Capture d’écran de l’émission « Votre télé & Vous » diffusée le 25 octobre

Le 25 octobre 2023, France 3 dédiait son émission « Votre télé & Vous » à la médiatisation du conflit israélo-palestinien en répondant aux questions des téléspectateurs.

© Crédits photo : Capture d'écran France 3

Guerre Israël-Hamas : deux fois plus de courriers de téléspectateurs

Origine des images diffusées, mots employés... Depuis l'attaque du Hamas contre Israël, les téléspectateurs sont nombreux à interpeller les médiateurs des groupes TF1 et France Télévisions.

Temps de lecture : 5 min

La quantité de courriels est comparable à celle reçue en pleine pandémie de Covid-19 : c’est le constat de Jérôme Cathala, médiateur du groupe France Télévisions depuis 2020. Avec deux chargées de médiation, il répond aux messages envoyés par les téléspectateurs pour ce qui concerne l’information. Depuis le 7 octobre 2023 et l’attaque du Hamas en Israël, ces e-mails déferlent. « En temps normal, on en reçoit une vingtaine par jour. En ce moment, c'est à peu près le double. »

Idem chez le groupe TF1. Christelle Chiroux, directrice adjointe de l'information en charge de la médiation, a noté « une moyenne de 50 à 60 » formulaires remplis quotidiennement, avec un pic à 70 quelques jours après le 7 octobre. En temps normal, la médiatrice dénombre environ 25 à 30 messages. Le samedi et dimanche, sa boîte mail ne se remplit que très peu, mais lors du week-end du 7 octobre, elle a réceptionné « quatre ou cinq fois plus de messages que d'habitude. » Seule à recevoir les commentaires envoyés sur la plateforme en ligne, la médiatrice y répond par courriel privé. Et « lorsqu’il y a beaucoup de questions sur un même sujet », elle effectue des réponses publiques sous forme d’articles. Ces commentaires sont souvent adressés à LCI, plutôt qu’à TF1, « parce qu’il n’y a que les créneaux des JT de 13 heures et 20 heures qui font vraiment réagir, là où avec LCI c’est à toute heure. »

Trois semaines après le début de la guerre, les messages sont moins nombreux. Mais la médiatrice le sait, un embrasement dans la région, incluant les pays voisins comme le Liban pourrait faire repartir les courriers à la hausse.

Un sujet sensible

Certains téléspectateurs reprochent aux chaînes un traitement orienté du conflit. Dans les courriers reçus par les groupes France Télévisions et TF1, une partie du public les accuse de ne pas parler assez du sort des civils israéliens. Alors que pour l'autre partie (quasiment équivalente en volume de messages reçus), le sort des Gazaouis n’est pas assez médiatisé. « Sur un même reportage dans le journal de 20 heures, par exemple, on peut avoir deux réactions totalement différentes. » Lors de l’explosion qui a touché le parking de l’hôpital de Gaza le 17 octobre, « beaucoup nous ont dit que l’on avait trop rapidement indiqué que c'était une frappe israélienne », précise Jérôme Cathala.

Mais dans les mots utilisés par le public, aucun des médiateurs ne note de menace. La médiatrice parle plutôt « de réactions et de propos virulents. » Chez France Télévisions, « la violence n’est pas aussi grande que celle à laquelle on aurait pu s'attendre, remarque Jérôme Cathala. Les termes restent relativement polis. Ce qui n’est pas toujours le cas sur d’autres sujets comme la politique où nous recevons des insultes et injures. » Le médiateur perçoit « presque » une forme de modération : « C’est comme s’il y avait une vraie sidération, une crainte d’un embrasement encore plus violent du conflit qui retenait un peu les plumes. »

« Nous avons beaucoup de questions sur la provenance des vidéos »

Certains souhaitent avoir des réponses aux questions précises qu’ils se posent sur ce conflit. Mais la plupart des expéditeurs de ces messages écrivent aux chaînes pour donner leur opinion. « L’écologie ou la santé, avec les pro-vaccins et les anti-vaccins, par exemple », suscitent davantage de messages virulents, indique Christelle Chiroux. Les crises et les conflits font aussi partie de ces thématiques qui font réagir.

