS 1 à des longueurs inattendues. D’autres pressions viennent des milieux religieux, en particulier de certaines confréries, ce qui suscite des tensions. Or, l’information au Sénégal comme dans toute l’Afrique, est largement diffusée aujourd’hui par les réseaux sociaux, avec une grande liberté de ton, ce qui est un défi à l’information officielle de la RTS.
- Le défi de la TNT.
Le passage de l’ensemble des télévisions d’Afrique à la TNT, qui doit s’effectuer de 2015 à 2020, afin de respecter les règles édictées par l’Union internationale des télécommunications (UIT), se passe, au Sénégal comme ailleurs en Afrique, dans les plus grandes difficultés. Celles-ci concernent largement la télévision publique. Piloté depuis 2012 par un Comité national de pilotage de la transition audiovisuelle numérique, le processus a été officiellement enclenché le 17 juin 2015. Deux multiplex en clair permettant de diffuser vingt-quatre chaînes ont été lancés, qui seront complétés ultérieurement par deux multiplex cryptés. Il semble cependant qu’à cette date une partie minoritaire du territoire soit couverte (régions de Dakar, Thiès, Diourbel et Ziguinchor) et le nombre de décodeurs mis sur le marché largement inférieur aux prévisions.
Or, la TNT est vue comme un eldorado par les promoteurs de chaînes privées, qui y voient l’occasion de lancer de nouveaux canaux, gratuits ou payants. Des groupes étrangers sont à l’affut. La concurrence va donc s’accentuer. De plus, les chaînes privées peuvent aisément cantonner leur diffusion à l’agglomération dakaroise, la plus peuplée et la plus rentable sur le plan publicitaire, avec des coûts de diffusion très réduits alors que la RTS doit couvrir l’ensemble du territoire. La TNT représente donc pour la RTS un nombre accru de de chaînes concurrentes, générant une pression encore plus forte sur les ressources publicitaires, et des coûts d’équipement techniques importants. Aucune politique sensée d’accompagnement économique, d’information du téléspectateur pour l’informer des changements de fréquence, n’a été mise en place. De facto, la diffusion analogique continue, sans précisions sur le calendrier d’extinction.
Cependant, afin de marquer le lancement officiel de la TNT, une deuxième chaîne de télévision publique, RTS 2, a démarré ses émissions le 17 juin 2015. L’été 2015 est consacré aux émissions religieuses pour la période du Ramadan et à une grille provisoire. Une grille complète doit être mise en place en septembre 2015, avec l’objectif de compléter l’offre de programmes de RTS 1, la RTS 2 étant qualifiée de « chaîne généraliste essentiellement urbaine ».
- Le défi des contenus. Quels contenus pour un service public qui se doit de concilier recherche de l’audience, programmes éducatifs pour des populations en voie de développement, maintien de la pluralité linguistique et expression de l’unité du pays ? La télévision sénégalaise s’est beaucoup appuyée jusqu’à présent sur des sources extérieures (programmes français via CFI, dons divers, barter). Elle doit d’abord mettre en place les instruments de production nationale via la production interne et les coproductions, ainsi que participer à la circulation panafricaine de programmes.
- Le défi de la modernité numérique. L’organisation de la RTS reste très traditionnelle : radio et télévision bien séparées, à chacun sa rédaction et ses programmes. Le site internet fonctionne correctement pour l’information, mais il y a peu de replay et pas VAD (vidéo à la demande), peu d’information sur les programmes, pas de promotion véritable des antennes. Tout reste à faire pour la diffusion sur les réseaux sociaux. La mise en place d’organisations transversales ou multimédia n’est pas encore envisagée.