Julien Cazarre, Paul de Saint Sernin, Tom Ciaravino et Pierre-Antoine Damecour incarnent comme d'autres comédiens ou journalistes la tendance du recours à l'humour dans les émissions sportives.

Julien Cazarre, Paul de Saint Sernin, Tom Ciaravino et Pierre-Antoine Damecour incarnent comme d'autres comédiens ou journalistes la tendance du recours à l'humour dans les émissions sportives.

© Crédits photo : RMC / Nathalie Guyon / Jeremy Raharifidy-Barbe / L'Équipe

À la télé et à la radio, le sport se tord de rire

À côté des journalistes et des consultants, les humoristes sont nombreux à jongler avec l’actualité sportive. Le pilier Julien Cazarre, toujours en activité, a suscité de nombreuses vocations.

Temps de lecture : 6 min

« Les footeux ont de l’humour », affirmait Julien Cazarre en 2015 dans L’Équipe. À l’époque, le trublion mettait en boîte un joueur par semaine dans l’émission « J+1 » sur Canal+. Après son départ pour RMC, il n’avait pas été vraiment remplacé par la chaîne cryptée. Jusqu’à cette rentrée et l’arrivée au « Canal Football Club », émission phare, d’un programme court incarné par le stand-upeur Hakim Jemili.

Impossible d’en parler avec la direction, muette en période d’appel d’offres pour les droits de diffusion du championnat de France de Ligue 1. Ce retour est néanmoins un signe que le sport et l’humour se marient toujours. Et de plus en plus.

« Est-ce que c’est devenu obligatoire ? Bonne question », réfléchit Paul de Saint Sernin, en roue libre pendant la courte existence de la chaîne Téléfoot, débranchée en février 2021 à la suite du fiasco du groupe audiovisuel Mediapro. Mais pendant les six mois d’antenne, « l’humour a servi le programme, qui s’y prêtait avec la présence du public. » Quelques vannes bien senties ont « renforcé l’esprit de bande, installé les consultants Mathieu Bodmer, Alain Perrin ou Nicolas Douchez, et donné une couleur aux journalistes, souvent assez neutres ». Ainsi, les éclats de rire du présentateur Smaïl Bouabdellah figurent parmi les moments mémorables qui continuent de tourner sur les plateformes vidéo. Tout comme les réparties tranchantes de Kylian Mbappé (« Toi, tu ne vas pas me manquer », avait lancé le champion du monde 2018 à l’impertinent Saint Sernin) ou le fair-play de Rudi Garcia, entraîneur malin dans sa communication, qui s’est prêté plusieurs fois de bonne grâce aux plaisanteries. « Je ne sais pas si le public était autant attaché à lui avant qu’on se rende compte qu’il était dans l’autodérision », appuie Paul de Saint Sernin, qui apprécie l’exercice et dit s’être inspiré autant de Laurent Baffie que de Julien Cazarre, « une figure du foot français », d’après lui.

Humour vache

C’est le nom qui revient dans toutes les bouches. Dans les stades de foot où il s’est déplacé pour tourner des séquences, Julien Cazarre a été parfois chahuté, souvent applaudi. Les supporters adorent chambrer ce fan autoproclamé du PSG. Qui leur rend sacrément bien. À Canal avec Stéphane Guy puis Nicolas Tourriol, dans « Rothen s’enflamme » (RMC) avec Jean-Louis Tourre, sa complicité avec le présentateur ajoute une teinte à sa palette, qui vire quelques fois à la méchanceté. « Quand le présentateur cache avec ses fiches sa bouche tordue de rire, ça rend la blague encore plus drôle », valide Saint Sernin, qui duplique l’exercice sur Prime Vidéo, codiffuseur du tournoi de tennis de Roland-Garros. Le compte Instagram de Julien Cazarre a dépassé les 50 000 abonnés quelques jours après sa mise en ligne, le 4 septembre. D’un média à un autre, parfois très différent (d’Europe 1 à RMC, de M6 à Canal+), sa communauté goûte son humour vache. Il semble n’avoir aucune limite. D’autres confrères ne peuvent pas aller aussi loin, soit que leur média refuse de se moquer de la matière qu’il paie cher, soit qu’il faille garder des bonnes relations avec les entourages susceptibles des joueurs que l’on espère interviewer.

Julien Cazarre tourne aussi des sketches pour Winamax, site de paris qui développe une ligne éditoriale effrontée, incarnée par Tom Ciaravino, 26 ans. Venu du basket sur First Team, ce dernier croque chaque lundi l’actualité du foot. Winamax lui donne carte blanche. Nourri par l’écriture « piquante et drôle » de l’acteur britannique Ricky Gervais, il mise sur la qualité du texte, « bien amené et bien écrit, sans répétition ni insulte à chaque phrase ». À l’entame de sa deuxième saison, il rédige seul mais fait relire à l’animateur Thomas Bonnavent, qui prolonge : « Tom m'envoie son texte mais le change parfois à la dernière minute, donc il me surprend. » Tom Ciaravino écrit ses relances, instaure entre eux « un petit jeu d’acteurs ». Comme dans le programme espagnol « El Chiringuito », « presque surjoué, un peu beauf ». Sur Winamax TV, « on sent que certains attendent cette séquence, comme j’attendais celle de Julien Cazarre à la fin de “J+1” ». Les autres intervenants découvrent le contenu de sa chronique en plateau pour obtenir des réactions spontanées.

