A-t-on encore besoin des médiateurs ?

A-t-on encore besoin des médiateurs ?

Alors que les médias font face à une défiance sans précédent, que les fake news polluent le débat public et que l’on peut interpeller directement les journalistes sur les réseaux sociaux, que vont devenir les médiateurs ?
Temps de lecture : 13 min

En mai 2017, lorsque le New York Times supprime (entre autres) le poste de public editor, dont l’équivalent en français serait le médiateur, de nombreux médias américains commentent alors la décision. Ce qui peut surprendre, car le rôle du médiateur n’est pas très connu en France. On en parle peu, peut-être parce que peu de médias français s’en sont dotés : Ils ne sont qu’une dizaine, répartis entre la presse régionale, TF1 et LCI, le Monde et l’audiovisuel public. Ce rôle de médiation entre les lecteurs, téléspectateurs, auditeurs et leurs médias semble être en pleine redéfinition, voire disparition. Ce qui peut paraître paradoxal à l’heure des fake news et d’une crise aigüe de la confiance des citoyens à l’égard des journalistes.
 
« C'est une fonction très ancienne, explique Patrick Eveno, historien des médias et Président de l'observatoire de la déontologie de l'information (ODI). Ce sont les les suédois qui ont inventé ça, sous le nom « d'ombudsman ». C'est quelqu'un qui est à l’intérieur ou en dehors de la rédaction, sans position de subordination par rapport au directeur ou au patron et face au public. Il répond aux demandes de ce dernier, lui explique le travail de la rédaction et transmet ses réactions aux journalistes. C’est donc réellement un travail de médiation ». Le tout premier « ombudsman » apparaît en 1890, mais celui-ci ne travaille pas dans un média : il reçoit les critiques que les citoyens formulent à l’égard du gouvernement suédois. 
 
 En France, c’est au Monde que le premier médiateur apparaît, en 1994 
C’est en 1922, au Japon, qu’apparaît pour la première fois ce rôle dans une entreprise de presse. Un comité composé de plusieurs personnes est formé au sein du quotidien japonais Asahi Shinbun pour faire le relais entre les publics et la rédaction. Aux États-Unis le premier médiateur est embauché pour le journal local de Louiseville, dans le Kentucky, en juin 1967 tandis que le New York Times crée le poste en 2003, après l’affaire Jason Blayr (ce journaliste du quotidien avait falsifié un grand nombre d’articles, inventant des témoins, des sources ainsi que de nombreux détails). Six personnes ont occupé cette fonction avant sa suppression le 31 mai dernier. En France, c’est au Monde que le premier médiateur apparaît, en 1994, lorsque Jean-Marie Colombani, directeur du journal, confie cette mission à André Laurence (directeur de la publication du journal entre 1982 et 1985). Lui ont depuis succédé Robet Solé, Thomas Ferenczi et Franck Nouchi.
 
Marie Laure Augry, figure du journal télévisé de TF1 dans les années 1980 aux côtés d’Yves Mourousi, a quitté récemment le poste de médiatrice des informations de France 3, qu’elle a occupé pendant plus de dix ans(1). Pour elle, le médiateur « porte la parole du téléspectateur, [il] la fait vivre au sein des rédactions », et la médiation qu’il organise entre les journalistes et les téléspectateurs permet de mener une réflexion commune sur l'approche de l’actualité. Bruno Denaes, médiateur de radio France depuis un peu plus de deux ans, est sur la même ligne. « Un médiateur, ça veut bien dire ce que ça veut dire,  il est au milieu et il fait la part des choses. Je suis la voix des auditeurs au sein de radio France, mais je ne suis pas là pour donner raison soit aux uns soit aux autres ». Le médiateur permettrait ainsi d’ouvrir une fenêtre sur leurs médias aux lecteurs, téléspectateurs et auditeurs. En leur montrant comment l’information est produite et en expliquant les logiques qui régissent les fonctionnements des programmes, le médiateur pourrait recréer ou renforcer la confiance des publics. Franck Nouchi, actuel médiateur du Monde, partage cet avis et considère que le poste est vital pour renforcer les liens entre le public et les rédactions : « Je suis profondément convaincu que plus on explique ce que l'on fait, comment on le fait, les difficultés que l’on rencontre, que l’on avoue nos erreurs, plus on dialogue avec les lecteurs et plus on arrivera à vaincre ce mur de méfiance qui s'est installé petit à petit entre nous ».

