Quelle stratégie sur le web pour les radios généralistes ?

Quelle stratégie sur le web pour les radios généralistes ?

Les stations de radio généralistes françaises diversifient leurs activités en ligne et s’engagent dans un processus d’innovation pour faire face à la concurrence
Temps de lecture : 16 min

Depuis la fin des années 2000, après l’éclatement de la bulle internet et l’explosion des réseaux sociaux, le paysage médiatique se reconfigure en permanence, dans un contexte de crise économique et financière internationale. Face à une concurrence de plus en plus nombreuse, et sur un marché publicitaire émietté, les médias sont poussés à adopter des stratégies de recherche et développement et à mener une politique du risque. C’est le cas des stations de radio généralistes françaises, qui diversifient leurs activités en ligne et s’engagent dans un processus routinier d’innovations. Le média radio reste encore relativement hors de danger en matière d’audimat : 85  % de la population écoute la radio tous les jours. Avec plus de 43 millions d'auditeurs quotidiens en 2013,
 la radio reste le premier média de France  
la radio reste le premier média de France, le plus consulté par les Français de tous âges et de toutes catégories socioprofessionnelles.  Pour la 24e année consécutive, la radio est considérée par le public comme le média le plus crédible(1). Elle fait preuve d’une bonne santé, avec une diversité et une complémentarité de l’offre proposée par les secteurs commercial, associatif et de service public. Pour Europe 1, France Inter, RMC et RTL, la révolution numérique est porteuse de challenges. Elle permet la démultiplication des contenus et suscite des carrefours d’audience, mais représente un défi  pour la radio, car « le web est un univers du visuel, alors que la radio est un univers de l’imaginaire »(2).
 
Le paysage des radios généralistes en France se compose d’une station de service public, France Inter, qui appartient au groupe Radio France, et de trois stations privées : Europe 1, détenue par le groupe Lagardère ; RMC, qui forme avec BFMTV notamment le groupe NextRadioTV ; et RTL du groupe IP Radio.

Les usages dictent les pratiques

Les habitudes de vie nomades des internautes et leurs modes d’utilisation des nouvelles technologies aboutissent à une consommation morcelée et mouvante des médias, basée sur le picorage. Les réseaux sociaux favorisent les pratiques de lifelogging (rendre compte de ses actions quotidiennes en ligne(3), multiplient les espaces d’interactivité, et accentuent les phénomènes de multitasking (mener conjointement plusieurs activités liées aux nouvelles technologies).


Ces usages façonnent l’offre numérique, guident les pratiques des professionnels des médias qui sont poussés à innover pour s’adapter aux modes de consommation des internautes et notamment des « Digital Natives ».
 
À Radio France, la Direction des Nouveaux Médias et la Direction du Développement et de la Diffusion mènent une réflexion commune sur les usages du public, comme l’expliquait Xavier Nouaille.
 
Le groupe Lagardère s’inscrit également dans cette démarche d’anticipation des futurs usages. Selon Denis Olivennes, président de Lagardère Active, « les contenus radiophoniques sont adaptés aux nouveaux besoins et usages. ». Les dirigeants d’Europe 1 ont donc choisi « d’accélérer pour être les plus innovants et actifs possible sur ce terrain pour se préparer à une transformation à venir certaine »(4).
 
Le groupe NextRadioTV a quant à lui beaucoup investi sur les possibilités offertes par Internet, afin de demeurer compétitif sur deux points forts de l’information radiophonique : l’instantanéité et la mobilité de l’écoute. « Aujourd’hui, déclare Alain Weill, la première source d’information du public devient le smartphone avec les alertes ». Le président du groupe détenteur de RMC affirme donc la nécessité « de s’adapter à l’usage des terminaux mobiles qui donnent accès immédiatement à l’information publiée »(5).
 
Christopher Baldelli, président de RTL radio, revendique lui aussi la volonté de prendre les usages des auditeurs comme point de départ aux stratégies d’innovation du groupe, en développant notamment le podcast et la vidéo(6).

