En France et dans le monde, Google est ultra-dominant
Google est le moteur de recherche n°1 en France : 93 % des requêtes sur Internet sont faites sur son site. Cette domination, pour ne pas dire monopole, n’est pas propre à la France. Aux États-Unis, Google tient 87 % des parts de marché, laissant quelques miettes à Yahoo !, Bing et quelques autres. Simple affaire commerciale ? Non, même si Google a déjà été condamné, en 2018, à 4,34 milliards d’euros d’amende pour « pratiques anti-concurrentielles » par la Commission européenne.
Le quasi-monopole de Google pose plutôt une question démocratique. Que ce soit par le biais de Google Actualités, l’espace du moteur de recherche réservé à l’information, ou via les autres outils du moteur, Google est en effet une source majeure d’informations pour un nombre considérable de citoyens. Or, comme n’importe quel moteur de recherche, Google n’est pas neutre : son objet est de trier l’information.
Les contenus que propose Google à chacun de ses utilisateurs donnent une vision mécaniquement partielle et partiale du sujet recherché
De ce point de vue, les contenus que propose Google à chacun de ses utilisateurs donnent une vision mécaniquement partielle et partiale du sujet recherché. Et il n’est pas question ici de faire un procès d’intention : si les résultats sont partiels, c’est parce que la nature même de Google lui impose d’opérer un tri. Mais ce qui est bon pour acheter un aspirateur ou se renseigner sur un hôtel ne l’est pas forcément pour s’informer.
Le malheur de Facebook fait le bonheur de Google
Google est l’une des principales portes d’entrée sur le web. Pour la presse, il en résulte une situation de dépendance. Car, en fondant son modèle économique sur la publicité, les journaux se sont rendu dépendants d’une statistique : le nombre de pages vues. Plus ce nombre est élevé, plus les espaces de publicité vendus aux entreprises par les journaux sont rentables, puisque ceux-ci peuvent alors toucher plus de clients potentiels. Et comment augmenter ce chiffre ? En optimisant les contenus pour être bien référencé sur… Google, même si le moteur de recherche n’est pas la seule source de trafic des sites de presse (les réseaux sociaux, newsletters, applications de tchat et autres outils drainent aussi du trafic).
Si Google devient encore plus dominant, c’est, paradoxalement, grâce à son meilleur ennemi : Facebook.
Il n’en reste pas moins que, en 2018, le trafic des sites de presse issu de Google a beaucoup augmenté. Et paradoxalement, si Google devient encore plus dominant, c’est grâce à son meilleur ennemi : Facebook. Après le torrent de critiques subi par le réseau social en raison des « fausses nouvelles » qu’il laisserait circuler sur sa plateforme, le réseau social a en effet décidé en janvier 2018 de restreindre la visibilité des médias (voir l’annonce de Facebook).
“Proportion d’internautes ayant utilisé ces différents réseaux sociaux pour s’informer durant la semaine précédant le questionnaire (évolution entre 2014 et 2018).” Source du graphique : Reuters Institute, Digital News Report 2018, Nic Newman, “Section 1, Executive Summary and key Findings”, page 11, © Reuters Institute for the Study of Journalism.
Ainsi, dans une étude publiée début 2018 (voir graphique ci-dessus), l’Institut Reuters montrait que les internautes utilisaient moins Facebook pour s’informer depuis 2016. Et, ici, l’algorithme n’est pas responsable : au moment où l’étude de l’Institut Reuters a été menée, Facebook n’avait pas encore fait évoluer son programme de tri des publications. Cette décroissance de l’usage de Facebook pour s’informer est donc liée à d’autres facteurs.
D’après l’Institut Reuters, qui a mené des entretiens avec des utilisateurs et utilisatrices du réseau social, c’est, entre autres, l’apparition d’informations non fiables (fake news) qui les a convaincus de moins utiliser Facebook pour s’informer. Les internautes, ayant été abreuvés d’avertissements à propos de la circulation de ces « fausses nouvelles » sur Facebook, sont donc devenus plus méfiants vis-à-vis de cet outil. Corollaire : sur mobile, les requêtes sur Google ont été multipliées par deux depuis janvier 2017 et l’utilisation de Google Actualités a été multipliée par trois depuis mai 2018 !
