Victor Wembanyama, joueur de basket français chez les Spurs de San Antonio

Victor Wembanyama pose pour les Spurs, à San Antonio, au Texas, le 2 octobre 2023. Trois mois avant, il était choisi en numéro 1 de la draft de la NBA, la sélection annuelle des jeunes talents. 

© Crédits photo : TIMOTHY A. CLARY / AFP

Nouvelle star du basket : « Victor Wembanyama, c’est un show incroyable »

À 19 ans, le prodige français du basket qui démarre en NBA avec les Spurs de San Antonio attire tous les regards. Le journaliste sportif Olivier Pheulpin nous raconte, depuis le Texas, la frénésie médiatique autour de « Wemby » à la veille de la nouvelle saison.

Temps de lecture : 6 min

Olivier Pheulpin a été le correspondant du journal L’Équipe à San Antonio pendant la carrière de Tony Parker, quatre fois champion avec les Spurs entre 2001 et 2018. Toujours installé au Texas, le journaliste a vu débarquer à l’intersaison la nouvelle star du basket français, Victor Wembanyama, 19 ans.

Alors que la nouvelle saison de la NBA commence le 24 octobre 2023, le phénomène de 2,24 mètres est déjà la très grande curiosité de cette saison. Il poursuivra avec les Jeux olympiques de Paris 2024, l’été prochain, en équipe de France. Le plus américain des journalistes français, collaborateur de RMC et de Basket le mag, raconte la frénésie médiatique et ce qui attend Wembanyama.

Les médias américains n’ont pas lâché Wembanyama pendant la présaison. Comment s’en est-il sorti ?

Olivier Pheulpin : Il est bluffant. J’avais toujours pris Tony Parker pour un animal à sang froid, sans comprendre comment il arrivait à faire le boulot devant les caméras après un match raté ou s’être fait engueuler par son entraîneur. Et là, j’ai vu arriver Wembanyama qui parle anglais mieux que tous les Français que je connais aux États-Unis, mieux que moi qui y vis depuis plus de vingt ans. Ses agents l’ont sûrement préparé pendant des années. L’autre jour, lors d’une conférence de presse d’une dizaine de minutes avec des médias locaux, je l’ai vu passer du français à l’anglais sans problème, mais surtout blaguer avec les journalistes. Il a 19 ans et ne doute de rien. Depuis qu’il est arrivé, tous les médias d’Amérique sont venus le voir. C’est un show incroyable.

Wembanyama a été numéro 1 de la draft, cette sélection annuelle des jeunes talents. Chaque numéro 1 génère-t-il autant d’excitation ?

Non, c’est le joueur le plus attendu depuis LeBron James [drafté en 2003, NDLR]. Les Américains n’ont jamais vu un joueur de cette dimension, doté de telles capacités avec un ballon. Ils l’appellent « l’extraterrestre ». La NBA est très contente de l’internationalisation de son produit, portée par le Slovène Luka Doncic (Dallas Mavericks), le Serbe Nikola Jokic (Denver Nuggets), et maintenant Victor Wembanyama. En revanche, les médias américains ne savent pas trop quoi en faire, précisément parce qu’ils ne sont pas Américains. Or, le basket reste un sport américain donc ça ne peut pas complètement leur plaire.

 

En revanche, le personnage séduit ?

À San Antonio, c’est du jamais-vu. La franchise [le club] tente de canaliser l’aspect showbiz autant que possible mais la NBA a donné un certain nombre de consignes [notamment l’obligation de la promouvoir sur les réseaux sociaux, de répondre aux interviews avec les chaînes détentrices de droits…]. Donc Victor se met sciemment en avant et je n’ai pas le moindre doute, tout est calculé. Il n’a pas commis une faute de goût : il porte le chapeau texan, dit juste ce qu’il faut, ne boit évidemment pas d’alcool quand il sort dans un bar car il n’a pas l’âge légal. Et tout ça est expliqué dans sa communication.

Ceci dit, comment les Spurs vont-ils gérer le phénomène médiatique ? Dans le passé, ils ont eu des joueurs très provocateurs, Dennis Rodman ou Stephen Jackson. Là, c’est différent. Tout le monde est super excité, la chaîne ESPN a montré ses actions d’éclat pendant les matches de présaison. Les journalistes qui m’appellent ou écrivent sur lui sont unanimes : ils n’ont jamais vu un basketteur pareil. En plus, ils sont bluffés par son intellect. Car il est évident que Wembanyama est un jeune homme très intelligent.

