Vers la collaboration harmonieuse ?
Pour intégrer le marché chinois en évitant la barrière des quotas, les sociétés américaines cherchent des partenariats, pour assurer des coproductions ou même des associations capitalistiques sur des sociétés locales codétenues. Les exemples sont nombreux ces deux dernières années, à tous les niveaux de l’industrie.
Du côté des salles d’abord. La société canadienne IMAX Corp a ainsi prévu d'équiper des dizaines de nouvelles salles en Chine de sa technologie offrant des images plus grandes et de meilleure résolution, et a été capitalisée pour cela par des investisseurs chinois (China Media Capital).
Pour la production, les exemples sont légion. Dès 2001, Sony/Columbia Pictures coproduit avec Huayi Bros pendant quatre ans les premiers blockbusters locaux, notamment Big Shot’s Funeral et Crazy Kung Fu avec Stephen Chow. Plus récemment, en 2014, le riche groupe Fosun a investi dans Studio 8, lancé par Jeff Robinov (ex-Warner Bros). Un consortium a été monté autour de Flagship Entertainement, détenu à 51 % par des entreprises chinoises (dont le fonds China Media Capital et la chaine hongkongaise TVB) et à 49 % par Warner Bros, afin de produire une série de films chinois, dont plusieurs films « tente pole » (films à très gros budget qui structurent l’année de production d’un studio). China Media Capital a également investi dans la joint-venture chinoise de Dreamworks Animation basée à Shanghai, dans un fonds commun avec IMAX destiné à financer des « tente-pole », et dans Star China TV (détenu par 21st Century Fox). Le groupe de Murdoch a aussi l’ambition de s’établir en Chine sur les deux volets de son activité, cinéma (20th Century Fox) et télévision (Sky, Fox). Le géant des médias et du divertissement américain Disney a enfin annoncé en avril un partenariat avec le groupe public China Animation, ainsi qu'avec le poids lourd de l'internet Tencent, pour un projet de développement de films d'animation chinois.
L’objet de tels partenariats est variable : pour certains, il s’agit de mieux financer et d’adapter au marché local des productions de culture américaine ; pour d’autre, d’élaborer une production chinoise plus internationale, de faire émerger des talents et de faire bénéficier au partenaire chinois de l’expertise industrielle américaine. La coproduction, si elle est reconnue officiellement, permet de qualifier un film coproduit comme chinois et d’échapper ainsi mécaniquement au régime des quotas. Mais la qualification d’un film comme coproduction n’est pas automatique, et les autorités chinoises se font de plus en plus exigeantes. Expendable 2, initialement prévu comme une coproduction, a finalement perdu son permis au moment de sa sortie en salle, devant ainsi réintégrer le rang des films du quota.
Les studios passent aussi des contrats avec les plateformes de diffusion en ligne VOD et SVOD chinoises, afin de profiter du florissant marché de la consommation numérique. NBC Universal a ainsi signé un contrat de plusieurs années avec iQIYI (filiale de Baidu) pour y diffuser le catalogue des futures productions Universal, mais également avec Alibaba, pour sa filiale de diffusion en ligne TBO, déjà surnommé « le Netflix chinois ». Les acteurs de l’internet chinois s’associent même à la production : Alibaba Pictures par exemple finance un slate (portefeuille) de projets Universal, et investit également aux côtés de Paramount dans Mission Impossible 5 : Rogue Nation. Mais Alibaba ne se contente pas de coproduire : l’entreprise a aussi travaillé à la promotion du film, et constitue une des principaux guichets d’achats avec son système d’e-tickets. Elle génère ainsi des bénéfices à plusieurs étapes de l’exploitation du film.
Les investisseurs chinois permettent ainsi non seulement aux films d’être mieux financés au moment de leur production, d’être mieux diffusés, et parfois même, mieux désirés.