Nouveaux médias, guerre et construction de la paix
Une panoplie de sujets retient l’attention des internautes dans le monde arabe et constitue l’objet d’intenses débats. La guerre et la paix en font partie. En 2006, lors du conflit entre Israël et le Liban, outre le recours aux médias traditionnels ou classiques (presse, télévision, radio), une nouvelle forme d’affrontement a été menée sur Internet.
Les blogueurs et la communauté Internet, qui ont été instrumentalisés par chacun des belligérants comme caisse de résonance au profit de leur cause devant les opinions publiques mondiales, se sont livrés une cyber guerre de l’information modifiant les perceptions du conflit. En contrepartie, les activistes et militants en faveur des droits de l’Homme, du dialogue, de la convivialité et de la paix, utilisent les nouveaux médias pour transmettre leur savoir et leurs pratiques à de plus larges publics, notamment les jeunes. Alors que la plupart des initiatives sont individuelles, certaines sont organisées collectivement, comme le groupe Facebook
Lebloggers, ou
AmmanNet,
Menassat, etc.
En tant qu’outils simples et souvent abordables, les blogs constituent des plates-formes particulières de témoignage et de partage, offrant souvent des voies d’entente et de dialogue pour régler les différents et promouvoir la convivialité. Certains blogueurs dans le monde arabe se concentrent sur un contenu - la publication d’articles, de courts billets, de photos, de vidéos -, alors que d’autres développent des logiciels de consolidation de la paix qui fonctionnent en idiome local ou régional. Le premier objectif est de servir le processus de paix, notamment dans les zones conflictuelles ou les espaces postguerres chargés de mémoires meurtries ; le second de faire prendre conscience et de responsabiliser les utilisateurs – citoyens marginalisés, activistes au sein des sociétés civiles, membres de diasporas, etc.
Lors des combats de l’été 2006 (Liban-Israël), certains blogs libanais ont adopté une tonalité conflictuelle comme
The Perpetual refugee,
Loubnan Ya Loubnan,
Hiroshima in Lebanon,
Lebanonesque ou
Lebanon Under Attack. Ces blogs ont souvent en commun la présence de nombreuses photos de victimes civiles ensanglantées – pertes humaines causées par les raids israéliens – assorties de chroniques régulières d’individus vivant quotidiennement une situation tragique. Toutefois, bien que dénonçant l’offensive israélienne, d’autres blogueurs ont cherché à établir une forme de dialogue entre libanais de diverses confessions, plaidant pour un retour à la paix, parfois même pour certains avec le voisin israélien. Ces blogs se veulent non partisans et insistent sur le devoir d’entraide et de soutien entre libanais. Citons par exemple
Bloggingbeirut,
Letters Appart,
Chroniques Beyroutines et
Pour que le Liban vive.
Dans d’innombrables situations, les blogueurs remplacent les journalistes dans leur rôle de témoins. Le blogueur égyptien
Wael Abbas, par exemple, est devenu une véritable star de la blogosphère après avoir posté sur son blog et sur YouTube des images de tortures dans les prisons égyptiennes. Ces documents ont conduit au premier procès contre les forces de l’ordre égyptiennes. En ce sens, des blogueurs permettent d’accroître la liberté d’expression. Autre exemple, le Saoudien
Ahmed al-Omran a permis de rendre publique l’affaire de Qatif, une jeune fille condamnée pour avoir été violée par sept hommes, ou encore le site
Mideast Youth du Jordanien Mohamed Azraq qui constitue un espace de liberté plus individuelle puisqu’il ose enfreindre, entre autres, des tabous sociétaux comme celui de l’homosexualité.