Les journalistes français auront-ils une chance de l’approcher autant que vous l’avez fait avec Tony Parker ?  

Je ne vois pas comment ce serait possible. Il y a trop de garde-fous, entre la NBA, le club et les agents, pour que cela se reproduise. Il faut comprendre que tout le monde veut contrôler le phénomène. Entre son statut et l’époque, le travail des journalistes risque d’être compliqué. On m’a demandé si j’aurais accès au vestiaire pour lui parler avant les matches. En principe, oui. Mais je pense qu’ils vont essayer de le cacher. Déjà, des employés des Spurs que je connais depuis longtemps m’ont confié qu’ils n’avaient pas le droit de s’exprimer. Les dirigeants de la franchise savent tout et contrôlent tout. En France, j’ai grandi avec les footballeurs de l’AJ Auxerre et leur entraîneur Guy Roux. À San Antonio, c’est un peu pareil, il n’y a qu’une équipe. Raison de plus pour la franchise de protéger son phénomène car l’excitation est au-delà du raisonnable. Et puis l’entraîneur Gregg Popovich est à la fois versatile et explosif, un ancien militaire. Je l’ai vu plein de fois envoyer chier tout le monde. Sa gestion des médias peut être assez rock and roll.

« Victor ne s'appartient déjà plus »

En tant que correspondant de L’Équipe, quelle relation aviez-vous avec Tony Parker à l’époque ?

Tony avait 19 ans quand il est arrivé en 2001, comme Victor. C’était juste un petit jeune, drafté en 28e position. Il y avait beaucoup d’accès et peu de demande, je pouvais donc l’interviewer quand je voulais, autant que je voulais, partout où je voulais. Entre Parker et Wembanyama, c’est le jour et la nuit. Les jeunes journalistes français qui arrivent vont devoir prendre leur mal en patience, accepter des prises de parole de quelques minutes seulement, moitié anglais, moitié français. Il ne sera pas facile de l’humaniser. Les journalistes de L’Équipe auront toujours un petit truc en plus car la NBA a besoin de promouvoir son produit à l’étranger. Tout ce que demande la NBA, avec les sponsors et les diffuseurs, sera obligatoire. Victor ne s’appartient déjà plus.

À lui seul, Wembanyama peut-il décupler l’intérêt du public français pour la NBA ?  

Il peut servir de locomotive mais je pense qu’il ne sera pas longtemps seul. On peut avoir deux Français dans le top 5 de la prochaine draft. L’autre soir, la télé locale de San Antonio a parlé de factory [« fabrique »] pour décrire la machine française à produire des joueurs de basket. Il y en a partout en train d’éclore. Les dix prochaines années risquent d’être fantastiques. C’est inédit. Du coup, j’étais assez heureux que Joël Embiid ne vienne pas en équipe de France [le pivot camerounais, star de Philadelphie, vient d’être naturalisé américain malgré l’opération séduction de la fédération française]. On l’a déjà, notre Embiid, il est juste plus jeune mais il sera probablement meilleur. Victor peut être une locomotive, surtout s’il est le leader de l’équipe de France aux Jeux olympiques.

« C’est un joueur d’exception dont on parlera dans cent ans »

Les stars de la NBA interrogées par les médias américains l’ont-elles accueilli avec enthousiasme ?

Oui, il fait rêver tout le monde. C’est simple, les trois meilleurs joueurs actuels, LeBron James, Kevin Durant et Stephen Curry en parlent comme d’un joueur de jeu vidéo. Le sentiment de ses pairs, c’est « waouh ». LeBron a dit : « J’ai vu le futur. » Car ce que fait Victor, personne d’autre ne peut le faire. Il est déjà reconnu par tout le monde. Un autre ancien a même dit qu’il était potentiellement l’athlète le plus excitant de l’histoire du sport. Ça va loin. C’est le genre de pression que Victor va sentir, un bombardement ininterrompu de commentaires nourri par les nouveaux médias. Heureusement, sa famille est présente sur place pour l’aider.

Étant installé à San Antonio, êtes-vous très sollicité pour raconter cette saison qui démarre ?

Plein de personnes m’ont demandé si je pouvais aider. Pour le moment, on est un peu coincé car le phénomène nous dépasse tous. Quelques coups de fil m’ont suffi à comprendre que les choses avaient beaucoup changé depuis Tony Parker. Sur le papier, c’est un joueur d’exception dont on parlera dans cent ans. Personne ne veut rater ça.

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