Renouvellement des fréquences TNT : Ouest France se projette en chaîne nationale des « territoires »

Ouest France se voit en télévision nationale. Le 16 juillet, cinq dirigeants du groupe ont défendu le projet de chaîne TNT OF TV devant les sages de l’Arcom, dans le cadre du processus d’attribution des fréquences lancé le 28 février dernier. Quinze chaînes sont concernées par un renouvellement. Dans le contexte tendu entourant les trois fréquences du groupe Canal+, certains pensent avoir un coup à jouer, dont le groupe de presse régional.

Le projet de Ouest France repose sur cinq piliers : un talk-show quotidien (« Talk en vrai »), s’attachant à l’humain, « avec des gens que l’on ne voit pas à la télévision » ; du divertissement, avec l’adaptation de formats numériques, mais aussi des captations de concert et de spectacles d’humour, entre autres ; de l’information, avec un JT quotidien ; de la fiction, avec deux soirées cinéma par semaine ainsi que, si cela s’y prête, des soirées débats. 

Et possiblement du cyclisme, murmure Édouard Reis Carona, directeur du pôle audiovisuel de Ouest France, à la suite d’une relance de Roch-Olivier Maistre, en fin d’audition. Celui-ci s’étonnant du peu de place laissée aux retransmissions sportives dans le projet fourni par le groupe.

Promesses

Deux trios de mots reviennent dans la bouche des représentants du groupe Ouest France. Ils résument les cinq piliers du projet. « Rassembler, fédérer, créer le débat » ; « raconter, divertir et partager ». On sent, entre les lignes, une envie de proposer du journalisme de solution. Surtout, ne pas créer de tensions et d’angoisse. Montrer le beau en France, sa réalité, sa richesse hors des centres-villes. Mieux représenter les « territoires » et ses habitants. Parler des « vrais » problèmes des « vraies » gens (les termes « vrai » et « territoire » reviennent chacun une grosse trentaine de fois).

Représenter tous les publics, de tous les territoires : un des grands engagements pris par les représentants de Ouest France face à l’Arcom. François-Xavier Lefranc (président du directoire de Ouest-France) et Fabrice Bazard (directeur général) assurent vouloir observer de près la mixité des intervenants. Offrir une représentation juste des handicaps. Respecter la déontologie journalistique et l’éthique, assurer le pluralisme... Ces valeurs guideront, expliquent-ils à tour de rôle, leurs actions au quotidien. Tout cela, en associant des représentants du public au comité de déontologie chargé de surveiller ces engagements. 

OF TV se présente comme une chaîne nationale, mais souhaite mobiliser des partenariats au niveau local. Avec d’autres titres de presse répartis dans tout l’Hexagone. Des chaînes de télévisions aussi. Cela pourrait donner des émissions faites en collaboration. Ici, pas d’agrégation de contenus, défend Maud Lévrier (Pôle Transformation, Numérique et Distribution) face aux sages. Tous les partenaires devront aussi respecter la charte de valeurs du groupe de presse.

Association

Budget prévisionnel, rapporté par nos confrères de Mind Media : dix millions d'euros d’ici 2028. Cinquante-huit créations de postes sont prévues, dont une douzaine à la direction des contenus. Parmi celles-ci, la rédaction en chef. Des sujets seront commandés à des agences régionales. Mais aussi aux journalistes de Ouest France : des JRI (journalistes reporters d’images) de la rédaction comme les trois se trouvant en Ukraine, cités en exemple, pourront répondre à des commandes passées par la chaîne. Quant aux émissions, une grande partie (non précisée) sera commandée à des acteurs extérieurs.

« On peut être un média mesuré et poser les vraies questions »

OF TV apparaît comme un contrepoids. Au capitalisme médiatique, à la course à l’audience. À la concentration du secteur. Si Ouest France gagne son pari, OF TV sera une chaîne détenue par une association à but non lucratif (l’Association pour le soutien des principes de la démocratie humaniste, à qui appartient Ouest France). Une volonté de proposer une télévision plus raisonnable, exemplaire, même. En mettant beaucoup d'efforts sur des sujets comme les violences faites aux femmes, la citoyenneté numérique, la lutte contre les exclusions et les addictions, la protection de l’environnement. Un désir de décence ordinaire transpire de ces prises de parole. « On ne cherchera pas un moment de télévision, précise Édouard Reis Carona, on cherchera à aller au fond des choses, car on peut être un média mesuré et poser les vraies questions lorsqu’il le faut. »

Différence

OF TV, dans cette audition, cultive sa différence. La chaîne serait basée à Rennes, plateau compris, où le quotidien a son siège. Une chaîne nationale, mais pas à Paris : inédit. Même si, au détour de relances, on concède la possibilité de tournage d’une émission dans la capitale. Durant cette heure et demie, le groupe met en avant ses accomplissements : 70 % de son audience hors de l’ouest de la France, sa zone de diffusion papier ; une référence sur l’audio et la vidéo avec 1 000 vidéos produites chaque mois ; le « premier titre francophone au monde » ; la « deuxième plateforme sur les élections européennes ». 

Des arguments lancés pour convaincre Roch-Olivier Maistre et les conseillers du sérieux du projet. Mais ces derniers restent impassibles et enchaînent les questions, notamment sur les recettes et les choix économiques de la chaîne. Leurs cinq interlocuteurs admettent avoir beaucoup de travail devant eux, et n’envisagent pas un lancement avant le premier septembre 2025. Les autorisations sont renouvelées en mars 2025 : se préparer au mieux, donc, quitte à prendre plus de temps. Le 24 juillet, l’Arcom a dévoilé dans un communiqué la liste des 15 services de la TNT présélectionnés ; OF TV en fait partie.

(Article mis à jour le 24 juillet 2024 suite aux annonces de l'Arcom.)