Une histoire globale, des particularités nationales

 La disparité des méthodes de médiation peut s’expliquer par les spécificités culturelles de chaque pays 
Si la mission de connecter le public aux rédactions reste une constante, il existe des particularités nationales. «  Par exemple dans les pays anglo-saxons, notamment au Canada, explique Marie-Laure Augry, les médiateurs instruisent des plaintes. Ce n’est pas une fonction qui m'aurait intéressée. Ils enquêtent à partir des réclamations du public et ils déterminent si le plaignant a raison ou non. Tout ça revêt un certain côté juridique ».
 
Du côté de la Suisse, à la RTS, le médiateur est en général un avocat ou un chercheur dont le rôle est d’éviter d’éventuelles démarches judiciaires. En Belgique, à la RTBF, le service de médiation doit systématiquement répondrea ux lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs dans un délai de 30 jours ouvrables.  Pour Patrick Eveno, cette disparité des méthodes de médiation peut s’expliquer par les spécificités culturelles de chaque pays. « La force de la société civile est plus importante dans les pays comme la Suisse, la Belgique ou le Canada qu'en France, où la culture de la discussion et du consensus est bien plus rare et vire bien plus rapidement à l'affrontement. Mais il y a aussi des pays comme l'Angleterre où la pratique est plutôt celle du « on fonce d'abord et on réfléchit après » ».
 
Si les médiateurs français partagent la même vision de leur rôle, tous ne travaillent pas de la même manière. Marie Laure Augry animait un blog ainsi qu’une émission diffusée tard dans la nuit sur France 3, « Votre Télé et Vous», où elle invitait des journalistes des rédactions de France 3 et des téléspectateurs. Bruno Denaes présente des émissions sur France Culture, France Info et France Inter et écrit plusieurs lettres à destination des directions et des rédactions de Radio France. Franck Nouchi rédige régulièrement dans le Monde, en ligne et sur papier. Il organise aussi des rencontres avec des abonnés dans l’auditorium du quotidien, pour évoquer les méthodes de travail des journalistes et les évolutions du journalisme. « Il y a forcément des conceptions différentes, détaille Patrick Eveno. Ça dépend des sensibilités et des rédactions et des médias, ce n’est pas la même chose dans l'audiovisuel et dans l'écrit. Dans les journaux, c'est une manière de répondre au courrier des lecteurs qui existait avant. Dans les télévisions et les radios, il y avait bien un courrier des auditeurs/téléspectateurs, mais il y était rarement pris en compte. Le médiateur permet de les remettre en avant. »

Un poste pour des journalistes chevronnés

 On ne peut pas être médiateur avant 50 ans Patrick Eveno 
La culture de la médiation est une chose, la personnalité et le parcours des personnes qui l’exercent en est une autre, même si les deux sujets sont intimement liés. Marie Laure Augry, Franck Nouchi et Bruno Denaes ont au moins un point commun : ils sont tous très expérimentés. L’actuel médiateur du Monde travaille au journal depuis près de trente-trois ans. Il y a notamment publié des articles sur l’affaire du sang contaminé ou la découverte du virus du sida et fut aussi directeur adjoint de la rédaction du journal. Bruno Denaes est à Radio France depuis les années 1980. Ancien rédacteur en chef de plusieurs antennes régionales du groupe, désormais rattachées au cœur de l’offre de France Bleu, il a occupé plusieurs postes importants au sein de France Info. Marie-Laure Augry évolue quant à elle dans l’audiovisuel public et privé depuis les années 1970.  
 
«  On ne peut pas être médiateur avant 50 ans, explique Patrick Eveno. Ce n’est pas possible, dans la mesure où c'est l'explication d'un média avec son public, il ne s’adresse pas à ceux qui ne le lisent ou ne l’écoutent pas. Il faut quelqu'un qui ait connu la vie de la rédaction, qui sait comment ça marche ». Cette expérience est indispensable selon Franck Nouchi : « Je pense que les médiateurs doivent avoir un long passé dans l'organe de presse où ils travaillent pour pouvoir bien exercer leur fonction. Il faut être relativement légitime par rapport aux rédacteurs que vous allez avoir à commenter. Cette légitimité-là, je l’ai acquise au fil du temps. » Si Bruno Denaes ne s’attendait pas à recevoir le poste, l’ancien secrétaire général de France Info trouve logique qu’on lui ait fait la proposition, compte tenu des exigences du poste : « [La direction] cherchait quelqu'un qui connaissait bien la maison et les gens, raconte-t-il. Il fallait que le médiateur soit diplomate, sensible à la langue française, à l'éthique, à la déontologie. C'était vraiment par compétence et par connaissance du groupe et des gens qui animent les antennes. » Comme le rappelle le site internet de l’organisation des Ombudsmen (ONO), la plupart des médiateurs viennent des médias qu’ils sont chargés de scruter. Mais ce n’est pas tout le temps le cas.