Pour comprendre les ressorts de cette domination et du rapport ambivalent qu’entretient la presse avec Google, il faut remonter au moins 4 ans en arrière.
En 2014, Google fait plier la presse allemande
Google est beaucoup plus qu’un moteur de recherche. L’entreprise propose, depuis quelques années déjà, une série de fonctionnalités et d’outils modifiant la hiérarchie de l’information proposée par son moteur de recherche. In fine, ces fonctionnalités et outils renforcent son emprise sur le trafic des sites web, dont la presse.
D’abord, il y a l’inévitable Google Actualités. Cet outil représente aujourd’hui une part importante du trafic des sites de presse, même si les chiffres peuvent fortement varier selon les cas et les moments. Une source de trafic instable, puisque les sites de presse ne la maîtrisent pas : les éditeurs ne savent pas, en effet, comment fonctionne l’agrégateur.
La domination de Google Actualités est telle que les éditeurs qui ont essayé de s’en passer s’en sont mordu les doigts.
Quoi qu’il en soit, la domination de Google Actualités est telle que les éditeurs qui ont essayé de s’en passer s’en sont mordu les doigts. En 2013, l’Allemagne votait une loi entérinant un changement important vis-à-vis de Google Actualités : dorénavant, le moteur de recherche devra payer pour reprendre des extraits d’articles de presse. La réponse de Google était claire : les journaux non satisfaits de son fonctionnement pouvaient quitter Google Actualités. Tous sont restés, par crainte d’une chute de leur trafic.
Quelques mois plus tard, en 2014, le groupe de presse Axel Springer veut faire payer Google pour la reprise d’extraits de ses articles. Google répond en excluant tout extrait des articles de ce groupe de presse dans son moteur Google Actualités, afin d’éviter de payer ces taxes. Résultat : en deux semaines, le trafic issu de Google chute de 40 %. Sur Google Actualités, cette baisse atteint 80 %. Le groupe fait alors marche arrière. Pour l’un des responsables d’Axel Springer, appliquer cette loi revenait à se « tirer une balle dans le pied ».
En 2015, Google renforce son emprise sur le web mobile
Fin 2015, Google dévoile le format Accelerated Mobile Pages (AMP). Le principe : accélérer le temps de chargement des pages web sur mobile. Le succès est rapidement au rendez-vous, même si de nombreuses critiques ont émergé.
Début 2018, d’après le site spécialisé dans le numérique Frenchweb, 31 millions de domaines utilisaient le format AMP. Et, à partir du moteur de recherche Google, les pages web AMP reçoivent plus de trafic que celles qui n’utilisent pas ce format (voir le graphique ci-dessous)
« Trafic issu de Google mobile des sites web utilisant le format AMP ». Source du graphique : Frenchweb, « 31 millions de domaines utilises désormais Google AMP », 16 février 2018.
Un constat pas surprenant : en mars 2018, Google a généralisé l’indexation « mobile-first ». Le principe est simple : les sites et pages web adaptés au format mobile seront privilégiés dans les résultats du moteur de recherche. En conséquence de quoi, les pages web AMP, dédiées au mobile, sont mécaniquement privilégiées. D’autant plus, d’ailleurs, que des dizaines de millions d’éditeurs de sites web ont fait la bascule vers le format de Google (voir plus haut). Avec un objectif clair : augmenter leur trafic mobile.
En mars 2018, Google a généralisé l’indexation «mobile-first»
Aujourd’hui, les résultats ne sont pas probants. En août 2018, une étude menée par « Chartbeat » montrait que, aux États-Unis, seuls un tiers des sites web ont constaté une augmentation de trafic suite à l’implémentation du format AMP. Malgré tout, beaucoup ont décidé de maintenir le format… de peur d’être moins bien référencés en cas d’abandon ! Une manifestation claire de l’emprise de Google sur les éditeurs de contenus. Une emprise qui sera encore accrue par le lancement de nouvelles fonctionnalités, au premier rang desquelles une fonctionnalité implantée directement sur le navigateur web de Google, « Chrome » : « Google chrome suggestions ».
En 2016, le navigateur de Google, Chrome, devient un agrégateur de contenus
En 2016, Google lance Google Chrome Suggestions, des articles « pour vous », uniquement sur mobile. Le principe : lorsqu’un internaute ouvre un nouvel onglet du navigateur Chrome sur mobile, plusieurs contenus lui sont proposés (voir l’exemple ci-dessous). Ces contenus sont censés être proches de chaque utilisateur puisqu’ils sont établis en fonction de son historique personnel.
