Renforcer le système
Le principal challenge d’un organisateur est de parvenir à stabiliser ce processus hautement instable, à stabiliser la « chaîne logistique » du festival. Or, la ressource film, comme beaucoup de ressources, est, si ce n’est à usage unique, du moins périssable (Iordanova, 2009). Le principal atout d’un producteur est la première de son film car une fois montré, le film est déjà vieux. Ce phénomène « d’ici et maintenant » donne sa valeur au festival, mais rend la programmation impossible à pérenniser (un festival ne peut montrer les mêmes films tous les ans). Dès lors, l’organisateur doit chercher à ralentir le dépérissement de la ressource, car la ressource cinématographique est rare. Un festival comme celui de Berlin sélectionne chaque année près de 400 films
Un festival comme celui de Berlin sélectionne chaque année près de 400 films.
et, si l’on compte que chacun des 12 principaux festivals doit accueillir au moins 14 premières mondiales, cela porte à 168 le nombre d’exclusivités par an que se disputent les festivals ! Il y a donc là une vraie compétition sur la ressource, rendue plus complexe par l’incertitude quant à la qualité de chaque nouveau film, même d’un réalisateur reconnu.
Alex Fischer identifie trois principales ressources nécessaires au fonctionnement de festivals de cinéma : les ressources de financement, les ressources opérationnelles (films et lieux) et les ressources liées à la participation. Afin de pérenniser le succès d’un festival, il est ainsi avisé de chercher à diversifier les sources de revenus ; d’autant que certains types de financeurs ne supportent que certains types de coûts. Du point de vue sociologique, les festivals qui marchent sont donc des cycles répétés de systèmes ouverts.
Fort de cette analyse, Fischer propose 8 points stratégiques permettant d’améliorer les potentialités du système ouvert : établir des alliances ; adopter le bon timing ; choisir le bon lieu ; avoir une fonction identifiable ; encourager les affiliations légitimantes (Sundance et Robert Redford) ; mettre en avant les participants ; contrôler les ressources ; rejoindre clubs et associations. Il démontre enfin lors d’un long exemple comment la redéfinition d’une identité et l’établissement d’une nouvelle offre a permis au Gold Coast Film Fantastic Festival (en Australie) de renouer avec le succès.
D’un abord assez conceptuel, cette réflexion permet de mettre en perspective un secteur d’activité très concurrentiel, très social, et très peu théorisé, et peut sans doute aider les organisateurs de festivals (et de la plupart des évènements culturels) à prendre du recul sur leur activité et à mieux orienter leurs pratiques.