La radio concurrencée sur tous ses points forts

La radio, qui a bâti son succès sur le flux, le multicanal, le mobile et le gratuit, est désormais concurrencée par de multiples prestataires d’information en ligne, qui adoptent majoritairement le même modèle. Il s’agit de la presse en ligne, qui connait un essor fulgurant, mais aussi des moteurs de recherche et des agrégateurs de contenu.
 
L’un des points forts des radios généralistes face à la concurrence de la télévision et de la presse imprimée était l’aptitude à diffuser un flux de nouvelles mises à jour de façon quasi-continue. Elles doivent dorénavant rivaliser sur ce point avec les chaines télévisées d’information en continu(7), ainsi qu’avec les matinales d’information télévisées dont la pratique commence à se développer. Plus encore, les sites d’information en ligne proposent une couverture en temps réel de l’actualité, poussant les quatre généralistes à innover pour assurer le même rythme d’édition. L’instantanéité et la rapidité de la diffusion des informations, qui faisaient la force de l’information radiophonique, constitue à présent un défi à relever pour Europe 1, France Inter, RMC et RTL.
 
En effet, les sites de presse en France génèrent 8,6 milliards de pages vues en 2013, ce qui représente une progression de 8,1 % par rapport à l’année 2012, tandis que les applications de presse cumulent 3,3 milliards de visites, soit une augmentation de 104,5 % entre 2012 et 2013. Environ un tiers d’entre eux diffusent une information entièrement gratuite, un tiers tarifient l’ensemble de leurs contenus aux internautes, et un tiers propose un modèle freemium, c’est-à-dire mêlant des contenus libres d’accès et des contenus à accès payant. À cette concurrence pléthorique, vient s’ajouter celle des moteurs de recherche qui fournissent leur propre timeline d’actualités.
 
Concurrencée également par tous les créateurs de contenus informatifs sur les supports numériques, la radiodiffusion conserve cependant le bénéfice exclusif d’une panoplie de supports analogiques spécifiques : transistor, auto-radio, radio-réveil… Ainsi, en 2013, un foyer français réunit en moyenne « 9,6 équipements capables de recevoir la radio » :

 
Equipement des modes de réception de la radio, premier semestre 2013
 

 

La diffusion multicanal et la réception multisupport continuent à constituer un atout pour la radiodiffusion, qui demeure un média plus facile d’usage que les autres : on peut l’écouter en conduisant, en effectuant des tâches ménagères, en pratiquant du sport…

 

Stratégie de présence multimodale

Dans ce contexte, les quatre stations généralistes confirment leur stratégie de présence sur tous les canaux disponibles, tant en analogique qu’en numérique : ondes hertziennes en modulation d’amplitude (ondes longues et ondes moyennes) et en FM, Internet (sites web et applications dédiées pour les tablettes et les smartphones), bouquets satellites, et bouquets des fournisseurs d’accès Internet. Car la spécificité de la radio est bien la mobilité.
 
En 2014, pour s’informer, les Français ont encore majoritairement recours à la télévision et à la radio :

Utilisation des médias pour s'informer

Utilisation des médias pour s’informer, Médiamétrie, communiqué de presse du 18 février 2014

Habituées à atteindre les auditeurs où ils se trouvent, les radios veillent aujourd’hui à aller les chercher dans leur univers connecté, notamment via les réseaux sociaux. Ceux-ci représentent des foyers d’audience potentielle, des espaces de propagation par viralité pour leurs contenus, et des lieux de recommandation qui constituent un facteur d’entrée des internautes sur leurs sites.
 

 

Nombre d’abonnés aux pages Facebook et aux comptes Twitter des stations généralistes en 2014 (au 25 août 2014)
 

Mais les stations généralistes sont également concurrencées par les radios en ligne, notamment la radio 2.0 et les webradios.

Les stations généralistes concurrencées par la radio 2.0

Le secteur de la radio en ligne se compose d’une part des webradios et, d’autre part, de toutes les radios diffusées en mode hertzien qui proposent une écoute en ligne via un site web. Quant à la radio 2.0, elle désigne les radios diffusées en ligne (nées en ligne ou diffusées en hertzien), qui mettent l’accent sur l’interactivité. Ce secteur est marqué par un « contexte particulièrement dynamique ». Ce phénomène pousse les stations généralistes à innover, d’autant que ce marché, qui compte déjà 9 276 radios en ligne (publiques, privées, associatives)(8), est en plein essor. Cette concurrence est donc amenée à s’intensifier dans les années à venir.
 
