Nos identités numériques façonnées par les réseaux sociaux

Nos identités numériques façonnées par les réseaux sociaux

Nous sommes de plus en plus présents sur les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, YouTube et LinkedIn. Mais quelles contraintes et logiques façonnent notre identité virtuelle ?

Temps de lecture : 2 min

31 millions d’utilisateurs actifs sur Facebook, 26 millions sur YouTube, 14 millions sur Twitter. En France, comme dans le reste du monde, le nombre de membres des réseaux sociaux ne cesse de croître. Une croissance qui n’est pas sans poser question, à commencer par savoir comment se détermine notre identité sur ces plateformes.

Dans Les Fabriques de soi ?, Gustavo Gomez Mejia, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université François-Rabelais, analyse la façon dont nos identités en ligne sont influencées et déterminées par les sites du web contemporain.

Des identités standardisées

Par l’emploi de l’expression « web contemporain », l’auteur entend se départir des autres définitions à caractère mélioratif (« web 2.0 », « web social », « web participatif ») et illustrer que son propos ne se limite pas uniquement aux grands réseaux sociaux. Force est de constater, selon Gustavo Gomez-Mejia, que ce web contemporain entraîne une standardisation de notre identité et rend impossible l’expression d’une personnalité propre.
 

 Nous avons le sentiment d’avoir composé notre propre journal sur Facebook, bien qu’il soit similaire à tous les autres  
Sur le web, il ne peut y avoir de producteur de contenus qui puisse se passer d’un « compte auteur » ou « compte utilisateur ». Ce compte est systématiquement identifié par un numéro généré par la machine. Si la façade est personnalisable (on choisit son nom d’utilisateur sur Facebook et Twitter), l’architecture du site reste déterminée par la machine. Un système standardisé nous apparait donc faussement personnel. La composition de nos profils correspond à une forme de tableau générique où chaque personne définit son identité via son nom et sa photo en premier lieu, puis par des éléments secondaires tels que ses centres d’intérêt, ses publications, ses amis, etc. Les concepts utilisés pour définir les formes de ces espaces « personnels » (mur/journal, chaîne, espace) aident à nous faire accepter cette standardisation. Nous avons le sentiment d’avoir composé notre propre journal sur Facebook, bien qu’il soit similaire à tous les autres dans sa conception.

L’influence des constructions médiatiques

Les réseaux sociaux sont de plus en plus considérés comme des médias à part entière. Ils sont les premiers vecteurs d’information pour bon nombre de leurs utilisateurs, Facebook et Twitter en tête. En outre, les sites du web contemporain ont hérité des codes des médias de masse : rubriques, influence de l’actualité, importance de la popularité et de l’audience. Ainsi, comme l’avance Gustavo Gomez-Mejia, « les internautes deviennent productifs au sens médiatique du terme ».

Le rythme auquel nous publions est façonné par cette logique. Les fils d’actualité nous amènent à reconnaître ces derniers comme pourvoyeurs d’informations à produire ou à consommer. L’organisation en flux des publications sert à capitaliser leur valeur d’actualité. Ainsi, les posts brefs s’enchaînent et l’ami devient un abonné. Les fils nous entraînent à vérifier régulièrement nos comptes, en quête de nouvelles.

À qui profite le « like » ?

Le web contemporain met l’accent sur la popularité des publications, poussant de fait les internautes à penser leurs productions selon leur potentiel de popularité. Cette dernière s’orchestre en quelques clics, dont l’ensemble est comptabilisé systématiquement et érigé comme preuve irréfutable du succès d’un contenu. C’est par ce biais que les réseaux sociaux entretiennent la posture de « fan ». Les internautes sont réunis en bases de fans de n’importe quel produit, marque ou personnalité.
 
 Il n’y a pas de surveillance généralisée de la part des Facebook et consorts 
Si le web contemporain essuie souvent des critiques relatives au respect de la vie privée, où l’épouvantail de Big Brother n’est jamais très loin, Gustavo Gomez-Mejia veut dépasser ce débat. Selon lui, « personne ne regarde personne » et il n’y a pas de surveillance généralisée de la part des Facebook et consorts. Les internautes s’expriment de façon standardisée et dans des formes qui sont tournées vers les partenaires industriels des réseaux sociaux.
 
Les sites jouent énormément de l’amphibologie, c’est-à-dire le double sens, des termes « profils », « aimer », « partager » ou encore « amis ». Par exemple, « profil » est hérité du langage marketing qui servait à définir un client-type, mais peut aussi s’apparenter à une notion psychologique. C’est d’ailleurs sous cette forme qu’il est présenté aux internautes. Aussi, l’internaute « partage » des contenus de façon désintéressée, faisant de fait le jeu des partenaires industriels. Par exemple, « liker » la page d’une célèbre marque de pâte à tartiner permet à celle-ci de valoriser son image grâce à une communauté de « fans » importante.
 
Cet ouvrage, souvent pointu et parfois ardu, nous permet de mieux appréhender la façon dont nous construisons nos identités, dans les limites techniques que nous imposent les plateformes et sous l’influence des autres utilisateurs, des marques, et des codes médiatiques.

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