Avec #MonMaire, franceinfo donne la parole aux (é)lecteurs

Avec #MonMaire, franceinfo donne la parole aux (é)lecteurs

À quelques mois des élections municipales, La Revue des médias se penche sur des initiatives mises en place par des médias pour couvrir le sujet. Le dernier épisode de notre série porte sur #MonMaire, le formulaire mis en place par franceinfo, pour donner la parole aux lecteurs et lectrices.

Temps de lecture : 5 min

« Racontez-nous ce que votre maire a changé dans votre quotidien », demande le premier article du projet #MonMaire, paru sur franceinfo le 5 novembre 2019. Le principe de cet outil rendu public à quatre mois des municipales ? Faire remonter une action significative d’un ou d’une maire qui aurait changé, en bien ou en mal, la ville et/ou le quotidien des habitants. Quiconque souhaite témoigner peut le faire en ligne, en laissant ses coordonnées pour être contacté par la rédaction. « L’objectif est d’identifier des sujets sur lesquels nous pourrions faire des reportages, enquêtes et interviews. Tout ne donne pas forcément lieu à un article, mais si une histoire locale a une résonnance nationale, on y va ! », explique Delphine Legouté, directrice adjointe de l’information numérique de franceinfo, chez France Télévisions.

Pensé depuis le printemps, le projet tient à cœur à la journaliste : « Nous ne voulions pas traiter ces élections à travers le prisme de la politique politicienne, et désirions sortir des métropoles. Par ailleurs, nous souhaitons replacer notre lectorat en amont de nos sujets. Pour cela, nos questions sont volontairement larges. » C’est ainsi que naît l’opération. Deux semaines après son lancement, 700 témoignages ont déjà été recueillis. Dès les premiers résultats, une quinzaine de thématiques se sont d’elles-mêmes imposées, parmi lesquelles l’environnement, la bétonisation des petites villes ou la mobilité.

Une à deux personnes travaillent sur #MonMaire à temps plein pour publier un article par semaine — le premier a concerné une décharge à ciel ouvert dans une commune du Var. « Nous aimerions monter en puissance en publiant deux fois plus dans les semaines précédant les scrutins, avec davantage de journalistes dédiés. Nous nous tenons prêts à évoluer en fonction du succès rencontré : si notre lectorat est enthousiaste, nous en ferons plus ! », s’enthousiasme Delphine Legouté.

Si jusqu’à présent les sujets remontés par le mot-dièse #MonMaire ont fait l’objet d’articles publiés sur le site web, la journaliste  assure que l’objectif est de partager les retours avec l’ensemble du groupe. « L’idée est de travailler en coopération avec tout le monde, un témoignage reçu sur #MonMaire pourra donner lieu à des sujets sur la chaîne télévision de franceinfo, France 2, France 3 et sur nos déclinaisons radio. »

Risques de récupération politique

La rédaction de franceinfo espère que l’initiative rencontrera autant de succès que l’opération #AlertePollution, lancée il y a plus d’un an et source d’inspiration pour #MonMaire. « Une différence de taille demeure : avec #AlertePollution nous invitons nos lecteurs à dénoncer des cas de pollution alors qu’avec #MonMaire nous cherchons des témoignages sans vouloir démontrer quoi que ce soit », précise Margaux Duguet, journaliste affectée au projet.

La plateforme, ouverte à toutes les contributions, représente le risque prédominant que les équipes de campagne s’en saisissent pour porter leurs intérêts en vantant leurs actions ou en rapportant une action d’un opposant qui pourrait jouer en sa défaveur. Le formulaire de franceinfo apparaît ainsi sur le site Nice ensemble, soutenant la réélection du maire sortant. « Participez à l’appel à contribution #MonMaire […] et dites comment l’action de Christian Estrosi et de la majorité Nice Ensemble a transformé Nice ! », propose la page internet.