Depuis 2012, les sites de radio 2.0 attirent en moyenne 14 millions de visiteurs uniques par mois, ce à quoi il faut ajouter les écoutes sur mobile et les écoutes « hors player », c’est-à-dire réalisées sur les logiciels de lecture audio (iTunes, Realplayer, WMP, Winamp) ou des agrégateurs (Liveradio, TuneIn, Radioline).
 


Sur le plan du marché publicitaire, les stations généralistes font face à la présence du secteur de la presse en ligne, de la radio en ligne, mais aussi à celle de grands groupes numériques internationaux qui échappent à toute régulation.

Des stratégies différenciées face à la concurrence internationale

L’existence de ces groupes internationaux puissants, diffuseurs et distributeurs de contenus informatifs de flux accessibles gratuitement, représente une menace aux yeux des dirigeants des stations généralistes privées : « Le numérique, déclare Denis Olivennes, a fait surgir un univers entier, non régulé, dans lequel des acteurs très puissants, mondiaux, tentent d’abuser de leur position dominante et constituent une menace considérable pour les radios. […] les gros acteurs jouent en dehors des règles fiscales et culturelles et créent une distorsion concurrentielle considérable ».
 
S’inspirant du modèle de la presse en ligne et des réseaux sociaux, les quatre généralistes proposent une offre délinéarisée de programmes et d’informations, sur leurs sites web et applications, et via leur présence sur les réseaux sociaux. Mais chacune d’elle prolonge le ton de son antenne et cultive son identité et ses affinités avec ses publics cibles.
 
Europe 1 table sur le modèle de l’infotainment, qui mêle information et divertissement. Elle revendique « impertinence et bonne humeur »(9), par exemple à travers Les insolites, et Le club.
 
France Inter déploie son modèle généraliste via la thématisation, et propose une radio augmentée, une information enrichie, une prescription culturelle élargie avec Les choix d’inter, et la Sélection musicale de France Inter.
 
RMC met l’accent sur le talk, qui mêle information et opinion, et sur le sport, traditionnellement au cœur de ses affinités avec son auditoire en ondes.
 
RTL présente également un modèle généraliste (info, sport, culture), décuplé en multimédia sur les écrans connectés (site web, application, réseaux sociaux).
En ligne, elles optent pour un contenu radiophonique dématérialisé et délinéarisé et une offre informative augmentée, multimédia, et live, avec un affichage anté-chronologique des actualités. Les quatre stations mettent en effet en œuvre des pratiques de live-twitting de live-blogging ou encore de live-notifications.

Europe 1 : média social

L’accès aux informations en ligne sur Europe1.fr est possible par diverses entrées : via les informations en Une, sous forme de texte, de photo ou de vidéo ; via les onglets « Europe1 vidéos », « info », « dernières infos », ou encore par rubriques thématiques.
 
La stratégie de mise en visibilité se décline en trois volets :
1-, la juxtaposition de pages sur lesquelles les mêmes contenus sont dupliqués augmente l’espace commercialisable auprès des annonceurs publicitaires.
2- les liens intégrés aux articles en ligne sont internes : ils renvoient vers d’autres pages du site ou vers les autres sites du groupe, comme le JDD ou Paris Match.
3- les modules interactifs, présents à toutes les pages du site, assurent une viralité des contenus produits par la station.
 
En effet, le site se caractérise par une multiplication des espaces sociaux : les internautes sont constamment invités à suivre Europe 1 sur les réseaux sociaux, à commenter, « réagir », et recommander. Les rubriques « La question du jour » et « Votre choix d’actu » et la hiérarchisation des articles par « les plus lus », « les plus commentés » mettent en valeur la participation des internautes. Qui plus est, des tweets sont intégrés aux articles, et les commentaires des internautes sont affichés sans être coupés et dans la même police de caractère que les autres contenus.
 
