De la production de films publicitaires au « copyright business »
Le studio Tôei Animation recherche dès le départ à réaliser des profits grâce à des activités périphériques, allant parfois jusqu’à oublier son objectif premier : produire des dessins animés.. Les premières années, les dessinateurs de cette société travaillèrent d’abord à la création de spots publicitaires pour un nouveau média en vogue, la télévision.
Aussitôt la première chaîne de télévision créée, la
NHK en 1953, apparaissent des chaînes privées comme NTV, Fuji TV et une véritable «
TV fever » s’empare de l’archipel. En un an, de 1958 à 1959, la production de publicité passe de 246 à 331 spots. En 1960, Tôei réalise 543 spots publicitaires. Pour s’adapter à ce secteur en forte croissance, un département publicité est créé en 1961. La Tôei répond parfois à des demandes inhabituelles. L’ambassade des États-Unis qui cherchait à améliorer son image auprès du public japonais, à commencer par les enfants, commanda ainsi au studio la réalisation de courts-métrages comme
Les nouvelles aventures de Hanuman (1958),
Chantons tous ensemble (1959) et
Interdépendance (1959). Le pays connaissait alors une montée de la contestation contre le Traité de sécurité nippo-américain renouvelé en 1960. Par la suite, la production de publicités prend une telle ampleur que le département se sépare de la Tôei Animation et devient la Tôei CM.
La Tôei a été une des premières entreprises à se préoccuper de la question des droits d’auteurs. Avec son premier dessin animé Ken le jeune loup (1963) se dessine pour la Tôei un nouveau modèle économique s’appuyant sur l’exploitation du copyright. L’idée n’en est encore qu’à ses balbutiements mais le contrat passé avec la firme de confiserie Morinaga permet de commercialiser des chocolats-caramels à l’effigie des personnages du dessin animé.
Le tournant a cependant lieu avec Le secret de Akko-chan (Himitsu no akko-chan) et la vente d’un petit jouet à l’effigie du personnage. Cependant, la connaissance du droit d’auteur sur les personnages est encore faible à l’époque et plus particulièrement en ce qui concerne les dessins animés. La vente massive de ceintures « Kamen Rider » par exemple sur laquelle la firme ne touche rien montre que l’exploitation des « marques » du groupe ne faisait pas encore partie de la culture de l’entreprise Tôei. Au début des années 1970, seul 10% du commerce des droits d’auteurs concerne les dessins animés.
Tout va changer avec la sortie de Mazinger Z (Majingâ zetto) en décembre 1972. En novembre 1974, Tôei Animation signe un contrat très important avec le fabriquant de jouets Bandai pour la fabrication de robots mechas, inspirés des dessins animés du groupe. Les jouets « Chogokin » devenus cultes aujourd’hui ont alors connu un grand succès et eurent une influence sur la manière d’utiliser les personnages dans des produits dérivés.
Mazinger Z
Enfin, l’affaire des contrefaçons de T-shirt « Candy » emmène à une prise de conscience du groupe de l’enjeu commercial existant sur l’exploitation des licences. En 1979, la police découvre 230 000 t-shirts de contrefaçon « Candy ». Tôei obtiendra la condamnation à 2 ans de prison des responsables. À partir de là, la législation sur les droits d’auteurs au Japon est renforcée, mais la contrefaçon continue dans le reste de l’Asie, laissant la Tôei impuissante.
L’ensemble du département commercial du groupe est de fait réorganisé pour se concentrer sur un nouvel objectif : faire du « Character Business » (Kyarakutâ Bijinesu). À partir de 1981, il se lance donc dans la production de masse de produits dérivés : jeux, gommes, peluches, calendriers, cadeaux dans les boîtes de céréales, et même Pachinko aux couleurs des héros du studio, tout est bon pour à la fois élargir son public et exploiter commercialement les personnages du groupe. En plus des jouets, et autres produits dérivés, le « Character Business » consiste aussi à faire intervenir des personnes déguisés en héros des dessins animés comme Arare-chan ou Kinnikuman dans les centres commerciaux ou les nombreux parcs d’attractions que compte l’archipel.
Kinnikuman
Par ailleurs, la Tôei achète deux pavillons à l’intérieur du parc « Space World » de Kitakyûshû qui ouvre en 1990. Tôei lance aussi des comédies musicales, comme Sailor Moon en 1993, qui connaissent un grand succès.
L’exploitation des droits d’auteurs sur les personnages du groupe devient l’objectif premier de la Tôei, au point qu’elle encourage en amont les créateurs de dessins animés à songer aux débouchés possibles en termes de produits dérivés. À partir du milieu des années 1980, la Tôei s’intéresse de près à la sortie d’une nouvelle console de jeu, la Nintendo. Cela débouche sur la sortie d’une version jeu vidéo de Ken le survivant dès 1986, avec quelques 450 000 exemplaires vendus en quelques mois. En 1995, alors que l’entreprise fête ses 40 ans, elle devient, au Japon, celle réalisant les plus gros bénéfices issus des produits dérivés grâce aux succès de Dragon Ball Z, Sailor Moon et Slam Dunk. Au total, ce « business du copyright » (hanken bijinêsu) est devenu si important qu’il représente parfois la source principale de revenus du groupe : en 2002 par exemple, sur un chiffre d’affaire de 16,-9 milliards de yens, le commerce des produits dérivés représentait la première part avec 7,6 milliards de yens contre 6,9 milliards pour la vente de dessins animés.