Le public editor du New York Times, un cas particulier

 Margaret Sullivan est souvent montée au créneau pour critiquer le New York Times 
Daniel Okrent, le premier à occuper le poste de public editor au New York Times entre 2003 et 2005, est un auteur et avait auparavant été éditeur dans plusieurs magazines, tandis que Margaret Sullivan, public editor entre 2012 et 2016, venait du Buffalo News. Durant ses treize années d’existence, le poste a toujours été attribué dans le journal new-yorkais à des personnes qui ne venaient pas de ses salles de rédaction.  L’objectif ? Montrer que la personne qui allait porter la voix des lecteurs au sein de la rédaction du New York Times n’était pas acquise au journal, n’allait pas retenir ses coups et se situait en dehors de toute hiérarchie. Interviewé sur le poste de médiateur, Bill Keller, le rédacteur en chef du New York Times qui a choisi de recruter Daniel Okrent indiquait à l’époque qu’il avait pensé à recruter quelqu’un du journal, avant de faire marche arrière : « Si cette personne va être un représentant des lecteurs, le fait qu’elle ait travaillé ici ne compliquerait-il pas les choses ? ». Arthur Ochs Sulzberger Jr., alors éditeur du New York Times, expliquait dans le même article que ce public editor aiderait « à mieux comprendre ce que nos lecteurs et nos critiques […] disent. Et ça nous aidera à leur expliquer. Au maximum de son efficacité, c'est une autoroute à quatre voies ».
 
Margaret Sullivan est souvent montée au créneau pour critiquer, souvent durement, le New York Times, par exemple à propos de son traitement du scandale de Flint, ou à propos de l’utilisation de sources anonymes dans les papiers. Elle a par ailleurs exprimé sa perplexité devant les résolutions du journal à ce sujet. En définitive, elle agissait moins comme relais des lecteurs à destination de la rédaction et de la direction du New York Times que comme analyste et critique des méthodes du quotidien, à l’image de Daniel Okrent, qui a notamment posé des réflexions sur la place du journal dans la sphère de l’information américaine. Une position qui a parfois donné l’impression aux titulaires du poste d’être perçus au sein de la rédaction comme des agents des affaires internes scrutant leurs pairs.
 
Lorsqu’elle a quitté le New York Times en avril 2016(2), de nombreux articles ont loué le travail de Margaret Sullivan, mais tous les médiateurs du quotidien ne peuvent mettre en avant le même bilan. Ainsi Lyz Spaid, la dernière public editor en date, a été jugée très durement en raison de son manque de recul vis-à-vis des courriers de réclamation des lecteurs ainsi que d’une certaine maladresse qui a pu, par moment, permettre au procès en fake news  à l’encontre du New York Times de gagner en puissance. Elle avait par exemple expliqué que, quand bien même un homme politique mentait, il fallait éviter de trop parler de « mensonge » mais avait aussi critiqué en direct sur Fox News la façon dont certains des journalistes du New York Times utilisaient Twitter.
 
En définitive, il est compliqué de dire s’il serait mieux que le médiateur soit issu du média où il va assumer sa fonction ou non. « La façon du New York Times de concevoir le poste est intéressante, elle a plein d'avantages, c'est évident, analyse Franck Nouchi. Le risque est que la greffe ne prenne pas. Parfois, ça prend, parfois non». S’il doit uniquement s’adresser au public de son média, alors en effet, engager quelqu’un qui a travaillé pendant de nombreuses années en son sein est peut-être une meilleure idée. Mais s’il peut être plus proche des différents journalistes, ce qui peut faciliter le dialogue, il reste toujours la question d’amitiés ou d’inimitiés avec d’anciens collègues qui peuvent empêcher une parfaite impartialité. « Au début des années 2000, il y a eu toute une série de polémique sur le médiateur du Monde, étant payé par le journal, certains l’accusaient de le défendre systématiquement, rappelle Patrick Eveno. Est-ce pour autant un valet du patron ? C’est rarement le cas, mais ça peut arriver. » Reste que le médiateur du Monde n’est pas le seul à être critiqué : Bruno Denaes a par exemple également fait l’objet d’articles d’Acrimed mettant en cause ses méthodes, ses interventions et son objectivité. Ce qui semble inhérent au poste, en quelque sorte.