Europe 1 enfin, fait le choix de la « radio filmée ». Sur le portail des émissions, quasiment tous les contenus sont visionnables en vidéo : « Nous avons décidé de proposer aux auditeurs des contenus nouveaux qui ne sont pas de la tv, qui sont de la radio, mais sous une forme nouvelle. Nous avons commencé avec 8h de programmes en streaming en aout 2013, nous sommes aujourd’hui à 14h, c’est à dire 75 % de notre antenne que nos auditeurs peuvent regarder en même temps qu’ils l’écoutent »(10).

RMC : Radio 2.0

Contrairement aux trois autres stations généralistes, RMC privilégie un seul mode d’entrée vers l’information : la timeline antéchronologique. Tout comme celui d’Europe 1, le site web favorise la circulation des internautes entre les marques du groupe via des liens hypertextes intégrés aux articles et renvoyant vers des contenus publiés par BFM-TV ou RMC-Sport.
 
La station se revendique comme un espace d’expression permanente pour l’opinion publique, que ce soit à l’antenne, sur le site, sur l’application ou sur les réseaux sociaux. Il est ainsi possible de laisser son « opinion » sur la home page et sur les sites des émissions sans inscription préalable. Les auditeurs sont invités à réagir par mail à l’écoute des émissions. Chaque jour, une dizaine de sujets de société sont soumis au vote des internautes, appelés à répondre par « oui » ou « non » à une question portant sur l’actualité. Ces sondages sont intégrés à la timeline de la home page avec la mention « Opinions ». L’application décline également plusieurs espaces dédiés à l’expression des opinions des mobinautes : il est possible dès la page d’accueil de contacter la station par sms ou par téléphone. La rubrique « opinions » propose de choisir « quelle actu doit faire la une de RMC » parmi une dizaine de sujets, affiche leur classement et invite à partager son vote sur les réseaux sociaux.
 
Par ailleurs, RMC table sur le bi-média, en partenariat étroit avec BFM-TV. En effet, selon Alain Weill , les chaines d’information télévisées concurrencent la radio « car les gens veulent l’image, y ont accès facilement et y auront accès encore plus facilement avec la 4G ». La technologie permettant la convergence entre la radio et la télévision, le groupe s’efforce de « faire de la radiotélévision qui n’est pas de la radio filmée », avec « une image de très grande qualité, compétitive avec celle des autres chaines ».

RTL : Second écran

Le site et l’application de RTL proposent plusieurs entrées vers les contenus informatifs. Sur RTL.fr, l’accès aux news est possible via la Une, par onglets thématiques déclinés en sous-rubriques, par le module « flash actu » qui propose une timeline antéchronologique, par type de média et enfin par la colonne « toute l’info » suivie de « tout le sport » et de « tout le divertissement ». Sur l’application, l’accès aux informations peut se faire par la Une qui fait défiler sept actualités chaudes  ; par l’onglet « vidéos » qui mène à une page offrant le choix entre une lecture par timeline ou par rubriques « actualités », « divertissements », « musique » et « sports » ; par l’onglet « Toute l’actu », qui ouvre une page proposant trois timelines distinctes : « informations », « sport » et « culture ».
 
La duplication des contenus du site sur l’application constitue une porte d’entrée pour les mobinautes vers celui-ci. En effet, les mêmes articles sont publiés sur les deux interfaces. Les liens sont exclusivement internes, c’est-à-dire qu’ils mènent à des contenus RTL.
 
Les internautes sont incités à « aimer RTL sur Facebook », à suivre la station sur Twitter et Google +, à commenter chaque article après inscription : « réagir », et à « recommander » chaque article, chaque vidéo et chaque émission sur les réseaux sociaux. Le principe participatif est promu à travers les modules « La question du jour » et « Les plus lus », « Les plus commentés ». Comme sur le site d’Europe 1, les commentaires des internautes sont affichés en intégralité et dans la même police de caractère que les autres contenus, et des tweets sont parfois intégrés aux articles. Par ailleurs l’application permet aux mobinautes de « réagir en direct ».
 
