sites du Progès, de La Dépêche du Midi, de La République des Pyrénées et de Nice Matin sur le séisme au Maroc dans la nuit du 8 au 9 septembre 2023

Les angles pour traiter une actualité internationale pour un public local ne manquent pas.

© Crédits photo : captures d'écran Le Progrès / Nice-Matin / La Dépêche du Midi / La République des Pyrénées

Séisme au Maroc : raconter un événement exceptionnel à l’étranger, le défi de la presse régionale

Comment couvrir un événement international lorsque l’on est un journal régional ? Sans bénéficier des mêmes moyens que la presse nationale, les quotidiens régionaux déploient des techniques pour articuler ces actualités à l'échelle locale.

Temps de lecture : 5 min

Avec un bilan s’élevant à plus de 2 000 morts, aucun titre de presse n’est passé à côté. Début septembre, un puissant séisme a frappé la région de Marrakech, au Maroc. Pour couvrir l’événement, la presse régionale a dû s’adapter en vitesse. « Le tremblement de terre a eu lieu dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 septembre ; dès le samedi 7 h 05, je publiais le premier papier grâce à la dépêche AFP », décrit Pierre Peyret, journaliste web à Nice-Matin. « Environ quarante minutes après, j’ai lancé un live. Ça nous permet d’actualiser les informations sans avoir à créer de nouveaux articles. J’ai ensuite prévenu tous les journalistes et la direction que j’étais passé en direct ; si certains avaient des “indiscrétions”, on pouvait les ajouter. » 

Pour nourrir ce type de format en live, les titres de presse quotidienne régionale (PQR) comptent sur leur réseau. Il y a les célébrités locales que l’on sait à l’étranger et qui peuvent témoigner, comme l’a fait Miss Provence 2019, alors en séjour au Maroc, dans La Provence. Mais il y a aussi tous les locaux, les anonymes présents sur place et dont le témoignage peut être précieux. 

Le réseau comme plus-value 

La force de la presse quotidienne régionale est bien là. « C’est en discutant avec le boulanger ou la pâtissière du coin, dont le fils connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un, qu’on réussit à avoir des témoignages », détaille Nicolas Rebière, rédacteur en chef de La République des Pyrénées. « On vit dans les villes et les villages du coin, donc les gens peuvent nous raconter ça directement. »  

Le titre compte aussi sur ses employés qui connaissent des personnes présentes sur place. Journaliste au Progrès, Ismaël Bine raconte : « Lorsque je suis arrivé à la conférence de rédaction le samedi matin, on nous a directement demandé si nous avions des contacts, des amis en vacances au Maroc, de la famille. Et il s’est avéré que je connaissais un couple. » La consigne : « rebondir vite sur l’info avec un prisme local ». Le samedi, à 16 heures, le journaliste publiait alors le récit d’un couple de Stéphanois en vacances à Marrakech lors du séisme. « On essaie de dégager différents angles grâce aux contacts et aux discussions pour trouver un ancrage local pour les articles rebonds du lendemain et du surlendemain. » C’est aussi à ce moment-là que les associations du coin entrent en jeu. « En se mettant en relation avec celles installées dans nos villes, ça nous permet d’avoir des contacts de personnes au Maroc. » 

« Ce qui fonctionne, c'est de trouver une accroche locale »

Certains grands titres régionaux appellent un correspondant, ou envoient un reporter sur place. « On a dépêché un journaliste assez vite, dès qu’on a vu qu’il y avait un vol vers le Maroc le samedi à 15 heures », détaille Olivier Marino, directeur adjoint des rédactions de Nice-Matin. Une initiative réservée aux événements exceptionnels.  « On a fait ce choix en raison du lien particulier entre la France et le Maroc. » Les dernières fois que le titre du Sud-Est a envoyé un reporter, c’était en Turquie en février 2023, après le séisme. Puis en Ukraine, en avril 2023. « Ça demande des moyens assez importants, avec l’assurance, par exemple. En tant que titre de PQR, on a moins l’habitude de régler des frais aussi élevés. » 