En Grande-Bretagne, la BBC a reçu plus de 1 500 courriers de téléspectateurs en neuf jours, a rapporté le Guardian. Outre-Manche, ces lettres sont appelées des « plaintes ». Pour répondre au public, la chaîne utilise une plateforme qui permet d’enregistrer une réclamation en ligne ou par téléphone 24 heures sur 24. « Nous avons reçu des plaintes de personnes qui estiment que nos reportages sur le conflit ont été biaisés contre Israël, et des plaintes de ceux qui estiment que nos reportages sur le conflit ont été biaisés contre les Palestiniens », peut-on lire sur leur site. « Une attention particulière a été accordée à tous les aspects de notre couverture médiatique afin de garantir que nous rendions compte des développements avec précision et avec l'impartialité voulue », se justifient-ils.

Les mots et les images

Invité dans l’émission « Votre télé & Vous », diffusée sur France 3 le 25 octobre, Jean-Pierre Jacqmin, directeur de l'Information et des Sports à la RTBF, notait qu’il n’y a « jamais eu autant de débats, image par image, dans les rédactions. » Pour ce qui concerne le conflit au Proche-Orient, le public est sur le qui-vive.

Capture d'écran d'un message de téléspectateur envoyé à France Télévisions et diffusé dans l'émission de France 3 "Votre télé & Vous"
Capture d’écran d’un message de téléspectateur diffusé lors de l’émission « Votre télé & Vous » le 25 octobre sur France 3.

Une grande partie des courriels concernent les images diffusées. Alors que certains téléspectateurs parlent de « sensationnalisme » en pointant du doigt des vidéos de personnes abattues, d’autres se questionnent sur les sources. « Nous avons beaucoup de questions sur la provenance des vidéos », explique Christelle Chiroux. « Nos journalistes ne peuvent pas se rendre à Gaza, c’est assez complexe pour nous d’évoquer des sujets avec des images qu’on ne tourne pas. Nous faisons donc appel à des fixeurs », ajoute Jérôme Cathala. Sur place, ce sont parfois des citoyens qui envoient leurs images aux médias occidentaux ou qui les postent sur les réseaux sociaux. « Nous prenons énormément de précautions pour la vérification des sources et notamment des vidéos qui sont parfois de la propagande envoyée par le Hamas », assure la médiatrice du groupe TF1.

« Chaque mot, chaque expression, chaque questionnement peut être remis en cause par des téléspectateurs »

Les images ne sont pas les seules à faire réagir, il y a aussi les mots que le public dissèque. Certains téléspectateurs sont vigilants quant aux situations dans lesquelles les mots « terroristes » et « combattants » sont utilisés. « On nous a déjà dit, “Ah oui, vous appelez des terroristes ceux qui ont massacré les gens au Bataclan. Mais là, en Israël, vous les appelez des combattants” », raconte le médiateur de France Télévisions. « Tout ce que nous montrons est vraiment étudié de près. Nous savons que chaque mot, chaque expression, chaque questionnement peut être remis en cause par des téléspectateurs. »

« N’oubliez pas l’Ukraine »

Avec LCI, se pose la question de la médiatisation de l’information en continu. « Quand vous avez une chaîne info qui est pratiquement 24 heures sur 24 sur une actualité, on essaie d'avoir une pluralité des points de vue, explique Christelle Chiroux. Selon les tranches d'émissions, il peut donc y avoir des intervenants qui sont plutôt pro-israéliens et puis d'autres plutôt pro-palestiniens. Le téléspectateur va recevoir le message différemment, en fonction de l’invité et de ses convictions à lui. »

LCI, dont les audiences sont montées en flèche avec sa couverture du conflit en Ukraine, continue son virage vers l’international. À l’écran, l’actualité au Proche-Orient a pris le dessus sur celle en Europe de l’Est. « C'était intéressant de voir que pendant la semaine qui a suivi le week-end du 7 octobre, beaucoup de téléspectateurs nous ont écrit pour nous demander de ne pas oublier ce qu'il se passait en Ukraine. On nous disait : “Il y a de la place pour tous les sujets” », commente Christelle Chiroux, en charge de la médiation. Le message a rapidement été remonté à la direction de l’information. « LCI a ensuite réintégré l'actualité en Ukraine qui était un peu délaissée. »

 
 
 

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