Un exemple d’articles et vidéos présentés spontanément par Chrome sur mobile lorsque l’internaute ouvre un nouvel onglet.
La fonctionnalité est alors manifestement peu considérée par beaucoup de médias. Pourtant, elle génère, depuis 2017, un trafic non négligeable. À tel point que le trafic qui en était issu en mars 2018, aux États-Unis, était très proche de celui de Twitter.
Le trafic issu de « Articles pour vous » de Chrome sur mobile avait progressé de 2 100 % en 2017
Un trafic par ailleurs en forte croissance : la fondation pour le journalisme d’Harvard (NiemanLab) expliquait ainsi que le trafic issu de « Articles pour vous » de Chrome sur mobile avait progressé de 2 100 % en 2017, comme le montre le graphique ci-dessous.
En mars 2018, le trafic issu des suggestions Chrome atteignait quasiment celui de Twitter – et était en très forte croissance. Source du graphique : NiemanLab, John Saroff, « This is the next major traffic driver for publishers : Chrome mobile article recommendations, up 2,100 percent in one year », 29 mars 208.
Cette fonctionnalité de Chrome semble particulièrement importante en termes de trafic web pour la presse : en avril 2018, 97 % du trafic issu des suggestions de Chrome renvoyaient vers des pages datant de deux jours maximum. Autrement dit, des contenus d’actualités. Ce chiffre n’est « que » de 63 % pour le moteur de recherche Google. De ce point de vue, la fonctionnalité « Articles pour vous » sur Chrome ressemble fort à un Google Actualités personnalisé. In fine, si sa croissance se poursuit, l’outil est donc appelé à devenir une source de trafic non négligeable pour les sites de presse.
En bout de chaîne, c’est donc encore la domination de l’environnement Google sur la presse qui se renforce. Google ne s’arrête pas pour autant ici. En 2018, l’entreprise lance un moteur de recherche spécialisé supplémentaire. Celui-ci sera consacré à un format en fort développement pour les journaux : le fact-checking.
En 2018, Google mise sur un secteur journalistique en forte croissance : le fact-checking
Le 2 octobre 2018, Google lance une version bêta d’un nouveau moteur de recherche consacré aux contenus de fact-checking (vérification des faits). Le but déclaré : faire en sorte que le public puisse trouver plus facilement ce type de contenus. À l’heure où nous écrivons ces lignes (janvier 2019), ce moteur n’est pas accessible au public, seuls quelques journaux ou vérificateurs d’informations y ont accès. Google souhaite une ouverture au public courant 2019.
Pour l’instant, nous ne savons donc pas comment cet outil fonctionnera ni s’il sera utilisé par les internautes. Mais il y a fort à parier que les journaux pratiquant le fact-checking seront intéressés par ce nouvel agrégateur d’informations. Et, si cet espace connaît le succès de Google Actualités, ces journaux profiteront d’un surcroît de trafic web… et d’une dépendance accrue, à nouveau, à Google.
Que se passera-t-il quand Google décidera que le fact-checking n’est plus un format utile ?
Que ce type de médias — soucieux de la qualité de l’information — bénéficient d’une plus grande visibilité sur le web est positif. Qu’en revanche, ce surcroît de visibilité soit obtenu grâce à une seule et même entreprise, à savoir Google, cela pose problème. Car que se passera-t-il quand Google décidera que le fact-checking n’est plus un format utile ? Pour comprendre pourquoi cette hypothèse est crédible, il faut d’abord bien comprendre les motivations de Google.
Si le moteur de recherche crée un outil pour rendre plus accessible le fact-checking, ce n’est pas seulement par volonté de mieux éclairer le débat public. Comme Facebook, Google a un problème avec les médias : les deux ne veulent assumer ni le financement du journalisme (voir plus haut : « 2014, Google fait plier la presse allemande») alors même qu’ils en tirent, indirectement, des bénéfices importants, pas plus qu’ils ne souhaitent assumer la responsabilité qui leur incombe en tant qu’éditeurs. En conséquence, la presse et les élu·es européen·es exercent un lobbying de longue date pour forcer les deux géants du numérique à financer le travail journalistique. En septembre 2018, ils ont d’ailleurs obtenu gain de cause avec le vote par le Parlement européen de la proposition de directive sur le droit d’auteur (voir plus bas).
