Des pratiques surestimées ?
En novembre 2016, le producteur de podcasts
David Chen proposait à ses followers de répondre à un sondage pour savoir s’ils écoutaient des podcasts ou regardaient des films et des séries en accéléré. Sur 1 505 répondants, 79 % ont choisi la réponse « non, c’est une abomination ». Ce résultat, bien que dénué de valeur scientifique, met en lumière un certain rejet du
speed watching. Claire Cornillon estime que le « récit audiovisuel n'est pas séparable de la forme. Si vous changez la forme en regardant en accéléré, vous changez le fond. Le
speed watching, à mon sens, ne peut rester que relativement marginal parce qu’il n'est pas applicable à tous. Je ne vois pas dans quel type de productions une adaptation au
speed watching pourrait s'imposer. »
La pratique du visionnage accéléré est certes encore jeune, et relativement peu commune en France, et son développement ne pourra véritablement se juger que d’ici quelques mois, voire quelques années. Cependant, la pratique suscite d’ores et déjà des réserves et semble, dans son essence même, limitée par la nature des contenus.
La mise en avant du binge watching ne doit pas faire croire qu’il s’agit d’une tendance de fond
De même que son petit frère le
speed watching, le
binge watching fait l’objet de critiques aux États-Unis : « certains vont proclamer quelles sont les bonnes façons de consommer une série et luttent contre le
binge watching. Ils formulent des demandes de retour à la consommation par rendez-vous » explique Clément Combes. Le
binge watching semble être « une pratique en pleine évolution mais un peu surévaluée par rapport aux pratiques traditionnelles » selon l’analyse du chercheur, qui repose sur les premiers résultats de son enquête auprès de 3 000 panélistes. D’après lui, la mise en avant du
binge watching ne doit pas faire croire qu’il s’agit d’une tendance de fond. « Les spectateurs ont tendance à jongler entre les différents modes de consommation et différents supports : il y a des séries qu'ils regardent en
binge watching, d'autres qu’ils vont suivre en fonction de la diffusion télé » rappelle-t-il.
Si les pratiques de consommation des séries sont quelque peu surestimées, c’est qu’elles prennent une place plus importante dans l’espace médiatique. « L'intérêt pour ces deux pratiques est à mettre en lien avec la place des séries dans l'espace public, explique Claire Cornillon. On est face à une explosion de la médiatisation des séries ces dernières années, d'où un intérêt pour la manière dont les gens les regardent. On s'interroge désormais beaucoup plus sur la manière dont elles sont écrites, construites et reçues. » Malgré ces réserves, les deux chercheurs s’accordent à dire que
binge watching et
speed watching sont deux phénomènes non négligeables de la consommation sérielle, ayant des incidences sur la production, la diffusion et la réception des séries.