Le reader center, un service plus proche des lecteurs ?

Aujourd’hui, donc, le New York Times n’a plus de médiateur. Celui-ci a été remplacé par un reader center. Dans un post de blog, Cliff Levy, rédacteur en chef adjoint du New York Times, explique que ce nouveau service, dirigé par Hanna Ingber, une journaliste expérimentée, a pour mission d’établir des liens encore plus forts avec les lecteurs, et de permettre de « capitaliser sur les connaissances et l’expérience » de ceux-ci afin d’améliorer le travail des journalistes. Il s’agit d’accueillir et de valoriser les recommandations et les commentaires du public, ou même de transmettre des recommandations de sujets. « Le Reader center privilégie une logique qui se situe entre la co-production avec le public et le marketing éditorial », a expliqué le sociologue des médias Jean-Marie Charon dans une interview à Télérama. On peut prendre comme exemple ce qu’a fait le reader center à propos d’un article du New York Times portant sur le bubble tea. Celui-ci, publié le 16 août, abordait la croissance des enseignes et des marques s’intéressant à la boisson. Le lendemain, l’article est mis à jour avec cette mention: « Note de la rédaction: Une version antérieure de cet article a suscité la critique des lecteurs et nous avons depuis révisé l'article en réponse. Nous en avons discuté plus en détail ici », avec un lien hypertexte qui mène à un article du reader center intitulé « Nos lecteurs nous interpellent à propos du bubble tea. Ils ont raison ».

 Le reader center du New York Times a aussi mis en place une page intitulée « nous voulons avoir de vos nouvelles » 
L’auteure, Elen Pollock, cheffe de la rubrique business, tient à s’excuser : « Certains lecteurs ont eu l’impression, en lisant l'article, que nous venions de découvrir le bubble tea, explique-t-elle. D'autres ont trouvé que nous décrivions la boisson, créée à Taïwan, comme étrange et étrangère […] ». Le reader center a aussi mis en place une page intitulée « We Want to Hear From You » (« nous voulons avoir de vos nouvelles ») où les lecteurs peuvent proposer des sujets, envoyer leur feedback, des questions sur les méthodes des journalistes… ou évoquer des problèmes avec leur abonnement. Le service s’engage à donner une réponse rapide, ce qui donne l’impression d’avoir affaire à un service après-vente chargé de répondre aux clients mécontents,  à juste titre. Ce qui s’éloigne de ce que proposent les public editors et les médiateurs, qui prennent parfois beaucoup plus de temps pour rédiger une réponse, enquêter, poser des questions à leurs collègues et offrir une analyse critique du travail journalistique.

Le community manager comme médiateur

 Dans certains médias, les équipes de social media management assument, dans les faits, des missions qui reviendraient normalement à un médiateur 
Ce changement d’attitude du New York Times n’est finalement que le résultat d’un changement plus profond des façons de communiquer. « Ce qui a fait évoluer les choses, explique Patrick Eveno, c'est Internet et les réseaux sociaux - en 1994 quand le médiateur du Monde est nommé, internet n'existe quasiment pas ; Il y a quelques mails mais l'essentiel c'est du courrier papier et du journalisme « à l'ancienne ». C’est pour ça que le New York Times supprime son médiateur. C'est de plus en plus les community managers qui servent de médiateurs. Ce sont eux – ou les rubriques type Décodeurs ou  LibéDésintox – qui, sur les réseaux sociaux, répondent, argumentent, expliquent. Le médiateur existe encore mais on peut considérer qu'il est amené à disparaître si le community management s’amplifie. » Dans un memo interne, Arthur Sulzberger Jr, actuel éditeur du New York Times n’expliquait pas autre chose : «  Aujourd'hui, nos lecteurs sur internet et ceux qui nous suivent sur les réseaux sociaux se sont rassemblés pour servir collectivement de chien de garde modernes, plus vigilants et plus énergiques qu'une seule personne ne pourrait jamais l'être. Notre responsabilité est de les habiliter et de les écouter, plutôt que de canaliser leur voix par le biais d'un bureau unique ».
 