Le site propose enfin une offre enrichie d’informations, avec les éditos en vidéo du « décodeur politique », les « Dossiers info » et les 8 blogs d’actu.

France Inter : Smart-radio

Le site de France Inter applique la stratégie des multi-entrées vers les contenus informatifs, en proposant à chaque fois une lecture par timeline anté-chronologique : « en ce moment », ou une classification par thèmes. La page d’accueil propose ainsi un fil d’actualités ; un rubricage par secteurs ; un choix par format : texte, photo, sons ; et une timeline thématique,  qui mêle des dépêches, des dossiers, et des émissions en réécoute.
 
Ce principe de self-radio ou de consommation « à la carte » se décline également sur l’application qui propose un modèle de smartradio (l’auditeur crée son propre flux personnalisé  de programmes en choisissant parmi les émissions de la station): via l’onglet « favoris », les mobinautes ont la possibilité de personnaliser leur programme radio, sur la base de multi-critères (par genre, par artistes…).
 
Les contenus radiophoniques sont augmentés avec des données associées, et l’actualité en ligne est enrichie  par rapport à celle diffusée à l’antenne : les articles intègrent des photos, des vidéos, des sons et des infographies qui apportent une nouvelle valeur ajoutée à l’information. L’offre radiophonique est élargie par des contenus en ligne comme « Les peintures stylo bille de Joann Sfar », qui dessine ce que lui inspire l’actualité.
 
France Inter revendique un rôle de prescription culturelle, avec notamment les rubriques Les choix d’inter, et Sélection musicale, mais aussi via les recommandations vers d’autres sites de presse. Cependant, les liens internes sont largement privilégiés, ce qui favorise la navigation des internautes à l’intérieur du site de France Inter et la visibilité de celui-ci sur le web.
 
Ainsi, les extraits d’interviews sont diffusés sous forme sonore quand ils ont été recueillis par un journaliste de France Inter, et cités entre guillemet quand ils proviennent d’autres médias. De même, les vidéos diffusées proviennent rarement d’autres sites de presse, quelques unes sont externes, mais la plupart sont produites par France Inter. Ces dernières se présentent en majorité sous forme de radio filmée (75-80 % environ), et de webdocs.
 
La station privilégie en ligne la valorisation de ses productions culturelles et de son antenne, avec par exemple un lien vers le kiosque qui présente les éditions Radio France.. Qui plus est, les posts en Une de la home page mènent vers des pages d’émissions. De même, il est possible d’aimer, de partager, de tweeter et de commenter les pages des émissions, mais pas les articles en ligne – à  part ceux de la rubrique Les Indiscrets. Les dossiers de la rédaction sont partageables sur les réseaux sociaux au bout d’un mois environ. Enfin, un module « les plus consultés – les plus commentés » est affiché en bas de la home page, et réunit des dépêches France Inter, des dossiers établis par la rédaction et des émissions diffusées à l’antenne.
 
Les stratégies de viralité et de thématisation des 4 stations généralistes ont notamment pour visée de lutter face à la concurrence des moteurs de recherche qui agrègent des contenus en provenance des sites de presse, ou encore de YouTube qui a lancé des chaines thématiques. Additionnées aux principes de dématérialisation et de délinéarisation, elles ont pour but également d’optimiser le référencement de leurs contenus en ligne.

Dématérialisation et délinéarisation

Les quatre radios généralistes offrent la possibilité de podcaster ou de réécouter leurs archives, mais avec des temporalités et des modalités variées. France Inter et RTL mettent à disposition en accès direct un stock couvrant les quatre dernières années de diffusion, RMC ouvre l’accès à un an d’archives, et Europe 1 à environ un mois d’émissions réécoutables via le site et l’application, tout en incitant à l’abonnement à ses podcasts par l’intermédiaire d’Itunes.
 
La stratégie d’Europe 1 privilégiant la lecture en podcast plutôt qu’en streaming porte ses fruits puisqu’aujourd’hui, la station peut se revendiquer, depuis 2012, la plus téléchargée de France, ce qui la rend attractive pour les annonceurs publicitaires.
 
