Cet été, à partir du 26 juillet, 20 000 professionnels des médias œuvreront sur les 36 sites de compétition de Paris 2024. Mais pour accéder aux 10 000 tribunes de presse — ou positions photo —, ils devront présenter une accréditation. Celle-ci leur ouvrira aussi les portes des zones mixtes, ces espaces de rencontre entre sportifs de haut niveau et journalistes, qui permettent de réaliser des interviews avec les athlètes. Des stades au centre de presse, ce badge électronique nominatif leur permettra enfin de se déplacer sur tous les sites annexes. Sur les épreuves les plus convoitées, comme la finale du 100 mètres, une accréditation supplémentaire sera nécessaire et attribuée selon la portée du média.
En septembre 2023, le Comité international olympique précisait avoir reçu « cinq fois plus de demandes » que le quota disponible. C’est cette instance qui fixe un quota de badges pour chaque Comité national olympique (CNO). Charge ensuite aux différents comités nationaux de répartir les sésames entre les médias de leur pays. Comme chaque nation hôte, la France est cette fois avantagée. Sur 6 000 accréditations destinées aux journalistes de presse écrite et aux photographes, « 400 ont été réservées pour les médias français », indique Vincent Duluc, président de l'Union des journalistes sportifs français (UJSF), qui a étudié les demandes olympiques en lien avec le Comité national olympique et sportif français (CNOSF).
Même les plus petits
En France, chaque média avait jusqu’au mois de mars 2022 pour informer le CNOSF du nombre d'accréditations souhaitées. Les journalistes pigistes pouvaient aux aussi demander une accréditation, à condition d'être soutenus par des rédactions. L'UJSF a ensuite déterminé, avec le CNOSF, le nombre d’accréditations accordé à chaque titre. Au nom du pluralisme, l'UJSF a contacté plusieurs hebdos nationaux ou quotidiens généralistes pour les inciter à se faire accréditer. « Le CIO encourage le plus grand nombre de médias, donc on a été ouverts à tout, même au petit hebdomadaire tiré à 4 000 exemplaires », dit Vincent Duluc. Y compris aux titres qui d’ordinaire s’ouvrent peu au sport, même si l’intérêt de chaque rédaction pour cette matière a pesé. « L'Équipe a plus d'accréditations que La Voix du Nord, mais il y aura du basket et du hand à Lille, donc on a pris ça en compte. »
« Les accréditations ne sont pas des tickets de spectacle »
« C'est important que ce soient des journalistes d'expérience, qui suivent le travail de leurs confrères, qui étudient ces demandes », plaide Étienne Bonamy, ancien rédacteur en chef à L’Équipe en charge des JO, qui a lui-même examiné les demandes pour Paris 2024 au sein de l’UJSF.
Ce système n'empêche pas les déçus, comme Patrick Montel, retraité de France Télévisions qui rêvait d'obtenir une accréditation pour commenter les Jeux de Paris. « Les accréditations ne sont pas des tickets de spectacle, recentre Étienne Bonamy. J’ai été rédacteur en chef et j'ai couvert six fois la Coupe du monde, cela ne veut pas dire que je mérite une accréditation pour aller voir des compétitions. Je connais plusieurs copains dans son cas. Mais si on part sur du copinage, on ruine tout un système. »
Une fois connu le nombre d’accréditations obtenues, chaque média a choisi ses heureux élus, qui seront ultra-sollicités. « En plus de la natation, il est possible que je couvre le tour préliminaire du hand, note Isabelle Langé, cheffe des infos au service des sports de RTL, présentatrice de l'émission dominicale « On refait le sport » — huit éditions sur son CV.
« Un événement global »
« Certains médias ont demandé plus d’accréditations pour soutenir un dispositif spécial, relate Vincent Duluc, mais la marge de manœuvre était réduite. » Au Monde, des grands reporters d’autres services que les Sports ont été missionnés, « comme Benoît Hopquin, qui maîtrise bien l’athlétisme, ou Gilles van Kote, bien calé en escrime ». Le Monde mise en effet sur « une couverture complète pour un événement global » avec « une task force sportive », pour les résultats, et une sur l’extra-sportif. « Dans un pays aussi éruptif que la France, les Jeux ont aussi des conséquences innombrables sur les transports, la sécurité ou le logement, justifie Franck Nouchi, directeur adjoint de la rédaction. On aura donc aussi des journalistes pour relater ce qui se passe autour des Jeux. » Une double-page « Paris 2024 » a élu domicile sur « le print », une fois par semaine, et le suivi s'est accentué en ligne.
L'Équipe, de son côté, mise sur « un site hyper réactif, avec un fil info continu, et dans chaque quotidien, un cahier de 8 à 12 pages de résultats », décrit Jean-Philippe Leclaire, son directeur adjoint de la rédaction. « Dans l’histoire de L’Équipe, ce sera le seul évènement au niveau de France 98 », souligne-t-il. Rédacteurs, photographes et supports techniques inclus, le média sportif bénéficiera de 78 sésames olympiques, et 14 paralympiques, ce qui satisfait le journaliste, qui a couvert six olympiades estivales.
Des coûts importants
Antenne officielle, Radio France prépare sa chaîne olympique, et joue sur un passage en quotidienne d’« Esprit sport », l’émission de France Inter, et sur la force de frappe du réseau France Bleu pour nourrir le lien avec les territoires d’origine des sportifs. « Ce que j’ai sollicité en accréditations, je l’ai obtenu, se félicite Nathalie Iannetta, la directrice des sports de Radio France. Être à domicile permet une couverture de la compétition sportive mais aussi de ses à-côtés. » Au total, 60 accréditations olympiques et 30 côté paralympiques.
Un bémol : « Vu le coût du logement, on se demande si certains médias régionaux ne vont pas rendre leurs accréditations », imagine Vincent Duluc. Sans oublier le tarif pour s’assurer une position commentateur, une cabine qui permet aux journalistes radio de poser leur voix pendant une compétition : « 600 euros par personne », indique une source. « À Rio, plusieurs médias n’avaient pas payé, rappelle Isabelle Langé. Ils ont commenté les finales de boxe d’Estelle Mossely et Tony Yoka depuis les tribunes. »