Anne-Sophie Lapix présente le JT de 20 heures, le 8 juin 2023.

Anne-Sophie Lapix présente l'édition du 20 h le jeudi 8 juin. À l'écran derrière elle, l'assaillant d'Annecy, le visage non flouté.

© Crédits photo : France 2

Attaque d’Annecy : comment France 2 a réorganisé ses JT

Le jeudi 8 juin, un homme armé d’un couteau passe à l’attaque aux abords du lac d’Annecy. Plusieurs enfants en bas âge et deux adultes sont blessés. Les chaînes généralistes sont amenées à aborder le sujet dans leurs éditions de la mi-journée. Focus sur France 2.

Temps de lecture : 4 min

Muriel Pleynet, directrice nationale des rédactions de France Télévisions, nous raconte comment les JT de 13 heures et 20 heures de France 2 ont travaillé pour couvrir cette actualité.

Lorsque la nouvelle de l’attaque tombe, il est aux alentours de 10h30. Où en est la rédaction de France 2 à ce moment-là ? 

Muriel Pleynet : La réunion de rédaction du JT de 13 heures commence à neuf heures. Elle est donc terminée, comme celle du 12/13 de France 3, lorsque les alertes des médias de France Télévisions nous arrivent.

Comment s’organise alors la rédaction ?

La machine se met très vite en marche, et nos différents services, comme les « infos géné » [infos générales, NDLR] et police-justice, participent.  Nous envoyons immédiatement des équipes sur place. Notre journaliste, Olivier Martin, du bureau de France 2 à Lyon, s’est rendu en urgence à Annecy, sur demande du responsable du bureau des régions. La journaliste Claire Verove, part de Paris pour l’épauler en vue d'un sujet dans le 20 heures. France 3, via son réseau régional, déclenche ses équipes de Grenoble. En effet, nous avons besoin de plusieurs équipes afin d'alimenter l'ensemble des éditions de France Télévisions, dont Télématin et Franceinfo Canal27.

On recueille des informations auprès de différentes sources (ministère, préfecture, syndicats de police) sur l'auteur des coups de couteau, nous nous interrogeons sur ses motivations, s'il a un profil psychiatrique, etc. Nous nous tenons au courant de l'état de santé des victimes et l’on part à la recherche de témoins, afin d'avoir le plus de détail possible. 

Y a-t-il un débat sur le fait d’ouvrir le 13 heures sur l’évènement ?

Avec six personnes blessées dont quatre enfants âgés de deux à trois ans, la résonance est très particulière : à 10h du matin, on sait que cette actu fera l'ouverture du JT de France 2, mais aussi du 12/13 de France 3. Ce jour-là, Julian Bugier était à Collioure pour un JT délocalisé. Nous nous sommes demandés s'il fallait qu'il aborde l'événement depuis là-bas, ou si nous devions d'abord lancer l'édition en plateau à Paris. Collioure, le grand soleil, le bord de mer, aurait été un cadre un peu trop décalé pour traiter de l’attaque. C’est donc Karine Baste qui ouvre le JT, en plateau, pour donner toutes les infos sur l'attaque, avant de passer le relais à Julian Bugier, puis de revenir en plateau à Paris pour la fin du journal. Nous avons allongé le journal de cinq minutes.

Combien de personnes en tout ont-elles été mobilisées ? 

Sur cette actualité dramatique, c'est en tout une quinzaine de personnes sur place, entre rédacteurs, JRI, monteurs. Sans compter bien sûr les journalistes dans les bureaux de Paris qui récupèrent les éléments et vont monter les sujets.

Comment avez-vous réparti le travail ?

Dans ces cas-là, nous mettons tout en commun. Le service de coordination crée un groupe WhatsApp sur lequel tous les interlocuteurs sont présents : la direction de l'info, la direction de la rédaction, tous les rédacteurs en chef d'édition, les présentateurs, les journalistes de France 2 sur le terrain, mais aussi ceux de France 3 et de Franceinfo Canal 27. Nous nous adaptons en permanence par rapport à ce que nous faisons les uns et les autres, afin d’être présent sur tous les aspects du sujet.

Est-il compliqué d’adapter sa journée aussi vite pour traiter d’une telle actualité, assez sensible ?

Même si cela n'arrive pas tous les jours, nous sommes en capacité de réagir très rapidement. D'ailleurs, les conducteurs des journaux de 13 heures ou de 20 heures peuvent bouger une demi-heure ou même 5 minutes avant de prendre l'antenne ou encore pendant le direct, c'est une réactivité à laquelle nous sommes habitués. 

Dans vos éditions de 13 heures puis de 20 heures, des images amateures apparaissent à plusieurs reprises. À 13 heures, tous les visages sont floutés, à 20 heures ce n'est plus cas : celui de l'assaillant apparaît clairement. Comment cela se fait-il ? 

Avant éventuelle diffusion, notre équipe des Révélateurs vérifie toutes les images que nous souhaitons diffuser. Ils s'assurent qu’elles ont bien été tournées sur le lieu-dit, au moment donné, mais vérifient aussi qui est l’auteur des images et le contacte. Nous ne diffusons pas d'images dont nous ne sommes pas les auteurs si nous n'avons pas préalablement procéder à toutes ces vérifications. Mais une fois que nous sommes sûrs que les images ne sont pas fabriquées, il y a également la question de la présomption d'innocence. Tant que l'on n'a pas la certitude que l'homme dans la vidéo est bien l'agresseur, qu’il n’y a pas de confirmation policière ou judiciaire, nous floutons. À 13 heures nous sommes certains de la véracité des images, mais pas que c’est bien l’auteur que nous voyons dessus. À 20 heures, nous avons la certitude qu’il s’agit d’une seule et même personne. 

Pourquoi certaines des images amateures diffusées n’ont-elles pas été sourcées ?

Nous mettons la source des images en général en début de séquence. Il n'y a pas d'oubli : si la source n'apparaît pas du tout, c'est qu'elle demande à ne pas être identifiée pour une raison ou pour une autre, que nous avons les droits dessus ou que nous avons acheté les images en question.

Quels sont les risques d’une journée de ce genre ?

Vouloir aller trop vite, se précipiter sans être complètement sûrs et sans être « blindés ». Il y a chez nous plusieurs échelons de vérification car personne n'est infaillible. Il vaut mieux, à partir du moment où notre crédibilité est en jeu, prendre cinq minutes de plus pour effectuer une vérification.

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