Un personnage clé pour les athlètes : l’attaché de presse. Illustration Anne Derenne

L'attachée de presse s'adapte à la personnalité et au sport de chacun de ses clients. Une aide utile pour faire face à la pression des Jeux olympiques. 

© Illustration : Anne Derenne

Attachées de presse d'athlètes : « Je ne suis ni leur maman ni leur psy, mais… »

Pour faire face aux demandes des journalistes, apprendre à dire non, gérer leur communication sur les réseaux sociaux, un personnage clé pour les athlètes : l’attaché de presse. Son rôle se fait d’autant plus crucial en cette année de JO.

Temps de lecture : 4 min

À cent jours des Jeux olympiques de Paris, le para-judoka Hélios Latchoumanaya cherchait une personne pour s’occuper de ses relations avec la presse. « À Tokyo, racontait-il, j'avais reçu très peu de sollicitations médias, même après ma médaille de bronze. Cette année, c'est tout l'inverse, beaucoup de journalistes me contactent, notamment sur les réseaux sociaux, et je ne sais pas gérer. »

Comme lui, les athlètes sont de plus en plus nombreux à s’être entourés, ces dernières années, et plus encore à l’approche des Jeux, d’un attaché de presse ou d’un agent pour faire le lien avec les journalistes. « On est là pour aider les athlètes à gérer au mieux les sollicitations, en fonction de leur calendrier et des demandes des journalistes, mais aussi à donner un sens à leur parole médiatique », détaille Laurence Dacoury, la fondatrice de l’agence Blanco Negro — une pionnière du marketing sportif.

Elle a remporté un appel d’offres pour gérer les « RP » (relations presse) de Teddy Riner puis, grâce au bouche-à-oreille, a épinglé d’autres gros noms du sport français à son carnet d’adresses : le skipper Michel Desjoyeaux, le sprinteur Christophe Lemaitre, le décathlonien Kevin Mayer et, plus récemment, Sasha Zhoya, la nouvelle pépite de l’athlétisme tricolore. Cette fonction, apprise sur le tas, consiste notamment à s'adapter à la personnalité et au sport de chacun de ses clients. De fait, on ne travaille pas de la même manière avec le discret Kevin Mayer et le très expressif Teddy Riner.

« On est dans une machine à laver programmée sur essorage »

Auprès de ces champions, elle contribue à construire leur légende. Comme avec Teddy Riner, blessé juste avant les JO de Tokyo 2021, qui fait le choix de le cacher à ses adversaires jusqu’à la dernière minute. Un documentaire diffusé sur France 2 révélera le rôle important de l’attachée de presse dans cette décision. « Tu ne montres pas que tu es blessé, jamais », lui glisse Laurence Dacoury, avant une interview devant des journalistes japonais. « Je ne suis ni leur maman ni leur psy, mais je leur parle tous les jours, concède-t-elle. Je leur expose les demandes que je reçois et je les conseille. Encore plus cette année, où la pression est décuplée, pour eux, comme pour nous. Ça n'a rien à voir avec ces trente dernières années, c’est un cran au-dessus, on est dans une machine à laver programmée sur essorage. »

Moins habituée aux demandes des journalistes, la fédération de hockey, qui bénéficie d’une fenêtre médiatique inédite avec l’épreuve de hockey sur gazon aux JO, a dû innover. « On a imaginé un process pour que chaque demande presse me soit renvoyée, même celles que les athlètes reçoivent sur les réseaux sociaux, afin de les préserver et de les soulager pour qu’ils se concentrent sur leur préparation », explique Lucie Bou, chargée de communication au sein de l’organisation.

« Je ne veux pas répondre »

Certains membres des équipes de France, moins rompus aux médias que Kylian Mbappé, se sont déjà sentis mal à l’aise face à des journalistes. Avec eux, l’objectif est avant tout de poser un cadre. « Je leur ai transmis trois pages de notes avec des éléments de langage sur différents sujets, notamment les aides qu’ils reçoivent de la fédération et de l’Agence nationale du sport en tant que sportif amateur ou le développement de la discipline. On a aussi précisé qu’ils peuvent dire “je ne veux pas répondre”. Ils ont aussi eu un média training du CNOSF (Comité national olympique et sportif français), trois heures pour se familiariser avec les demandes des journalistes, indique-t-elle. L’idée, c’est de les préparer aux Jeux, où ce sera décuplé, et de les protéger. »

Pour ces athlètes moins médiatisés, les JO sont l’occasion rêvée de se faire connaître du grand public ; mais encore faut-il le faire savoir. Tiphaine Poulain, directrice associée de l’agence Sport Market, se charge de promouvoir ces sportifs « qui ont envie de parler aux médias » auprès de journalistes. « J’épluche ce qui a été fait sur eux, leur histoire personnelle et je les questionne. C’est un peu un travail d’enquête. L’idée, c’est de pouvoir proposer aux journalistes des profils et des angles originaux. »

« Un jeu d’équilibriste »

Lorsque la judokate Chloé Buttigieg — avec qui elle a travaillé pour la police nationale, dont elle gère les RP — s’est dite prête à se livrer sur les violences intra-familiales dont elle a été victime pendant vingt ans, Tiphaine Poulain a cherché « le bon média » et « le bon journaliste » pour en parler. Le fruit de cette collaboration, paru dans L’Équipe Magazine, a depuis reçu le prix de la meilleure interview de l’UJSF (Union des journalistes de sport en France).

« On se dit qu’on a un rôle à jouer dans cette période où le regard est posé sur le sport, observe l’attachée de presse. Elle a noué des relations de confiance avec certains journalistes, qu'elle peut appeler parfois plusieurs fois par semaine pour croiser avec eux des idées de sujets. « C’est un jeu d’équilibriste pour livrer les histoires au bon moment, en fonction de l’état d’esprit des athlètes et des enjeux éditoriaux des médias. »

Dernier défi pour les « RP » : composer avec les réseaux sociaux, où les athlètes peuvent être tentés de raconter eux-mêmes leur histoire. Leur parole y est souvent plus libre, plus instantanée, plus exposée aussi. Il arrive que la maîtrise de leur communication leur échappe… « Un athlète qui met des photos de lui en boîte de nuit sur les réseaux sociaux à l'approche d'une compétition, les médias risquent de lui en reparler après, commente Laurence Dacoury. De plus en plus, il faut qu'on fasse attention à tout ça. »

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