Activisme et engagement civique
Ces communautés de pratiques participatives encouragent l’activisme et l’engagement civique, à travers les conversations, partages d’expériences et de connaissances autour des changements politiques et sociaux. À l’intérieur de ces communautés, les questions identitaires,
déjà abordées par John Fiske dans ses travaux, marquent une affiliation qui va donner un moyen d’ «
empowerment » aux jeunes publics en particulier. Les jeunes publics réutilisent les compétences acquises par leurs activités de fans, dans une perspective politique. Les auteurs notent ainsi que « l’appropriation et le remix des contenus médiatiques sont devenus une tactique largement utilisée dans les mouvements politiques de toutes sortes orientés pour les jeunes » (p. 157).
C’est le cas de la Harry Potter Alliance, créée par un fan (Andrew Slack). Cette alliance crée des liens entre la participation culturelle et la participation politique, tout en mettant en avant des pratiques hybrides mêlant actions civiques et activités de fans. Andrew Slack parle d’ « acupuncture culturelle ». L’acupuncture culturelle favorise une participation civique en s’inspirant des problèmes de la fiction pour résoudre des problèmes de la vie réelle : la HPA organise ainsi chaque année
une collecte de livres à destination des pays en voie de développement. De manière explicite, la HPA « encourage les jeunes publics à embrasser leur propre identité personnelle et à s’engager dans le changement des politiques publiques » (p. 168). D’autres exemples existent comme le mouvement «
it gets better » encourageant les jeunes à partager leurs expériences de
coming out et qui a, lui, eu l’effet inverse de celui escompté puisque ces partages d’expériences les ont rendus vulnérables au harcèlement dans les écoles.
De façon intéressante, danah boyd utilise l’analogie avec le MMORPG pour expliquer qu’à travers leurs négociations et leurs participations dans un environnement de jeu, les jeunes publics acquièrent un sens de la responsabilité et du leadership qui leur permet ensuite de comprendre l’engagement civique.
Il arrive aussi que les fans se mobilisent pour défendre l’objet de leur activité de fans. Henry Jenkins rappelle ainsi comment les communautés de fans s’organisent en lobbies pour faire pression sur les producteurs et diffuseurs
pour sauver des séries de l’annulation.
Cet ouvrage, fait de conversations entre trois chercheurs, est fondamental pour comprendre la notion de la culture de la participation. Loin d’être techno-déterminée, celle-ci met l’accent sur la collaboration, le partage de valeurs et de normes et un engagement collectif dans des projets communs. Cette notion est toutefois en constante évolution : « [il s’agit] un concept évolutif qui doit toujours s’appréhender en relation avec des pratiques et des normes existantes » (p. 186) et notamment les pratiques et les activités de fans.