« Le résultat a été faible puisque deux semaines après, seuls trois témoignages nous étaient remontés », constate Delphine Legouté. Consciente des risques, celle-ci se veut rassurante : « Il est assez facile de vérifier si un témoignage est celui de citoyens et citoyennes lambda ou s’il s’agit d’un message reprenant les éléments de langage d’une équipe de campagne. Notre travail est de vérifier en remontant à la source. » 

« Nous publions un article quand nous estimons qu’il représente un intérêt général »

De toute façon, le travail journalistique est effectué si l’information alléguée est pertinente pour l’ensemble du lectorat, assure-t-elle. « Peu importe si le sujet a été mis en avant par un partisan ou un opposant. Nous publions un article quand nous estimons qu’il représente un intérêt général. » Ce fut le cas tout récemment après qu’un élu local d’opposition à Athis-Mons a recouru au dispositif #MonMaire pour alerter franceinfo de la suppression, par la mairie, de la subvention accordée aux Restos du cœur, qui en bénéficiaient jusqu’alors.

« Le média des municipales »

#MonMaire s’inscrit dans une stratégie d’ensemble adoptée par le média global franceinfo, édité par France Télévisions et Radio France. « Notre volonté éditoriale était de nous positionner, dès le mois de septembre, comme étant le média des municipales », explique de son côté Jean-Philippe Baille, directeur de la rédaction de la radio franceinfo. C’est ainsi qu’il faut comprendre les autres initiatives déployées par la radio pour couvrir ces élections. À l’image du podcast natif Paris, la bataille, diffusé chaque semaine depuis le 6 septembre et présenté par Benjamin Mathieu. À celle, aussi, des émissions itinérantes de deux heures (à midi, une fois par mois) du Bus des municipales, animées en direct par Frédéric Carbonne.

« Nous voulions montrer que nous occupions ce terrain-là, faire vivre la campagne à travers différentes émissions », expose Jean-Philippe Baille. D’autant que les émissions sont complémentaires : là où le podcast se consacre uniquement aux élections parisiennes, le Bus des municipales prend l’antenne depuis les métropoles, et #MonMaire donne la parole à des territoires plus petits. « L’an dernier, le mouvement des « gilets jaunes » a beaucoup reproché aux médias d’être parfois déconnectés de la réalité du terrain. Les élections municipales sont un moment important de la vie politique où nous devons justement aller voir ce qu’il se passe dans les territoires. »

« C’est notre mission de service public et nous assumons d’y consacrer des moyens »

Un tel choix éditorial implique des ajustements pratiques et financiers. Du côté de France Télévisions, les journalistes affectés au projet #MonMaire et les déplacements effectués dans ce cadre représentent aussi un investissement. Chez radio France, Benjamin Mathieu est temporairement sorti du service reportage de la radio franceinfo pour se consacrer entièrement à la réalisation du podcast, qui compte donc un journaliste en moins. Même chose du côté du Bus des municipales qui se déplace de ville en ville, mobilisant techniciens et chargés de production. « Tout cela a un coût, mais nous considérons que c’est notre mission de service public et assumons d’y consacrer des moyens », tranche Jean-Philippe Baille.

Ne passez pas à côté de nos analyses

Pour ne rien rater de l’analyse des médias par nos experts,
abonnez-vous gratuitement aux alertes La Revue des médias.

Retrouvez-nous sur vos réseaux sociaux favoris

Autres épisodes de la série

Le groupe Centre France établit une , « charte de bonnes pratiques » pour les élections municipales

Municipales : le groupe de presse régionale Centre France se dote d'une « charte de bonnes pratiques »

À quelques mois des élections municipales, La Revue des médias se penche sur des initiatives mises en place par des médias pour couvrir le sujet. Entre émissions spéciales, questionnaires participatifs et charte de bonnes pratiques, notre série revient sur quatre projets originaux. Ce troisième épisode décortique la « charte de bonnes pratiques » adoptée par le groupe Centre France (La Montagne, L'Écho Républicain...)