En France, dans certains médias, notamment au Figaro, les équipes de social media management assument, dans les faits, certaines missions qui reviendraient normalement à un médiateur, même si ce n’est pas revendiqué ou même réfléchi. « Il y a une mission philosophique de base qui est de dire que l'on fait le lien entre les internautes et les journalistes, c'est un service qui est composé de journalistes d'ailleurs », détaille Marie-Amélie Putalaz, responsable du service social media du Figaro. « L'idée c'est de faire sens entre la communauté et les journalistes sur la partie éditoriale, même si par ailleurs on travaille aussi avec l'audience. » Les membres du service, en plus de leur activité de publication sur les réseaux sociaux, recueillent les réactions des lecteurs et, de temps à autre, les compilent dans des articles regroupés sous la dénomination « votre avis ». « C'est très important de savoir ce que pensent nos lecteurs, détaille Marie-Amélie Putalaz. Lorsque l’on est journaliste, on écrit pour un lecteur, donc il est nécessaire de se connecter à lui. » L’équipe social-média du Figaro recueille aussi les précisions des journalistes de la rédaction sur certains points lorsque les lecteurs posent des questions sur leurs méthodes ou sur des précautions prises dans certaines formulations. « Mais beaucoup de choses qui nous arrivent qui sont de l'ordre du service client, et qui sont compliquées à gérer », continue Marie Amélie Putalaz.
 
Pour Marie-Laure Augry, il ne faut pas confondre médiation et gestion des réseaux sociaux. « Ce sont deux choses complètement différentes. Les réseaux sociaux sont un indicateur. Mais ça n'a, en aucun cas, une fonction de médiation. » Franck Nouchi abonde : « Ce sont deux démarches différentes. Je pense que le New York Times a voulu se débarrasser de quelque chose qui était devenu pour eux une sorte de poil à gratter. Pendant quelques années, à l'issue de l'affaire Jason Blayr, le New York Times avait décidé de prendre le risque du poil à gratter. Je suis d'accord avec eux sur le fait qu’il est important d'expliquer aux lecteurs pourquoi on fait les choses, quelles difficultés on peut rencontrer, ça c'est extrêmement important, mais ce n’est pas la même chose que la médiation ». Pour Patrick Eveno, les choses vont évoluer, mais impossible de prédire de quelle façon : « les réseaux sociaux ne rendent pas caduque la position du médiateur, pour l'instant ils sont complémentaires, ils ont peut-être encore un peu de temps avant de voir leur situation disparaître. Mais pour l’instant effectivement ça pose un problème pour le rôle du médiateur, c'est sûr. »

Quels futurs et quelles alternatives pour le médiateur ?

 Le futur du médiateur semble bien incertain 
Les difficultés économiques que connaissent les médias actuellement ne sont pas étrangères aux débats en cours. « La fonction de médiateur n’est pas en voie d'expansion en raison de la conjoncture, rappelle Marie-Laure Augry. Si l’on se réfère aux USA, un certain nombre de postes ont été supprimés. Les patrons de presse auraient intérêt au contraire à maintenir et à développer la place de médiateur, pas forcément à temps plein, d’ailleurs. Il y a plein de formules qui peuvent exister. Mais il faut que cette instance-là existe. Elle est importante et je dirais presque encore plus importante dans le contexte d'Internet, des réseaux sociaux, à condition d'être en effet des outils d'échange et de réflexion sur le traitement de l'actualité, pas d’être des juges de paix. »

Le futur du médiateur semble donc bien incertain. « Il n'y a pas d'obligation d'avoir des médiateurs, explique Patrick Eveno. Dans l’audiovisuel, on observe une scission nette entre le public et le privé  parce que le service public s'est senti obligé de le faire pour répondre aux différentes critiques qu’on lui adresse, car ils sont sous tutelle du CSA, du gouvernement, etc. Quant au privé, je crois que ce n'est pas leur problématique. C'est un poste qui coûte cher, ils estiment que ce sont les publicitaires qui font la médiation puisque lorsqu'ils retirent leur pub, ça veut dire que le public n'est pas content. » En mai 2017, Cyril Hanouna avait présenté ses excuses à la suite d’un canular homophobe… après avoir été lâché par de nombreux annonceurs. On pourrait parler ici d’une médiation par le portefeuille, même s’il serait plus juste de parler de sanction économique motivée par la volonté des marques de préserver leur image. Pas sûr qu’il s’agisse de l’alternative la plus désirable pour le futur de la médiation entre les médias et leurs publics.

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Crédits :
Illustration : Ina. Yann Bastard
(1)

Elle est remplacée par Nicolas Jacobs, qui était médiateur de l'information de France 2. Il occupe désormais le poste de médiateur de l'information nationale, qui recouvre France2, France 3 et France Info.

(2)

Il a été annoncé en août que Liz Spayd rejoignait Facebook en tant que consultante pour aider le réseau social avec les les problématiques de transparence qu’il rencontre.

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