La mesure du marché des Podcasts Radio en décembre 2013 :

 

RMC, en revanche, a fait le choix de ne plus souscrire à l’étude Médiamétrie 126 000 Radio, Alain Weill considérant que les mesures d’audience de la télévision et d’internet sont d’une précision supérieure à celles de l’audimat radio.
 
Le choix du podcast s’explique aussi par le fait que les progrès technologiques ont permis une augmentation de la capacité de stockage, tandis que la technologie streaming est fortement consommatrice de ressources. C’est pourquoi les stations proposent peu de sons dans la couverture live des actualités, mais offrent un stock important d’archives sonores.
 
À la recherche constante d’innovations pour lutter contre la concurrence et s’adapter aux usages, les fonctionnalités des sites web et des applications évoluent constamment. Mais ces dernières permettent également de perpétuer le modèle traditionnel de communication broadcast des radios généralistes.

Applications dédiées : retour au modèle broadcast

Les applications intègrent les dernières innovations technologiques. L’application RMC utilise par exemple la géolocalisation pour indiquer les fréquences locales de la station en ondes hertziennes.
 
Les quatre stations proposent un système de notifications qui permet aux mobinautes abonnés à leur application de recevoir les breaking news qui renvoient à un article offrant plusieurs liens d’entrée vers le site web de la station. Outre les alertes infos, RMC a recours aux live-notifications pour couvrir par exemple ses interviews événements. RMC assure ainsi la valorisation de ses exclusivités antenne, ainsi que la visibilité de son site via la viralité des contenus puisque chaque notification renvoie à une page article qu’il est possible de partager sur les réseaux sociaux.
 
Avec les applications,
 les stations généralistes pérennisent le modèle broadcast qui fait leur succès  
les stations généralistes pérennisent en réalité le modèle broadcast qui fait leur succès depuis des décennies. Le dispositif technique des applications est en effet plus déterministe que celui des sites web : la navigation y est très simple et pratique mais moins libre. La relation avec les auditeurs et internautes est davantage de type unilatéral, de un vers tous, comme à l’antenne. Seuls les commentaires externalisés sont possibles : chaque mobinaute peut partager sur les réseaux sociaux les contenus disponibles sur les applications, et assortir leur publication d’un commentaire. En revanche, aucune fonctionnalité ne permet de poster une réaction directement sur l’application. Ce sont les producteurs, animateurs et journalistes qui proposent des contenus, des rendez-vous, la pratique du picorage étant plus difficile. Ce dispositif est donc facteur de fidélisation, d’autant qu’il limite les possibilités de dispersion des mobinautes, qui ne peuvent naviguer facilement d’une application à une autre. Le principe des notifications, reposant sur une technologie push de communication, conforte encore cette prégnance du modèle broadcast. Enfin, le support mobile (tablette) ou de poche (smartphone), se rapproche du mode de réception traditionnel de la radio sur transistor.
 
Les applications constituent par ailleurs un espace complémentaire au second marché publicitaire généré par les sites web des 4 stations généralistes.

Second marché publicitaire

Dans un contexte de réduction des financements, le développement des sites et des applications représente un investissement coûteux mais rentable
 le développement des sites et des applications représente un investissement coûteux mais rentable 
. Les quatre stations s’appuyant sur un modèle économique de gratuité pour les consommateurs, c’est auprès des annonceurs publicitaires que sont commercialisés les espaces éditoriaux à l’antenne et en ligne. L’exploitation des sites web comme second marché publicitaire au bénéfice des radios est doublement vertueuse.
 
D’une part, la démultiplication des pages internet augmente la surface disponible pour le marché publicitaire. Cette extension spatiale améliore la visibilité du site et favorise une captation des auditeurs et internautes. Plus l’audience (calculée en nombre de visiteurs uniques, en clics, en audience cumulée ou en part d’audience) est large, plus elle représente un attrait pour les investisseurs publicitaires, et plus les espaces sont monétisables auprès de ces derniers. Autrement dit, davantage d’espace et davantage d’audience génèrent une augmentation des financements publicitaires.
 
