« Imaginez que nous revenions du futur et que nous sachions ce qu’il se passe en 2050. Quelles questions aimeriez-vous nous poser sur l’information ? » Voici la question que nous avons systématiquement posée en fin d’entretien à la quarantaine de personnalités, évoluant dans l’univers des médias (journalistes, dirigeants), de la prospective, de la recherche, des études, de la défense, de la régulation ou encore de la science-fiction, que nous avons rencontrées entre mi-décembre 2023 et mi-mars 2024. Avec un engagement : ne pas attribuer nommément de citations sans accord préalable, pour permettre la parole la plus libre possible.
Ces personnalités, nous les avons sollicitées dans le cadre du travail de prospective confié à l’INA par les États généraux de l’information. La mission : imaginer des scénarios possibles pour l’information à horizon 2050. Autour d’Agnès Chauveau (directrice générale déléguée), Antoine Bayet (directeur éditorial) et François Quinton (rédacteur en chef de La Revue des médias), se sont associées trois personnalités extérieures à l’INA : Antoine Buéno (essayiste, prospectiviste et conseiller au Sénat), Jérôme Ruskin (fondateur et directeur général d’Usbek & Rica), et Nathalie Sonnac (professeure à l’université Paris Panthéon-Assas et présidente du Conseil d’orientation et de perfectionnement du CLEMI).
Voici quelques-unes des questions que nous ont posées ces experts :
1. « Quelle sera la nature du débat public et de la contradiction ? »
2. « Est-ce qu’en 2050 les gens sauront distinguer le vrai du faux ? C’est pour moi la question fondamentale. »
3. « Est-ce qu’il y a encore des entreprises [de médias] ? Ou est-ce une explosion d’auto-entrepreneurs ? »
4. « C’est quoi l’étape d’après [l’IA] ? »
5. « Quelle est la mesure que nous aurions dû prendre en 2024 ? Pour échapper à ça. »
6. « Est-ce que l’information va encore exister sur un support ? »
7. « J’aimerais bien vous voir revenir avec des étoiles plein les yeux en disant « Ça va être super », et que vous me disiez comment on a fait pour donner de la vitalité à la démocratie, […] comment on a fait pour expliquer aux Français dans quel monde on vit, parce que personne ne le comprend. »
8. « Je voudrais que vous me racontiez à quoi ressemble l’info. Et si les gens sont mieux ou moins bien informés, à quoi ça sert d’être bien ou mal informé ? Comment on vit ? Qu’est-ce qu’on fait ? Moi, je veux tout savoir. »
9. « Je voudrais savoir comment l’information a influé sur le pouvoir politique. À mon avis, le pouvoir politique se servira de plus en plus de l’information. Ce que je voudrais savoir, c’est comment ils s’en serviront. »
10. « Combien ça me coûte ? […] Comment je sais qu’une information est bonne ? »
11. « La première question, c’est comment vous le savez ? Comment vous en êtes arrivé à savoir ça ? Ce qui m’intéresserait le plus, à la limite, c’est sur quoi on s’engueule à propos des médias et de l’information. »
12. « Quelles sont les marques médias qui existent encore ? Combien y a-t-il encore de journalistes ? Et quelle importance les gens continuent à accorder à une information produite par quelqu’un dont c’est le métier ? »
13. « Quelle est la forme des réseaux, leur architecture ? »
14. « Est-ce qu’on sera capable de garantir en 2050 à nos enfants, nos petits-enfants, que l’information qu’ils peuvent écouter ou lire ou regarder gratuitement est une information qui leur veut du bien ? »
15. « La question ultime, c’est l’éducation, la formation. »
16. « J’aimerais savoir quel est le modèle économique des médias qui marchent bien, pour que je puisse m’en inspirer tout de suite. »
17. « Pourquoi vous êtes-vous laissé avoir ? On pouvait changer encore les choses. »
18. « Est-ce qu’il existe encore une information indépendante ? Est-ce que la publicité finance encore les médias de temps en temps ou jamais ? »
19. « Comment peut-on s’informer avec justesse ? »
20. « Comment réussir à maintenir un lien de confiance entre le pouvoir politique au sens large et la population ? »
21. « La première chose que je voudrais savoir, c’est quel est le régime médiatique […]. Je voudrais avoir une idée de ce que les gens consomment et comment ils le consomment. Je voudrais comprendre quelle quantité d’informations est générée par les ordinateurs et les algorithmes, et quelle quantité est générée par les individus. Et je pars du principe qu’il n’y aura presque plus rien qui sera généré par un être humain non augmenté. Je voudrais savoir qui sont mes plus grands influenceurs. »
22. « J’aimerais savoir si quelque chose est encore debout. La façon dont l’industrie de l’information est construite dépend en grande partie de la technologie, mais aussi de l’infrastructure sociale — l’éducation, les chemins de fer, l’alphabétisation — qui a permis les médias de masse. Je serais donc curieux de savoir quels sont les éléments contextuels qui ont changé. »
23. « Pensez-vous que nous aurons encore le sens de ce que l’on appelle les médias ? »
24. « On imagine toujours que les gens veulent des informations personnalisées […] ; [mais] je ne suis pas sûr qu’ils le veuillent. […] L’exemple de Spotify et de l’industrie du cinéma montre que ce n’est pas vrai. Les gens veulent pouvoir zoomer sur des choses très, très pointues, mais ils veulent aussi les choses les plus importantes qu’ils ont en commun avec tout le monde. Et je pense que ce type de fonction sociale et politique de l’information est vraiment important. Je ne pense donc pas que la personnalisation de l’IA va faire disparaître cette fonction. Mais je serais intéressé de savoir si c’est le cas à l’avenir. »
25. « C’est quoi ta source ? »