« Après tout, on parle de Neymar, pas de la guerre en Ukraine »

L’humour sied à des programmes récents ou à la cible plus jeune. Les monuments « Téléfoot » (TF1) ou « Stade 2 » (France 2) ne s’y risquent pas. D’autres font moitié-moitié : RMC joue l’impertinence dans « Rothen s’enflamme », pas dans « L’After foot » ; de même, la chaîne L’Équipe rit volontiers à 18 h 30 (« L’Équipe de Greg »), moins à 23 h 05 (« L’Équipe du Soir »). « Il s’agit de savoir où placer le curseur », explique Marc Las, directeur d’une rédaction remodelée en 2017 pour l’infotainment. En cette rentrée, l’humoriste Hugo Andreani, entendu sur Fun Radio, intervient le vendredi dans « L’EDS », face à des chroniqueurs « moins faciles », convient Marc Las, qui se laisse quatre semaines pour voir si la greffe prend. À ses yeux, un habillage sonore peut faire sourire aussi sûrement qu’une blague. Et l’humoriste de métier n’est plus forcément celui qui allume la mèche : le journaliste Yoann Riou a révélé son exubérance à la télé après une longue carrière en presse écrite. Il participe désormais aux « Grosses têtes » sur RTL – et à « RTL foot ». Sur l’américaine CBS, les impayables introductions de Kate Abdo cumulent des millions de vues grâce à une formule simple : trois consultants, deux sont présentés avec tous les égards, un troisième comme une tête de turc. Paul de Saint Sernin valide : « Une bonne blague, c’est cool, mais quand en plus, c’est Thierry Henry, meilleur joueur de l’histoire de la Premier League qui la fait, c’est encore plus cool ; et si c’est un ancien joueur de Manchester City [Micah Richards] qui se moque de lui-même, c’est deux fois plus fort. »

plateau de L'Équipe de Greg, sur la chaîne L'Équipe
Pierre-Antoine Damecour (à droite) mène la séquence la plus légère de « L'Équipe de Greg », sur la chaîne L'Équipe. Crédit photo : L'Équipe

Les nouveaux acteurs du sport à la télévision française se posent tous la question de l’humour. À condition de trouver le bon casting et l’idée originale. Chez Skweek, plateforme spécialisée dans le basket, on recherche « le bon profil » pour faire rire mais « ce n’est pas facile », nous glisse-t-on. Une séquence humoristique reste en projet pour l’avenir.

En quelques années, le filon a été exploité. Julien Cazarre n’est plus le seul à occuper le terrain. Trois fois par semaine, Pierre-Antoine Damecour s’en donne à cœur joie dans « La Petite Lucarne », séquence la plus légère de la quotidienne animée par Greg Ascher sur la chaîne L’Équipe. « Entre nous, c’est spontané, comme ça l’était avec Estelle Denis jusqu’en 2021, raconte Pierre-Antoine Damecour. Il ne veut pas savoir à l’avance ce que je vais faire. Je le préviens seulement quand on a une saynète à jouer ensemble. Notre duo est bien rodé. » Fausses conférences de presse, images détournées... l’humoriste joue sur tous les registres dans cette séquence faite maison, tournée au téléphone, souvent sans cadreur, à l’arrache. « On s’intercale entre des débats sérieux mais les chroniqueurs en plateau arrivent à switcher rapidement. Après tout, on parle de Neymar, pas de la guerre en Ukraine », relativise cet ancien skieur, biberonné aux sketches des Inconnus et du Palmashow, amusé plus récemment par le style d’Étienne Carbonnier (« Quotidien »). Marc Las situe avec précision le moment où cette chronique est devenue pérenne à ses yeux : le jour où il a réalisé que tous ses collaborateurs cessaient de travailler pour ne pas en louper une seconde.

Puisque l’humour et le sport vont bien ensemble, la demande des chaînes augmente. Certains chroniqueurs s’essoufflent après des années à détourner l’actualité. Le pilier Julien Cazarre fait des pas de côté avec sa bande, « Action discrète ». Paul de Saint Sernin a rejoint Léa Salamé et Christophe Dechavanne dans « Quelle époque » (France 2) et rode son premier seul en scène. Pierre-Antoine Damecour, lui, incarne depuis la rentrée des personnages face à l’invité d’Europe 1. Un plaisir et une façon de « décoller l’étiquette 100 % sport et explorer d’autres univers ». Mais le karma aussi est blagueur : dernièrement, il s’est retrouvé face à Baptiste Lecaplain, comédien et fan absolu des Girondins de Bordeaux.

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