D’autre part, les stations et leurs sites web fonctionnant sur le principe de l’économie d’échelle, le coût moyen diminue à mesure que l’audience augmente : « une fois le seuil de rentabilité atteint, la croissance des recettes est déconnectée des coûts supportés »(11).
 
Les groupes Lagardère et NextRadioTv parviennent à concurrencer les grands groupes internationaux sur le marché publicitaire. Au palmarès des sites les plus visités en France, le Groupe Lagardère se situe à la 6e place, avec 20 500 000 visiteurs uniques (VU) par mois, et le Groupe NextRadioTV à la 39e, avec 8 610 000 VU/mois(12).
 
Europe 1, France Inter, RMC et RTL relèvent le défi du numérique. Dans un contexte de crise, leurs chiffres d’affaire sont en baisse, mais leurs scores d’audience en ligne progressent. Leurs revenus publicitaires reculent moins que ceux de l’ensemble des médias. Entre 2003 et 2013, les quatre stations généralistes n’ont perdu que 0,5 % d’audience cumulée en ondes, alors que l’audience de l’ensemble du secteur radiophonique a reculé de 5,5 % face à la concurrence des agrégateurs de contenus informatifs et musicaux.
 
Le numérique est une chance pour la radio : en 2012, 11,4 % de l'audience se faisait sur les nouveaux supports d'écoute (ordinateur, mobile, téléviseur)(13). Le bi-média lui permet de profiter de l’essor de la publicité vidéo.
 
En 2013, les signes de reprise se font sentir pour les quatre radios. Pour maintenir ce cap, il leur faudra continuer à anticiper les attentes, à adapter l’offre aux usages, à enrichir leurs contenus, tout en cultivant les points forts de l’information radiophonique.

Données clefs


Références

Jean-Marie CHARON et Patrick LE FLOCH, La presse en ligne, La Découverte « Repères », 2011, 126 pages.

Pascal DURAND, « Radios associatives de la FM à Internet (atouts, enjeux et perspectives) », Forum « médias Citoyens », Lyon, 19 octobre 2012.
 
Xavier FILLIOL, « La radio 2.0 : un nouveau paysage audio, plus riche et plus participatif », E-dossier de l’audiovisuel : le son dans tous ses états, Ina expert, janvier 2013.

IAB France, Le GESTE, La Radio 2.0, 2012.

Marius ORTIZ, Lifelogging, Quantified-self et Géolocalisation. Vers une modification de notre conception des interfaces utilisateurs ? Master Information et Communication, Université Stendhal Grenoble 3, sous la direction de Caroline Ange, 2013.

--
Crédits photos :
Blumblaum / Flickr
(1)

Baromètre TNS-SOFRES 2014 pour La Croix, mesurant la confiance des français dans leurs médias.

(2)

Zyad Malouf, Carte blanche à RFI, Colloque GRER, Information et journalisme radiophonique à l’ère du numérique, Strasbourg, 21 mars 2014.

(3)

Marius Ortiz, Lifelogging, Quantified-self et Géolocalisation. Vers une modification de notre conception des interfaces utilisateurs ? Master Information et Communication, Université Stendhal Grenoble 3, sous la direction de Caroline Ange, 2013, pp. 6 et 19.

(4)

Denis Olivennes, Assises de la radio, Paris, 25 novembre 2013. 

(5)

Alain Weill, Assises de la radio, Paris, 25 novembre 2013.  

(6)

Christopher Baldelli, Assises de la radio, Paris, 25 novembre 2013. 

(7)

LCI créée en 1994, I>Télé en 1999, BFM TV en 2005, France 24 en 2006, BFM Business en 2010.

(8)

24e Observatoire de la presse, OJD, 9 avril 2014.

(9)

Denis Olivennes, Assises de la radio, Paris, 25 novembre 2013.

(10)

Denis Olivennes, Assises de la radio, Paris, 25 novembre 2013.

(11)

Jean-Marie Charon et Patrick Le Floch, La presse en ligne, La Découverte « Repères », 2011, p. 63.

(12)

Le Top 50 des Groupes les plus visités en France, Audience internet en France, janvier 2013, Médiamétrie. 

(13)

Stratégies.fr, dossier radio, février 2013. 

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