Un couple regarde la télévision

Le film du dimanche soir a rassemblé en moyenne, en 2023, près de 4 millions de téléspectateurs sur TF1 et près d’1 million sur Arte. Sur France 2, depuis septembre 2023, près de 3 millions. 

© Illustration : Guillaume Long

Le dimanche soir, la télévision fait toujours son cinéma

Alors que la télévision accélère sa transition vers le numérique et que la concurrence des plateformes fait rage, les Français chérissent leur rendez-vous avec le film du dimanche soir. Décryptage.

Temps de lecture : 5 min

Intouchables, La Famille Bélier, Impitoyable… Après leur passage en salles, ils sont tous devenus, à un moment donné, « un film du dimanche soir ». Pilier de la culture populaire grâce à trois chaînes historiques — TF1, France 2 et Arte —, cette case mythique de la télévision demeure incontournable. Pour preuve, en 2023, en moyenne, elle a rassemblé près de 4 millions de téléspectateurs sur TF1 ; près d’1 million sur Arte. Sur France 2, depuis septembre 2023, près de 3 millions.

À l’heure où il n’a jamais été aussi simple de voir un long métrage, à tout instant et sur n’importe quel support, comment expliquer que les téléspectateurs y soient encore fidèles ? Cyril Giraudbit, directeur des antennes de France Télévisions, livre son analyse : « Ce rendez-vous est un repère. Il est ancré dans les habitudes de consommation de la télévision. Et il est situé à un moment de la semaine particulier : c’est la fin du week-end et, pour une grande partie du public, la veille de la reprise du travail. Les téléspectateurs sont dans une sorte de “sas de décompression” et le cinéma répond à une recherche d’évasion, de récit et d’imaginaire. »

Une éditorialisation forte

Ce film du dimanche soir revêt une particularité : il est pluriel. Il n’est pas le même sur TF1, France 2 ou Arte. Sur TF1, place est faite à un cinéma commercial. Sur France 2, davantage à un cinéma d’auteur grand public et à un éventail de genres plus diversifié. Mais, pour ces deux chaînes, un point commun : on voit dans leurs offres une partie assez importante des films français financés par les filiales cinémas des groupes TF1 ou France Télévisions. Elles montrent aussi des films étrangers, contemporains et principalement américains. Leur priorité : proposer de l’inédit en clair ; créer l’événement.

Arte, également soutien du cinéma d’aujourd’hui, met en avant, ce soir-là, des films de patrimoine, français ou d’autres nationalités.

Et, quand vient le temps de périodes spécifiques, comme les fêtes de fin d’année, quelle que soit la chaîne, la case accueille des œuvres de nature différente. Des films de patrimoine, à l’instar de La Grande Vadrouille, peuvent faire leur retour sur TF1 ou France 2.

Ainsi, le dimanche, en prime time, il y en a pour tous les goûts. Par exemple, le 4 février, TF1 diffusera Blacklight, film d’action américain de Mark Williams ; France 2, En Corps, feel-good movie de Cédric Klapisch — tous deux inédits en clair et sortis en 2022 ; et Arte, Inside Man - l’homme de l’intérieur, thriller de l’Américain Spike Lee datant de 2006. Ces offres ont néanmoins un but identique : fédérer un large public. Car le film du dimanche soir, c’est un instant de partage en famille, entre amis, le sujet de discussion du lundi, avec les collègues, à la machine à café.

Un écrin

D’autres chaînes, plus récentes (TFX, C8…), mettent du cinéma au menu le dimanche. Là où TF1, France 2 et Arte se démarquent, c’est dans l’éditorialisation, plus significative. Le film diffusé s’inscrit dans un écrin, à savoir une soirée pensée comme continue et clairement associée au cinéma.

Sur France 2, le long métrage est précédé du talk-show de Laurent Delahousse, « 20 h 30 le dimanche », qui accorde une place conséquente à l’actualité des sorties. Il est suivi d’un magazine sur le 7e art : « Beau Geste ». Instauré en janvier 2023, animé par Pierre Lescure, il est plébiscité. Le 21 mai, il a même battu un record en rassemblant 850 000 téléspectateurs, après la diffusion d’Antoinette dans les Cévennes. Toutes chaînes confondues, cette comédie de Caroline Vignal, qui avait très bien fonctionné à sa sortie en 2020, est le deuxième film le plus vu en 2023. Elle a fait rire 5,6 millions de téléspectateurs. Et, après « Beau Geste », « Histoires courtes », l’espace pour les courts métrages, parachève cette soirée cinéma.

Sur TF1, la case est la seule de la chaîne auquel un nom est apposé, à savoir « Ciné Dimanche », pour qu’elle soit identifiée comme une marque. En deuxième partie de soirée, en alternance avec des séries américaines, on trouve des films inédits, de catalogue, ou des rediffusions de films récemment montrés en prime time par la chaîne. Régulièrement, la Une programme donc des soirées continues.

Sur Arte, l’éditorialisation est également cruciale : « Souvent, on conçoit des cycles ou, après un film, on diffuse un documentaire sur un de ses acteurs ou son metteur en scène, détaille Olivier Père, directeur du cinéma d’Arte France. La meilleure audience d’Arte en 2023, tous programmes confondus, a été enregistrée le 22 octobre, avec Potiche de François Ozon, vu par 2,1 millions de téléspectateurs. Le film faisait partie d’un cycle consacré à Catherine Deneuve qui se déployait sur d’autres de nos cases cinéma et sur notre plateforme Arte.tv. » Il ajoute : « Ce même jour, juste après Potiche, nous avions programmé Catherine Deneuve, à son image de Claire Laborey, qui a signé un très beau score (508 000 téléspectateurs). Ce documentaire inédit a été coproduit par l’unité Arts et Spectacles d’Arte France. » Le 4 février, après Inside Man, Arte rediffusera un portrait de Jodie Foster, la comédienne étant au casting du film de Spike Lee. Ce documentaire, coproduit par Arte, a été réalisé par Camille Juza et Yal Sadat.

« Une case partenaire de la salle »

Si le film du dimanche soir est souvent un film qui a été un succès en salles, il peut être un long métrage qui n’a pas connu une carrière évidente et auquel les équipes de programmation des chaînes donnent une nouvelle chance. Cette stratégie conduit à de belles surprises. En 2023, le film le plus vu sur le petit écran a été Pourris gâtés de Nicolas Cuche. Distribué le 15 septembre 2021 en salles, il avait totalisé 443 000 entrées, un résultat honorable, compte tenu de la période compliquée que traversait alors l’exploitation à cause de la pandémie. Mais, le 30 juillet, sur TF1, il a été visionné par… 5,8 millions de téléspectateurs. Au-delà de cet aspect, pour Grégoire Delarue, directeur des acquisitions du groupe TF1, la case du dimanche soir est « une partenaire de la salle ». Il développe : « Quand Alibi.com 2 est sorti le 8 février 2023, nous avons rediffusé le premier opus le 12. Il a été regardé par 5,3 millions de téléspectateurs [soit le cinquième film le plus vu à la télévision l’année dernière, NDLR]. Alibi.com et Alibi.com 2 se sont portés l’un et l’autre. » De son côté, Alibi.com 2 a réuni 4,3 millions de spectateurs en salles.

Le film du dimanche soir ne risque pas d’être détrôné. Entre 2006 et le début des années 2010, sur TF1 et France 2, des séries américaines ont, selon des programmations différentes, été invitées sur son créneau, la première partie de soirée. Mais elles ne reviendront pas. Les chaînes l’ont bien compris : le film du dimanche soir, c’est sacré.

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