Ce contexte permet d’éclairer l’ouverture par Google d’un moteur de recherche spécialisé dans le fact-checking. Cette initiative répond en effet à un impératif pour le groupe de Mountain View : peser dans la bataille de lobbying qui l’oppose à la presse et aux élu·es. Dans le contexte actuel d’obsession politique pour les fausses nouvelles, prendre sa part dans la lutte contre celles-ci ne peut pas faire de mal pour une entreprise très critiquée.
Prendre sa part dans la lutte contre les fausses nouvelles ne peut pas faire de mal pour une entreprise très critiquée
Et montrer patte blanche dans la lutte contre les fausses nouvelles n’est pas le seul levier utilisé par le moteur de recherche pour apaiser ses relations avec les élu·es et la presse : Google utilise également la voie financière. Depuis plusieurs années déjà, le moteur de recherche finance en effet des projets journalistiques en Europe. En 2018, la France en bénéficiait largement. Une corde de plus à l’arc de Google : après la dépendance en matière de trafic, la presse allait devenir dépendante du géant californien pour son financement. Là aussi, les motivations à la source de cette décision étaient moins louables que le laisse entendre Google.
Google est l’un des grands financeurs de la presse française
Google finance directement et indirectement la presse française. Indirectement, car la presse se finance en partie via des recettes publicitaires. Or, Google est dominant sur le marché publicitaire en raison de sa régie publicitaire massivement utilisée par les éditeurs de contenus, même si certains journaux, notamment français, explorent d’autres voies. Par ailleurs, l’entreprise californienne finance aussi directement la presse : par la voie de son projet « Google News Initiative », Google distribue chaque année des fonds aux journaux européens pour financer différents projets journalistiques sur Internet. En 2018, 94 millions d’euros ont ainsi été distribués à différents titres de presse européens. La presse française a alors bénéficié de 10,2 millions d’euros.
En 2018, Google a distribué 94 millions d’euros à différents titres de presse européens
Ce financement direct sera probablement renforcé prochainement puisque le « droit voisin », a été voté en septembre 2018 par le Parlement européen (Directive sur le droit d’auteur à l’ère numérique). Ce droit est dit « voisin » car il s’inspire du droit d’auteur : là où le droit d’auteur fait payer, par exemple, les radios pour la diffusion de la musique sur leurs antennes, le « droit voisin » veut faire payer une licence aux opérateurs numériques pour la diffusion des articles de presse. À l’heure où nous écrivons (janvier 2019), ce droit n’est cependant pas encore en application : « le Parlement doit entrer en négociations avec le Conseil européen et la Commission européenne pour mettre au point le texte final, qui sera à nouveau soumis au vote » selon Le Figaro. Par ailleurs, les États devront ensuite décliner cette directive dans le droit national, selon des modalités qu’il leur appartient de décider.
Google est ainsi, de fait, devenu un grand financeur de la presse européenne. Cependant, les choses évoluent. Au début de la démocratisation du web, à la fin des années 1990, le modèle du contenu en accès libre devait permettre, aux yeux des directions de rédaction, une augmentation des revenus issus de la publicité. Le raisonnement était simple : plus de pages web consultées par le lectorat engendre une augmentation des prix des espaces de publicité vendus aux annonceurs. In fine, cela génère un chiffre d’affaire plus élevé pour la presse. Des années plus tard, ce modèle est remis en question, surtout en France, au profit d’un journalisme numérique par abonnement payant.
Le journalisme payant devient lui-même dépendant de Google
La presse française a en effet largement basculé vers le contenu payant, avec des modalités diverses selon les cas. Ainsi, « 95 % des journaux d'actualité papier ont adopté ce modèle » relevait le Journal du net en mai 2017, relayant les résultats d’une étude de l’Institut Reuters publiée en 2017. Un chiffre qui révèle une originalité française : « Encore 48 % des journaux d'actualité papier allemands proposent leur offre web gratuitement. Ils sont 60 % en Italie et 67 % au Royaume-Uni. »
Ce basculement vers le payant pourrait être considéré comme une solution à la domination de Google. Après tout, si les journaux tirent des revenus importants grâce aux abonnements numériques, ils pourraient être moins dépendants de revenus issus de Google. En réalité, ce n’est pas vraiment le cas. Car, pour permettre une augmentation des abonnements, la presse a besoin de faire connaître sa production auprès de nouveaux lecteurs. De ce point de vue, Google, en particulier Google Actualités, reste indispensable. D’autant plus que, comme nous le disions plus haut, l’utilisation de Google Actualités a été multipliée par trois depuis mai 2018 en moyenne dans de nombreux pays, dont la France.
