L’Institut Reuters pour l’étude du journalisme publie, ce 14 juin, son rapport annuel sur les pratiques d’information en ligne. L'étude, dirigée par Nic Newman, s’intéresse à 46 pays répartis à travers le monde. Au total, 93 895 personnes ont été interrogées sur leur façon de s’informer. Ses résultats indiquent clairement une défiance importante des publics.
1 — Sur Snapchat, Instagram et Tiktok, l'info passe par les influenceurs
Tiktok est de plus en plus utilisé comme moyen de s’informer — 6 % des sondés dans les pays sélectionnés utilisent Tiktok à cette fin, contre 1 % en 2020. Le phénomène est impressionnant dans les pays du sud : 30 % de la population l’utilise dans ce but au Pérou et en Thaïlande, contre 3 % Allemagne et au Japon. À l’échelle mondiale, 20 % des 18–24 ans passent par l’application Titok pour s’informer, soit 5 points de plus qu’en 2022. Et sur Tiktok — comme sur Instagram et Snapchat — les utilisateurs se tournent davantage vers les influenceurs et les célébrités pour s'informer. Sur Twitter et Facebook, journalistes et médias restent plus suivis dans ce cadre.
La croissance de Tiktok en quelques années est certes impressionnante, mais Facebook reste un géant, même s’il décline : 28 % des personnes continuent de l’utiliser pour s’informer, contre 42 % en 2016. Sur l’ensemble des pays, les médias sociaux ont définitivement dépassé l’accès direct aux sites médias et aux applications — 30 % et 22 %, respectivement, contre 23 % et 32 % en 2018. En France, Facebook, YouTube, Instagram et Twitter restent les plateformes sociales les plus utilisées pour accéder à l’information. Facebook est en tête des services utilisés pour s’informer — 36 %, contre 8 % pour Tiktok.
2 — L’évitement de l’information s’accentue
Les sondés évitent de plus en plus l’information — sur l’ensemble des pays observés, 36 % des interrogés, soit 7 % de plus qu’en 2017, disent souvent ou parfois éviter les actualités, et de façon active. La proportion est la même en France. Parmi les raisons avancées : des articles et contenus trop répétitifs, et un effet émotionnel trop important. 53 % des personnes évitant les informations le font pour toutes les sources (télévision, radio, web…), 52 % limitent leur temps de consultation, par exemple en désactivant les notifications sur leur téléphone, 32 % évitent certains sujets en particulier. En France, et c’est un score qui interroge, seuls 36 % des sondés disent être « vraiment intéressés » par les informations, contre 59 % en 2015.
3 — La défiance vis à vis des algorithmes augmente
Qu’ils soient utilisés par les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux, on se méfie des algorithmes. En 2016, 36 % des sondés estimaient que recevoir des informations sélectionnées sur la base d’autres contenus aimés par le passé via un algorithme pouvait être une bonne chose — ils ne sont plus que 30 % aujourd’hui. Mais c’est quand même une proportion plus élevée comparée aux 27% des personnes qui font confiance à des informations choisies par des humains. En France, cette proportion-là a baissé entre 2016 et 2023, passant de 29 % à 24 %.
4 — La confiance dans les médias s’érode
La confiance dans les informations a baissé de deux points sur l’ensemble des pays depuis la dernière étude. En moyenne, 40 % des personnes interrogées disent faire confiance la « plupart du temps » à la « plupart » des informations qu’elles voient. La Finlande reste le pays avec le niveau de confiance le plus haut (69 %), la Grèce a le niveau le plus bas (19 %).
Le niveau de confiance en France reste très bas (30 %), la plaçant à la trente-huitième place sur les quarante-six pays observés. Dans l’Hexagone, les médias régionaux ou locaux sont ceux à qui les sondés font le plus confiance (61 %). « De nombreux pays dont les scores de confiance sont faibles, comme la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, ont également des médias dont la perception est de plus en plus polarisée politiquement, nous explique Nic Newman, ce qui se traduit par des scores de méfiance relativement élevés pour des marques comme BFMTV [36%] et CNews [32%]. Ceux qui se méfient de CNews, par exemple, sont principalement ceux qui s'identifient à la gauche. Cette méfiance à l'égard de BFMTV s'est accrue après les manifestations des gilets jaunes. Si l'on compare avec un pays moins polarisé comme la Finlande, le pourcentage de ceux qui se méfient de la grande majorité des médias est inférieur à 10 %. »
5 — La moitié des sondés ne veulent pas payer pour l’info
La part de personnes qui paie pour l’info en ligne décroche : sur 20 pays observés, 39 % des sondés expliquent avoir annulé ou renégocié leur abonnement dans le courant de l’année précédente. Les effets sur l’économie de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine sont notamment évoqués pour justifier ces choix.
Quelques exceptions existent cependant : en Suède, la part de sondés payant pour de l’information en ligne est passée de 20 % à 33 % entre 2016 et 2023. Sur la même période, cette proportion est passée de 9 % à 21 % aux États-Unis. En France, elle stagne autour de 11 %. Dans l’Hexagone, parmi celles et ceux ayant répondu ne pas payer pour l’information en ligne :
- 47 % ont expliqué que rien ne pourrait les faire changer d’avis
- 20 % pensent que des prix plus abordables pourraient les inciter à payer
- 13 % paieraient si le contenu était plus intéressant ou pertinent
Dont acte.