Mais ce n’est pas le cas pour tous les quotidiens. « Ce n’est pas parce qu’on est un titre de PQR que nous n’avons pas de correspondant à l'étranger. Nous, nous en avons par exemple en Espagne, en Italie, en Angleterre et même en Asie, revendique Nicolas Moscovici, rédacteur en chef de La Dépêche du Midi. Mais notre particularité, c’est que nous sommes un groupe de plusieurs titres. En envoyant quelqu’un au Maroc, on peut ainsi faire du contenu pour La Dépêche du Midi, L’Indépendant et Midi Libre. »  

Faciliter la solidarité 

Avec une catastrophe naturelle à l’étranger comme celle survenue au Maroc, la presse quotidienne régionale cherche à informer à l’échelle nationale, mais avant tout, à l’échelle locale. « Notre site a une aura nationale. Dans un premier temps, on traite l'info comme n'importe quel journal. On relaie ensuite toutes les initiatives de solidarité qui s'organisent dans nos villes », précise Nicolas Moscovici. « La rédaction du Gers a par exemple recensé toutes les opérations mises en place avec les associations. C’est là, la puissance du maillage de la PQR qui permet de donner toutes les informations aux lecteurs pour qu’ils puissent venir en aide. »  

Pour ces journaux régionaux, c’est le côté pratique qui prime. Dans les rédactions de Nice-Matin, les équipes se sont appuyées sur l’expérience de solidarité mise en place lors de la tempête Alex qui a touché l’arrière-pays niçois en octobre 2020. À l’époque, le journal avait effectué un vrai travail de mise en relation entre les victimes et les personnes souhaitant venir en aide. « Pour le Maroc, on a demandé à tous nos journalistes de faire remonter les informations qu’ils avaient sur le terrain sur les actions mises en place. Ça nous a permis de faire un article condensé pour que ceux qui ont cet élan de solidarité puissent le concrétiser près de chez eux », détaille Olivier Marino.

Faire la une du journal, ou pas ?

Quid du format imprimé ? Faut-il commencer le journal local avec une information internationale lorsque celle-ci est exceptionnelle ? « Pour La République des Pyrénées, l’ouverture du journal est toujours locale. Donc pour faire la une, une information internationale doit avoir une répercussion locale. Et ça, ça dépend si l’on a une forte communauté localement, si l’on a des entreprises locales qui ont des activités à l’étranger. C’est pour cela qu’on a décidé de faire la une de dimanche sur le séisme au Maroc. » L’angle ? « “La solidarité s'organise à Pau”. Il faut qu’on sente une implication dans la vie de nos lecteurs, sur notre territoire. » À Nice aussi, où réside une importante communauté marocaine, « on a dédié la une et le carnet du dimanche au séisme au Maroc. On avait prévu de parler de la Foire aux vins, mais ça a vite été enlevé pour y mettre le dossier de trois pages », explique Olivier Marino. 

Des audiences pas toujours au rendez-vous

Aussi exceptionnel soit-il, un événement survenu à l’étranger n’est pas forcément traité en une. Pour les inondations survenues en Libye quelques jours après le séisme au Maroc, par exemple, la couverture médiatique de la PQR est moindre. « C’est plus compliqué pour nous, on a moins de facilité à couvrir ce sujet, car il n’y a pas forcément de communauté libyenne très structurée localement », justifie Nicolas Rebière. Lorsque l’information tombe, c’est de nouveau grâce aux dépêches AFP que les titres régionaux réussissent à informer leur lectorat. « Ces agences de presse ont des correspondants locaux qu’on n’a pas. L’AFP nous permet de faire le lien dans des pays où nous n’avons personne. »

Mais quoi qu’il arrive, l’attente des lecteurs de ces titres reste la même : de l’information oui, mais surtout locale. Il n’y a qu’à voir les audiences lors du relais d’informations internationales : « Au début [avec le séisme au Maroc], ça a bien marché, mais après quelques jours, on a vu qu’il y avait assez peu d’intérêt », constate Olivier Marino. Selon le directeur adjoint des rédactions de Nice-Matin, le lectorat se tourne tout simplement vers la presse nationale. Presque une semaine après le séisme, il annonçait déjà vouloir « dégager moins de ressources, parce qu’il n’y a pas une grosse appétence de notre lectorat pour ça. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne fait pas d’audience sur ces sujets. Ce qui fonctionne, c'est de trouver une accroche locale. C’est comme cela qu’on peut faire des gros cartons d’audience. »

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