Surtout, cette dépendance à l’espace actualités du moteur de recherche s’est accrue depuis mars 2018. Au printemps dernier, Google annonce en effet le lancement du service Subscribe with Google. Le principe : faciliter le processus d’abonnement à un site de presse. En mobilisant les informations dont il dispose déjà pour de nombreux internautes, Google pré-remplit les formulaires nécessaires (nom, prénom, numéro de carte bancaire…) lorsqu’un un lecteur souhaite s’abonner à un titre. Celui-ci n’a alors plus qu’à valider. En France, les quotidiens Le Parisien, Les Échos et Le Figaro avaient d’ores et déjà adhéré à cette fonctionnalité à son lancement.
Source : Google. Les journaux adhérents au programme Subscribe with Google, Mars 2018.
Autrement dit, même quand la presse applique un modèle payant, elle reste partiellement dépendante de Google. Là encore, pour les mêmes raisons qu’évoquées plus haut, les motivations de Google sont politiques, même si des raisons économiques existent aussi comme l’explique NextInpact. Le système proposé par Google a en effet, selon le journal, « de quoi [lui] assurer d'être le grand gagnant puisqu'il gère l'abonnement, dispose des données, propose une mise en avant publicitaire avancée et prend une commission au passage. »
Même quand la presse applique un modèle payant, elle reste partiellement dépendante de Google
Concevoir de tels outils permet, pour Google, de se montrer comme partenaire de la presse « de qualité » (selon l’expression utilisée par le groupe de Mountain View) – et d’éviter les questions fâcheuses. En premier lieu : la répartition des revenus entre Google, qui tire pleinement parti des contenus médiatiques, et la presse, qui est confrontée à un modèle encore partiellement fondé sur la publicité en ligne de moins en moins rentable.
En privatisant l’accès à la presse, Google pose un grave problème démocratique
Bien que Google soit une multinationale hors-normes, l’entreprise agit avant tout comme n’importe qu’elle entreprise privée : en prenant des décisions dans son seul intérêt et en ne rendant de comptes qu’à ses actionnaires. Qu’un objet aussi fondamental que la presse d’informations générales et politiques devienne de plus en plus dépendante d’un tel acteur constitue donc un grave problème démocratique.
Un problème d’autant plus grave qu’il va croissant. Le vote du projet de directive autour du droit d’auteur par le Parlement européen pourrait en effet accroître la dépendance à Google. L’entreprise californienne deviendrait en effet un financeur de la presse encore plus important. Les modalités exactes ne sont certes pas encore décidées, mais le danger est bien réel : un groupe privé aurait alors droit de vie ou de mort (financière) sur la presse.
Par ailleurs, bien au-delà de l’habituelle critique selon laquelle la presse, dépendante financièrement de Google, ne pourrait plus enquêter sur le groupe de Mountain View, c’est à la privation possible d’accès à l’information dont il est question ici, tout simplement parce qu’un acteur privé l’aurait décidé. Scenario impossible ? Google vient pourtant d’annoncer qu’il pourrait fermer Google Actualités si la directive européenne sur le droit d’auteur était appliquée telle qu’elle est rédigée aujourd’hui (janvier 2019).
Certes, la diversité du web — et d’Internet en général – permettra, même en cas de coup de Trafalgar de Google, d’accéder à l’information en ligne par d’autres voies. Mais la domination du moteur de recherche n’est-elle pas d’ores et déjà trop importante pour considérer ces alternatives ? Quoi qu’il arrive, la dépendance des journaux en ligne au groupe californien est tellement ancrée que n’importe quel vent contraire décidé par Google fragiliserait l’ensemble de la presse. Qu’arrivera-t-il, en effet, quand la presse ne sera plus un levier de lobbying pour Google ?