Évolution du documentaire de 2000 à 2022

En 2000, un documentaire sur cinq était réalisé par une femme. En 2022, cela représentait un tiers des créations (32 %).

© Illustration : montage La Revue des médias

ÉTUDE INA – Comment le documentaire diffusé à la télévision a-t-il évolué en vingt ans ?

À l’occasion de l’édition 2024 du Fipadoc, le festival international du documentaire, l’INA présente une étude inédite retraçant l’évolution de deux décennies de documentaires à la télévision.

Temps de lecture : 5 min

À quoi ressemblent les documentaires diffusés à la télévision depuis vingt-deux ans ? Comment ce type de programme s’est-il transformé au gré des mutations de la télévision ? Pour répondre à ces questions, l’INA a étudié l’évolution du genre documentaire entre 2000 et 2022. Cette étude inédite, présentée lors de l’édition 2024 du Fipadoc, le festival international de documentaires de Biarritz, a été pilotée par Géraldine Poels. La responsable de la valorisation scientifique des collections de l’INA souhaitait « comprendre l’état actuel du documentaire, en prenant la mesure des changements qui avaient affecté tout cet écosystème sur une période assez large. » L'étude intégrale est disponible en cliquant sur l'image ci-dessous.

Capture d'écran de l'étude présentée au FIPADOC

En voici les trois enseignements majeurs, commentés par les professionnels du documentaire.

1. Des réalisatrices de plus en plus nombreuses, mais minoritaires

Dans la continuité des études présentées les années précédentes lors des festivals Fipadoc et Sunny Side of the Doc, l’INA s’est intéressé à la place des femmes dans le milieu du documentaire. On note ainsi une légère hausse de la part de réalisatrices dont les travaux sont diffusés à la télévision. En 2000, un documentaire sur cinq était réalisé par une femme ; en 2022, cela représentait un tiers des créations (32 %).

Les chaînes du service public, dont Arte, gravitent autour de la moyenne des « chaînes historiques* » (les sept premiers canaux) avec 25 % de réalisatrices pour Arte et 27 % pour France 2. « Pour mesurer ces différences entre les hommes et les femmes, on a voulu multiplier les indicateurs », explique Géraldine Poels.

En plus de la proportion de réalisatrices, l’étude met donc en lumière la répartition inégale des « voix du savoir ». En s’appuyant sur INASpeechSegmenter, un logiciel d’analyse acoustique développé par l’INA en collaboration avec l’université du Mans, il a été déterminé, à partir de 3 500 heures de documentaires diffusés en prime time ces cinq dernières années, que les hommes parlent en moyenne 2,2 fois plus de temps que les femmes. Cela concerne autant les voix off que les voix d’experts ou de commentateurs, par exemple.

« Savoir si une femme incarnerait mieux le sujet qu'un homme, c'est vraiment du feeling, détaille Vincent Gazaigne, producteur chez Talweg. On est soucieux d’un certain équilibre, mais c’est vrai que pour les sujets d’histoire, par exemple, il y a beaucoup plus d’historiens pour venir témoigner. » L’écart entre femmes et hommes se fait surtout pour les documentaires autour du sport : 11 % des voix dont le genre est identifié sont celles de femmes contre 89 % d'hommes. Les sujets autour de la santé sont ceux où les femmes prennent le plus la parole.

2. France Télévisions, premier diffuseur de documentaires

Chaque soir, en moyenne, seuls deux documentaires sont proposés en prime time (20 heures-22 heures) sur l’ensemble des sept premières chaînes de la télévision (TF1, France 2, France 3, Canal +, France 5, M6 et Arte). Peu diffusés à cet horaire de grande écoute (qui accueille à peine plus de 5 % de l’offre totale de documentaires sur les canaux historiques), ils sont plutôt visibles pendant la journée, ou alors la nuit.

Les chaînes publiques sont les principaux diffuseurs de documentaires. En réunissant France 2, France 3 et France 5, ces canaux représentent plus de la moitié des documentaires diffusés sur les chaînes dites « historiques ». « C'est le rôle du service public, c’est une mission historique pour le groupe : le documentaire est essentiel pour apporter des connaissances du monde », justifie Antonio Grigolini, directeur des documentaires chez France Télévisions. Toujours sur la période 2000-2022, Arte fait partie des diffuseurs principaux avec 37 % des documentaires.

En 2005, le milieu est bouleversé : la TNT est lancée avec sept nouvelles chaînes gratuites. On note alors plus de 2 500 documentaires supplémentaires par rapport à la quantité proposée en 2000. Pour le producteur Vincent Gazaigne, « la TNT a été une révolution globalement positive pour le documentaire, ça l’a démocratisé. »

En 2012, la télévision voit l’apparition d’un nouveau canal gratuit : RMC Découverte. Cette chaîne diffuse alors 30 % de l’offre totale de documentaire de la TNT.

3. Deux constances : le format 52 minutes et la rediffusion

La baisse du nombre de documentaires diffusés constatée depuis 2019 n'affecte pas les formats proposés. La majorité des documentaires durent en moyenne entre 27 et 57 minutes. « Le format prédominant reste le 52 minutes parce que c'est aussi celui qui circule le mieux à l'international », précise le fondateur de Talweg productions.

Ce format est, depuis 2014, rejoint par les documentaires de 26 minutes et moins qui ont connu une hausse. Parmi eux, on trouve par exemple la collection « Voyage express », diffusée depuis 2015 sur France 5, ou encore depuis 2014, « Un billet de train pour » sur Arte.

Dans son étude, Géraldine Poels a été marquée par la proportion de rediffusions : 80 % des films diffusés l’ont déjà été dans le passé. « On sait que le documentaire est un programme de stock qui permet de remplir les grilles, mais on ne s’attendait pas à ce qu’il y en ait autant. »

Rien de surprenant pour Antonio Grigolini : « Lorsqu’on choisit ce type de programme, il est indispensable qu'on puisse être en mesure soit de le reproposer sur notre antenne, soit de le faire vivre sur une plate-forme pour une période très longue. » Le directeur des documentaires de France TV note que ce sont des projets assez longs à développer, qui ont vocation « à arriver au moins un an après l’acceptation du dossier. »

Sur l’ensemble de la période étudiée, de 2000 à 2022, sur la TNT, la thématique la plus abordée est celle de la vie quotidienne, notamment avec des immersions en milieu professionnel, à l’image des séries Autoroute sous surveillance, diffusées en 2020 sur RMC Story. Sur les chaînes historiques, le documentaire de société apparaît comme majoritaire. Parmi ces œuvres donnant à voir et à comprendre les inégalités socio-économiques, ou encore les questions de religion ou d’éducation, on retrouve par exemple La Grande Histoire du couple, diffusé sur Arte en avril 2007 ou Charité : les coulisses du business, diffusé sur W9 en septembre 2008.

* chaînes historiques : TF1, France 2, France 3 (national), France 5, Arte, Canal +, M6

Ne passez pas à côté de nos analyses

Pour ne rien rater de l’analyse des médias par nos experts,
abonnez-vous gratuitement aux alertes La Revue des médias.

Retrouvez-nous sur vos réseaux sociaux favoris